BMR

36 votes

  • L'Homme inquiet

    Henning Mankell

    9/10 Cet excellent roman est empreint d'une certaine tristesse désabusée qui mêle habilement le passé et le présent, l'histoire personnelle de Wallander et celle de l'officier de marine.
    La dernière enquête Wallander s'avère être une réussite (sur le plan littéraire s'entend, pour le reste, on vous laisse dénouer les fils de l'intrigue politico-policière !).
    Les amateurs de polars ne manqueront pas cet excellent épisode.
    Mankell poursuit sa leçon d'histoire et met en scène les années 80 où, après la guerre froide, la ‘neutralité’ suédoise incline cette fois du côté de l'Otan.
    C'était l'époque du Premier ministre Olof Palme (assassiné en 1986), du groupe suédois d'armement Bofors et bien sûr des mystérieux sous-marins soviétiques venus rôder dans les eaux suédoises.
    En réalité, il y a beaucoup d'hommes inquiets dans ce roman.

    18/03/2014 à 15:07 1

  • Le Chinois

    Henning Mankell

    5/10 Le bouquin ne mérite guère l'étiquette de polar, l'intrigue policière n'est qu'un vague prétexte vite délaissé, le roman de Mankell est presqu'un essai de géopolitique (testament ou témoignage).
    Sa thèse nous montre les chinois d'aujourd'hui (ou de demain matin) prêts à néo-coloniser les terres d'Afrique pour y déporter leurs trop nombreux paysans pauvres que le modèle socio-économique chinois peine à satisfaire. L'Afrique personne n'en voulait plus, l'Empire du Milieu a des paysans à ne plus savoir qu'en faire, l'équation est simple.
    Bien sûr on comprend bien que Mankell cherche de bonne foi à défendre 'son' Afrique contre une troisième vague de colonisation mais malgré ses 500 pages, sa thèse a vraiment des relents nauséabonds de péril jaune et la démonstration est vraiment un peu courte.
    Dommage, car le sujet est vraiment passionnant et au cœur de l'actualité mondiale.

    18/03/2014 à 14:58 1

  • Yeruldelgger

    Ian Manook

    6/10 Patrick Manoukian veut trop bien faire et accumule les maladresses.
    Pour faire moderne ou pour nous convaincre que les nomades sont branchés, l’auteur nous inonde d’iphone, ipad et autres igoogooleries. Ben voyons.
    Et puis non content d’en faire des kilos au rayon folklore local (au point de convoquer les moines de Shaolin !), il en fait des tonnes au rayon polar. Plus américain tu meurs. À tel point que certains chapitres hyper-violents sont bien trop complaisants envers les sévices infligés aux corps des jeunes femmes : on retrouve là des relents nauséabonds de Millenium. On n’aime pas du tout, du tout, cette tendance douteuse et dangereuse qui demande à être parfaitement maîtrisée, ce qui est loin d’être le cas chez Stieg Larsson comme chez Ian Manook.
    Manoukian s’applique d’ailleurs soigneusement à imiter un peu tout le monde : commissaire à la Nesbo, fantômes à la Indridason, nazillons à la Mankell, légiste à la Patricia Cornwell, far-east à la Craig Johnson et j’en passe. Cette accumulation facile, commerciale et maladroite de clichés (et de violences gratuites) finira donc par nous gâcher le plaisir du voyage.

    15/03/2014 à 11:20 3

  • Des illusions

    Magnus Montelius

    8/10 Le bouquin est doublement passionnant : le contexte politique des années 60, la naissance des groupuscules gauchistes, l’isolement de l’Albanie, l’ouverture des pays de l’est vers 1990 (l’Albanie fut naturellement dans les bons derniers), …
    On pense au Mankell de L’homme inquiet ou encore à Leif GW Persson.
    Et puis il y a le travail journalistique des deux curieux, Meijtens et Natalie : le folklore habituel des salles de rédaction nous est épargné au profit d’un travail patient et minutieux d’enquête consistant à interroger systématiquement les anciens témoins et protagonistes de l’époque, à recouper les différentes sources avec méthode.
    Ni experts scientifiques, ni profileurs, ni même 007 suédois.
    Peu à peu, au fil des pages et des interrogatoires, tous ces petits à côtés qui émaillent les dialogues finissent par former une ambiance prenante et restituer le lent et délicat travail de l’interview.

