BMR

36 votes

  • Alex

    Pierre Lemaitre

    9/10 Pierre Lemaître sait vraiment construire d’excellents polars et renouvelle la gamme sans se répéter. Il réussit à s’approprier les codes du genre et à nous promener en bateau avec des constructions emboîtées, façon poupées russes ou mieux, façon labyrinthe de miroirs.
    La construction savante et tordue est peut-être moins sophistiquée que celle de Travail soigné mais elle est encore plus efficace et plus accessible, plus crédible si besoin. C’est donc également ici une réussite, différente, mais tout aussi plaisante.

    15/03/2014 à 11:15 5

  • Back up

    Paul Colize

    9/10 Une fois accroché, impossible de lâcher le bouquin ou plutôt les bouquins puisque, à côté du polar, les souvenirs des sixties du batteur beatnik forment quasiment un roman dans le roman : l'occasion (sans doute en partie autobiographique) pour Paul Colize de faire défiler toute l'histoire du rock, l'histoire de ces années de libération sexuelle, d'effervescence musicale et d'agitation cérébrale (c'était la belle époque du LSD et d'autres pilules), depuis la guerre du Vietnam à la celle des Six jours (oui, c'était aussi l'époque de la guerre froide).
    Bruxelles, Paris, Londres et Berlin : une époque où l'on brûlait la chandelle de la vie par les deux bouts.

    15/03/2014 à 11:43 1

  • Casco Bay

    William G. Tapply

    9/10 Après Déruve Sanglante, nous voici donc repartis sur les rivages du Maine où l'on a retrouvé avec grand plaisir Stoney Calhoun et son passé d'amnésique, la belle Kate et le shérif Dickman.
    Ah, j'allais oublier Ralph, le chien.
    Les cadavres s'accumulent sur les îles de la baie de Casco et même si les histoires de pêche à la mouche sont toujours là (et on les aime, pourtant dieu sait qu'on n'y connait rien !), cette fois le bouquin ressemble un peu plus à un vrai polar, c'en est presque dommage tellement on avait apprécié l'ambiance équivoque (entre deux eaux, c'est le cas de le dire !) du premier épisode. Ici Stoney Calhoun arbore même un temps l'étoile d'adjoint de son pote le shérif.
    Visiblement, Tapply installe et développe ses personnages et, pour une fois, on ne saurait trop vous conseiller de lire ces deux tomes dans l'ordre (celui-ci est le second) de façon à profiter pleinement du charme du premier.
    On en a maintenant l'habitude : les drames du Maine d'aujourd'hui sont fortement ancrés dans ceux d'hier ...
    Comme lors du premier épisode, l'intrigue policière est mince et importe peu : c'est elle, le décor, et pas le Maine.
    Le plaisir vient des histoires racontées ici ou là avec, au final, l'impression d'avoir passé une semaine de vacances au bord de la mer à écouter les vieux pêcheurs nous parler de leur métier et de leurs histoires.
    Tapply confirme qu'on tient là une bonne série !

    03/04/2014 à 08:29 1

  • Deuil Interdit

    Michael Connelly

    9/10 Il y avait longtemps qu'on n'avait ouvert un Connelly.
    Avec Deuil interdit, il n'aura suffit que de quelques pages pour nous replonger avec délices dans les rues de Los Angeles aux côtés de Harry Bosch, notre détective préféré.
    Et on a bien vite retrouvé cette espèce de noirceur poisseuse qui semble coller aux basques des enquêteurs du LAPD, dans cette ville désabusée qui semble concentrer tout le désespoir du monde.
    Après une longue série d'excellents polars, Connelly est toujours en grande forme et on a bien aimé cette intrigue-là, particulièrement bien construite jusqu'à un dénouement étonnant.

    18/03/2014 à 10:50 4

  • Étranges rivages

    Arnaldur Indridason

    9/10 Ce qui fait la réelle saveur de ce bouquin, c’est bien sûr le récit des questionnements d’Erlendur, ses échanges et ses dialogues avec les islandais qu’il croise, ce que chacun apporte peu à peu au récit et les clés des mystères qui nous sont délivrées peu à peu : le mystère de la disparition de Matthildur et le mystère de la disparition de Beggur, le petit frère d’Erlendur. Elles n’ont rien en commun ces disparitions : sauf d’être des disparitions islandaises comme seul Arnaldur Indridason sait nous en raconter.
    Si Erlendur ne semble passionné que par les morts et les disparus, Indridason lui s’intéresse bien aux vivants, meurtriers ou victimes, qui portent sur leurs trop frêles épaules le poids de ces fantômes.
    Indiscutablement, cet auteur vient là de couronner brillamment son œuvre.
    Toute bonne série a (malheureusement) une fin et celle-ci est particulièrement réussie.
    Si vous ne connaissiez pas encore (mais est-ce vraiment possible ?), on ne saurait trop vous conseiller de commencer par les autres ouvrages avant d’arriver vous aussi à cette belle conclusion.

    15/03/2014 à 11:24 5

  • Il faut tuer Lewis Winter

    Malcolm Mackay

    9/10 La recette est inhabituelle et plutôt originale. MacKay a fait longuement dégraisser son polar à la cuisson et nous laisse en apprécier la substantifique moelle.
    Comme si l'auteur, visiblement aussi méticuleux que son héros, démontait pour nous, pièce par pièce, la mécanique de précision d'une machine à polar. Ici pas de descriptions savantes : on est presque surpris quand MacKay nous rappelle de temps en temps que ça se passe à Glasgow, tant son texte est universel et ressemble plutôt à une aventure new-yorkaise désincarnée.
    Dès les premières pages, on pense inévitablement à la bd de Luc Jacamon, Le tueur. Avec la même voix off qui traduit pour nous les pensées du tueur à gages méticuleux.

    17/03/2014 à 16:07 1

  • L'armée furieuse

    Fred Vargas

    9/10 Sans doute l'un des Vargas les plus solides, les mieux construits. L'intrigue policière (ou plutôt les intrigues car il y en a deux, presque trois, qui s'entrecroisent) est bien maîtrisée. On sent que Vargas a choisit de plaire à un plus large public.
    Les dialogues savoureux, délicieux, onctueux, dont elle est coutumière, sont au rendez-vous. Les petites histoires débarquent sans prévenir, on n'y comprend goutte, et puis voilà, cinquante pages plus loin, ça resurgit et ça fait plop.
    Mais on est devenu exigeant (trop ?) et tout cela semble trop raisonnable, trop sage. De belles explosions de ci, de là, mais le feu d'artifice n'est pas aussi délirant que, par exemple, dans un récent "Lieu incertain".

    18/03/2014 à 15:02 1

  • L'Homme inquiet

    Henning Mankell

    9/10 Cet excellent roman est empreint d'une certaine tristesse désabusée qui mêle habilement le passé et le présent, l'histoire personnelle de Wallander et celle de l'officier de marine.
    La dernière enquête Wallander s'avère être une réussite (sur le plan littéraire s'entend, pour le reste, on vous laisse dénouer les fils de l'intrigue politico-policière !).
    Les amateurs de polars ne manqueront pas cet excellent épisode.
    Mankell poursuit sa leçon d'histoire et met en scène les années 80 où, après la guerre froide, la ‘neutralité’ suédoise incline cette fois du côté de l'Otan.
    C'était l'époque du Premier ministre Olof Palme (assassiné en 1986), du groupe suédois d'armement Bofors et bien sûr des mystérieux sous-marins soviétiques venus rôder dans les eaux suédoises.
    En réalité, il y a beaucoup d'hommes inquiets dans ce roman.

    18/03/2014 à 15:07 1

  • La plage des noyés

    Domingo Villar

    9/10 Au fil des chapitres et des rencontres, le lecteur attentif devient peu à peu expert en parler-galicien, ce langage étrange où l'on répond à une question par une autre. Le plus curieux étant que visiblement ces gens-là se comprennent et que peu à peu l'enquête avance, mais si.
    Entre les petits restos du port et le marché à la criée, l'enquête avance à pas comptés, qu'on voudrait bien ralentir encore, peu pressés que nous sommes de quitter la compagnie de Leo Caldas.
    Voilà donc quelques heures assurées de belle lecture, assis sur les galets de la plage, sous la pluie, où Domingo Villar fait la preuve que Montalban n'est pas le seul auteur de polars espagnols !

    18/03/2014 à 14:41

  • Le deuxième voeu

    Ramón Díaz-Eterovic

    9/10 Comme tout bon auteur de polar un peu désabusé, Ramòn Dìaz Eterovic a entrepris d'explorer les zones d'ombre de la société contemporaine : après le racisme chilien qui servait de décor à La couleur de la peau, cette double enquête du Deuxième vœu va nous mener sur les traces de ceux qui exploitent la misère du troisième âge, allant jusqu'à rançonner les petits vieux pour faire main basse sur leurs pensions.
    Comme d'habitude, les enquêtes policières ne sont ici qu'un prétexte à peine nécessaire : prétexte à côtoyer pendant quelques pages Heredia et ses amis, à découvrir quelque face cachée de notre société, à parcourir les rues de Santiago. En somme, un prétexte pour passer un agréable et intelligent moment.
    Ramòn Dìaz Eterovic est assurément la découverte polar de cette année 2013.