    18/03/2014 à 10:52

  • Justice dans un paysage de rêve

    Malla Nunn

    8/10 On découvrira au fil de l'enquête que tout n'est pas noir ou blanc. Qu'il y a beaucoup, beaucoup de gris, de quelque côté que l'on se tourne : la place faite aux métis dans cette histoire est très instructive et dévoile tout un pan méconnu de cette Afrique du Sud dont avait une photo uniquement en noir et blanc.
    Nous voici donc au début des années 50 dans un trou perdu du veldt, tout près de la frontière avec le Mozambique. À cette époque la doctrine de l'apartheid est en plein essor et fleurit sur les cendres du nazisme. Le Nasionale Party (tiens, y'a encore de l'écho ?) et les Afrikaaners sont au mieux de leur forme. Sur fond de guerre froide, la Security Branch fait régner la terreur blanche, pourchassant tout ce qui est rouge ou noir.
    Et puis ce jour-là ... dans ce trou perdu de la brousse, on découvre un cadavre au bord du fleuve.
    Un cadavre de blanc. Un cadavre de flic. Un flic blanc qui descendait d'une noble lignée de Boers purs et durs.
    Alors la Security Branch dépêche sa meilleure escouade de gros bras, avides d'épingler, que dis-je, de pendre un pauvre black à tendance rouge.
    On trouvera sûrement tout ce qu'il faut sur place : le bonhomme, les aveux et la corde.

    18/03/2014 à 15:09

  • Comme dans un rêve

    Leif GW Persson

    7/10 Olof Palme c’est un peu le Mitterrand suédois et son assassinat mystérieux est un peu à l’Europe, ce que celui de JFK est aux US.
    Que ceux qui espéraient un polar à l’américaine, urbain et trépidant, passent leur chemin. La marque de fabrique de Leif GW Persson, c’est la procédure documentée, le dossier minutieux.
    Les amateurs de scoop fracassant ou de révélation croustillante en seront pour leurs frais.
    Il faut même un peu de courage pour rester accroché au copieux dossier durant ses 600 pages.
    Reste l'équipe d'enquête on l’a dit : quelques filles et garçons sympas (ouf !), ravis de travailler pour le grand patron qui dirige les investigations en douce et en marge de l'enquête officielle, sous prétexte de ré-indexation des archives du dossier Palme. Cela nous vaut quelques pages savoureuses.

    17/03/2014 à 15:54

  • Entre le désir de l'été et le froid de l'hiver

    Leif GW Persson

    7/10 Un pavé de 735 pages, une curiosité réservée aux fans d'Histoire, de Suède et d'Histoire de la Suède.
    On y croise toutes sortes de personnages aux noms indémêlables.
    Et notamment un clone nordique de John Edgard Hoover qui rêve de bâtir un FBI suédois sur le modèle de la Stasi.
    Un drôle de bouquin, peut-être le plus américain des polars nordiques, où le hareng aurait remplacé la saucisse sur le BBQ.
    Et puis une traversée éclair des années récentes de la Suède, pays trop méconnu, on ne le répètera jamais assez.
    Un peu longuet mais instructif.
    Avec en prime la solution (!) du mystère de la mort d'Olaf Palme, assassinat qui est à la Suède ce que celui de Kennedy est aux US.

    18/03/2014 à 14:53

  • En mémoire de la forêt

    Charles T. Powers

    8/10 Bien loin du rayon polar et thriller où certains voudraient le caser, ce roman est un sinistre voyage aux fins fonds d'une campagne polonaise accablée de tristesse et de grisaille, courbée sous le poids d'un passé bien trop lourd à porter.
    On retrouve ici un peu de la sombre et oppressante ambiance du Rapport de Brodeck.
    Dommage que Charles T. Powers ne soit pas resté encore un peu avec nous ...

    18/03/2014 à 14:50 3

  • Un pied au paradis

    Ron Rash

    9/10 Certes il y a meurtre et assassin mais l'étiquette polar serait quelque peu réductrice pour ce roman remarquablement construit, avec une écriture forte et droite. Un très bon moment de lecture.
    Tout au long du récit, alors qu'on s'enfonce dans les mémoires, dans les vies et l'histoire de ces fermiers des terres du sud, la montée annoncée des eaux du barrage résonne comme le refrain d'un choeur antique.

    18/03/2014 à 14:42 1

  • Ce qui n'est pas écrit

    Rafael Reig

    5/10 Rafael Reig ne réussit malheureusement pas à tirer tout le parti de sa bonne idée et chacune des histoires imbriquées se terminera aussi laborieusement qu'elle a commencé.
    Les personnages sont à la limite de la caricature : un Carlos alcoolique et intransigeant, un fils faible et veule et une Carmen versatile et insignifiante.
    Finalement, on en vient à penser avec sévérité (sans doute trop de sévérité) que le bouquin de Rafael Reig ressemble au faux polar de son Carlos : pesant et glauque, maladroitement imbibé de whisky et inutilement épicé de sexe.

    17/03/2014 à 15:52

  • Requins d'eau douce

    Heinrich Steinfest

    8/10 Quel plaisir que cette lecture où la kulture est évidente sans se prendre au sérieux, portée par l'humour pince sans rire et les associations d'idées, où le sel de l'esprit est si savoureux et si impertinent qu'on se dépêche de passer les détails de l'intrigue policière dans la hâte de se perdre dans une nouvelle digression à demi philosophique.
    Une lecture où l'on retrouve un peu d'une ambiance entre l'inspecteur Derrick et Fred Vargas.
    L'inspecteur Lukastik est misanthrope, obsessionnel, impertinent, prétentieux et arrogant, un vrai parisien.