    17/03/2014 à 16:08 1

  • Le printemps du commissaire Ricciardi

    Maurizio De Giovanni

    9/10 Après L’hiver du commissaire on s’était promis d’attendre le second épisode pour confirmer le coup de cœur : avec ce Printemps du commissaire Ricciardi c’est bel et bien chose faite et Maurizio De Giovanni est vraiment un excellent filon.
    Cette deuxième saison est encore mieux construite que la précédente, avec toute une kyrielle de personnages dont les tranches de vies s’entrecroisent pour donner un panorama un peu triste et mélancolique du petit peuple de Naples …
    On retrouve bien entendu le beau commissaire aux yeux verts, toujours affligé de son sixième sens, le sens de la douleur, le commissaire qui “voit” les morts et entend leurs dernières paroles, souvent mystérieuses.

    15/03/2014 à 11:39 3

  • Le signal

    Ron Carlson

    9/10 Concocté par Ron Carlson, le subtil mélange d'un passé, tantôt amoureux, tantôt galère, et d'un présent, souvent désabusé, est un élixir dont ne se lasse pas.
    Mais voilà ... on sent que ça ne va pas durer. Forcément cette balade va mal tourner. Forcément Mack va encore tout faire foirer.
    Et c'est peut-être ça qui nous rend accros : l'histoire de cet ex-couple est superbement écrite, on ne voudrait jamais les quitter, on voudrait continuer à les suivre au bout du Wyoming, mais les paysages défilent, les pages tournent, et on sait qu'on approche de la fin, inexorablement, zut, zut, allez je relis encore une fois ce chapitre.
    Oui, voilà, on voudrait lire ce bouquin à reculons, on voudrait que nos deux randonneurs soient en moins bonne forme, qu'ils fassent deux pas en avant et surtout un en arrière ... histoire de faire durer le plaisir.
    Un peu dommage que la suite du bouquin ne soit pas tout à fait à la hauteur des attentes éveillées par la magistrale première partie : une fin un peu convenue où le viril Mack zigouille les méchants qui ont osé toucher à son ex-chérie qu'il aime encore au fond de son cœur. D'autant que Ron Carlson disposait de tous les ingrédients dans son sac à dos pour laisser son histoire se poursuivre en demi-teinte et se terminer en queue de poisson ... pêché dans un lac de montagne.
    Que cela ne vous empêche pas de partir sans hésiter pour une très belle balade, sur les traces de Mack et Vonnie, un très beau couple.

    18/03/2014 à 15:12 3

  • Seul le silence

    R. J. Ellory

    9/10 Seul le silence est un GRAND roman.
    C'est écrit par un anglais mais on jurerait du Truman Capote (à qui ce livre est dédié d'ailleurs), du Faulkner ou du Steinbeck, si, si.
    On y retrouve ce souffle des grands écrivains américains, de ceux qui savent raconter une histoire. Rien de moins que l'histoire de la vie, la dure et la vraie vie.
    À cette lecture on ne peut qu'évoquer ces auteurs US perdus dans les vastes étendues sauvages de l'Ouest.
    Sauf que R. J. Ellory a grandi à Birmingham même si son histoire se passe dans les États du Sud, en Géorgie.
    L'histoire policière passe au second plan : ce qui intéresse Ellory c'est le parcours de son jeune héros, écrivain en herbe, meurtri par la vie et bouleversé par les morts de ces petites filles. Et c'est ce qui fait la force et l'intérêt de son roman.
    Bien sûr, à la toute fin on saura derrière qui se cachait l'affreux, mais ces ultimes péripéties seront somme toute un peu convenues sinon décevantes : ce bouquin vaut essentiellement par sa longue première partie (fort heureusement, y'en a quand même pour deux bons tiers du pavé).
    On l'a dit, R. J. Ellory fait partie des grands qui savent raconter une histoire. Une grande comme des petites.

    20/03/2014 à 10:31 5

  • Un lieu incertain

    Fred Vargas

    9/10 Fred Vargas s'est déchaînée : un véritable feu d'artifice d'associations d'idées, un festival d'Adamsbergueries.
    Les personnages se multiplient (le commissaire british, le neveu serbe, les adjoints ahuris de la brigade du commissaire, ...) et les dialogues sont tous plus déjantés les uns que les autres.
    Fred Vargas manie le fil et l'aiguille avec doigté et saute du coq à l'âne avec souplesse.
    L'auteure a le don de nous faire toucher le tissu erratique qui sous-tend le monde que l'on dit rationnel. C'est pas du fantastique ou du surnaturel (il ne s'agit que de pensées, d'actes ou de paroles très humains, si humains justement) mais, comment dire, on n'a pas tous le don d'Adamsberg pour naviguer dans ces eaux troubles et discerner les connexions au-delà des apparences. On s'identifierait plutôt aux collègues ahuris de la brigade !