    18/03/2014 à 14:49 1

  • Casco Bay

    William G. Tapply

    9/10 Après Déruve Sanglante, nous voici donc repartis sur les rivages du Maine où l'on a retrouvé avec grand plaisir Stoney Calhoun et son passé d'amnésique, la belle Kate et le shérif Dickman.
    Ah, j'allais oublier Ralph, le chien.
    Les cadavres s'accumulent sur les îles de la baie de Casco et même si les histoires de pêche à la mouche sont toujours là (et on les aime, pourtant dieu sait qu'on n'y connait rien !), cette fois le bouquin ressemble un peu plus à un vrai polar, c'en est presque dommage tellement on avait apprécié l'ambiance équivoque (entre deux eaux, c'est le cas de le dire !) du premier épisode. Ici Stoney Calhoun arbore même un temps l'étoile d'adjoint de son pote le shérif.
    Visiblement, Tapply installe et développe ses personnages et, pour une fois, on ne saurait trop vous conseiller de lire ces deux tomes dans l'ordre (celui-ci est le second) de façon à profiter pleinement du charme du premier.
    On en a maintenant l'habitude : les drames du Maine d'aujourd'hui sont fortement ancrés dans ceux d'hier ...
    Comme lors du premier épisode, l'intrigue policière est mince et importe peu : c'est elle, le décor, et pas le Maine.
    Le plaisir vient des histoires racontées ici ou là avec, au final, l'impression d'avoir passé une semaine de vacances au bord de la mer à écouter les vieux pêcheurs nous parler de leur métier et de leurs histoires.
    Tapply confirme qu'on tient là une bonne série !

    03/04/2014 à 08:29 1

  • Le Dernier Lapon

    Olivier Truc

    8/10 Polar ethnique, thriller nordique, la bande annonce est alléchante, d'autant que le réalisateur, Olivier Truc, est un journaliste français correspondant du Monde à Stockholm.
    Un demi-coup de coeur : pas pour le côté littéraire (l'écriture est trop standard), pas pour le côté polar (l'enquête n'est qu'un prétexte), mais pour le volet ethno-socio-géo-politique. À lire comme un avant-goût de voyage.

    18/03/2014 à 14:45 2

  • L'armée furieuse

    Fred Vargas

    9/10 Sans doute l'un des Vargas les plus solides, les mieux construits. L'intrigue policière (ou plutôt les intrigues car il y en a deux, presque trois, qui s'entrecroisent) est bien maîtrisée. On sent que Vargas a choisit de plaire à un plus large public.
    Les dialogues savoureux, délicieux, onctueux, dont elle est coutumière, sont au rendez-vous. Les petites histoires débarquent sans prévenir, on n'y comprend goutte, et puis voilà, cinquante pages plus loin, ça resurgit et ça fait plop.
    Mais on est devenu exigeant (trop ?) et tout cela semble trop raisonnable, trop sage. De belles explosions de ci, de là, mais le feu d'artifice n'est pas aussi délirant que, par exemple, dans un récent "Lieu incertain".

    18/03/2014 à 15:02 1

  • Un lieu incertain

    Fred Vargas

    9/10 Fred Vargas s'est déchaînée : un véritable feu d'artifice d'associations d'idées, un festival d'Adamsbergueries.
    Les personnages se multiplient (le commissaire british, le neveu serbe, les adjoints ahuris de la brigade du commissaire, ...) et les dialogues sont tous plus déjantés les uns que les autres.
    Fred Vargas manie le fil et l'aiguille avec doigté et saute du coq à l'âne avec souplesse.
    L'auteure a le don de nous faire toucher le tissu erratique qui sous-tend le monde que l'on dit rationnel. C'est pas du fantastique ou du surnaturel (il ne s'agit que de pensées, d'actes ou de paroles très humains, si humains justement) mais, comment dire, on n'a pas tous le don d'Adamsberg pour naviguer dans ces eaux troubles et discerner les connexions au-delà des apparences. On s'identifierait plutôt aux collègues ahuris de la brigade !

    18/03/2014 à 15:05 2

  • La plage des noyés

    Domingo Villar

    9/10 Au fil des chapitres et des rencontres, le lecteur attentif devient peu à peu expert en parler-galicien, ce langage étrange où l'on répond à une question par une autre. Le plus curieux étant que visiblement ces gens-là se comprennent et que peu à peu l'enquête avance, mais si.
    Entre les petits restos du port et le marché à la criée, l'enquête avance à pas comptés, qu'on voudrait bien ralentir encore, peu pressés que nous sommes de quitter la compagnie de Leo Caldas.
    Voilà donc quelques heures assurées de belle lecture, assis sur les galets de la plage, sous la pluie, où Domingo Villar fait la preuve que Montalban n'est pas le seul auteur de polars espagnols !

    18/03/2014 à 14:41