    18/03/2014 à 15:05 2

  • Un pied au paradis

    Ron Rash

    9/10 Certes il y a meurtre et assassin mais l'étiquette polar serait quelque peu réductrice pour ce roman remarquablement construit, avec une écriture forte et droite. Un très bon moment de lecture.
    Tout au long du récit, alors qu'on s'enfonce dans les mémoires, dans les vies et l'histoire de ces fermiers des terres du sud, la montée annoncée des eaux du barrage résonne comme le refrain d'un choeur antique.

    18/03/2014 à 14:42 1

  • Des illusions

    Magnus Montelius

    8/10 Le bouquin est doublement passionnant : le contexte politique des années 60, la naissance des groupuscules gauchistes, l’isolement de l’Albanie, l’ouverture des pays de l’est vers 1990 (l’Albanie fut naturellement dans les bons derniers), …
    On pense au Mankell de L’homme inquiet ou encore à Leif GW Persson.
    Et puis il y a le travail journalistique des deux curieux, Meijtens et Natalie : le folklore habituel des salles de rédaction nous est épargné au profit d’un travail patient et minutieux d’enquête consistant à interroger systématiquement les anciens témoins et protagonistes de l’époque, à recouper les différentes sources avec méthode.
    Ni experts scientifiques, ni profileurs, ni même 007 suédois.
    Peu à peu, au fil des pages et des interrogatoires, tous ces petits à côtés qui émaillent les dialogues finissent par former une ambiance prenante et restituer le lent et délicat travail de l’interview.

    18/03/2014 à 10:52

  • En mémoire de la forêt

    Charles T. Powers

    8/10 Bien loin du rayon polar et thriller où certains voudraient le caser, ce roman est un sinistre voyage aux fins fonds d'une campagne polonaise accablée de tristesse et de grisaille, courbée sous le poids d'un passé bien trop lourd à porter.
    On retrouve ici un peu de la sombre et oppressante ambiance du Rapport de Brodeck.
    Dommage que Charles T. Powers ne soit pas resté encore un peu avec nous ...

    18/03/2014 à 14:50 3

  • Julius Winsome

    Gerard Donovan

    8/10 Peu à peu, au fil des courts chapitres et de la belle écriture de Gerard Donovan, tout en douceur tranquille et inexorable, Julius Winsome s’enferme dans la folie et l’hiver.
    Et l’hiver de cette année-là dans le Maine s’annonce terrible et glacial.
    Conte de la folie ordinaire.
    Le bon gars sympa devient tueur en série. Tueur d’imbéciles chasseurs, forcément un peu beaufs (qui n’a pas un jour rêvé de faire un carton sur des chasseurs ?), mais tueur en série quand même.
    On peut trouver cette histoire peu vraisemblable même si elle est particulièrement bien écrite … mais on peut aussi croire à cette goutte d’eau qui a fait déborder l’ermite qui lisait au fond de sa tanière et se laisser emporter par cette insidieuse folie qui s’est introduite dans la cabane sur ses pas …

    17/03/2014 à 16:05 3

  • Justice dans un paysage de rêve

    Malla Nunn

    8/10 On découvrira au fil de l'enquête que tout n'est pas noir ou blanc. Qu'il y a beaucoup, beaucoup de gris, de quelque côté que l'on se tourne : la place faite aux métis dans cette histoire est très instructive et dévoile tout un pan méconnu de cette Afrique du Sud dont avait une photo uniquement en noir et blanc.
    Nous voici donc au début des années 50 dans un trou perdu du veldt, tout près de la frontière avec le Mozambique. À cette époque la doctrine de l'apartheid est en plein essor et fleurit sur les cendres du nazisme. Le Nasionale Party (tiens, y'a encore de l'écho ?) et les Afrikaaners sont au mieux de leur forme. Sur fond de guerre froide, la Security Branch fait régner la terreur blanche, pourchassant tout ce qui est rouge ou noir.
    Et puis ce jour-là ... dans ce trou perdu de la brousse, on découvre un cadavre au bord du fleuve.
    Un cadavre de blanc. Un cadavre de flic. Un flic blanc qui descendait d'une noble lignée de Boers purs et durs.
    Alors la Security Branch dépêche sa meilleure escouade de gros bras, avides d'épingler, que dis-je, de pendre un pauvre black à tendance rouge.
    On trouvera sûrement tout ce qu'il faut sur place : le bonhomme, les aveux et la corde.

    18/03/2014 à 15:09

  • L'île des hommes déchus

    Guillaume Audru

    8/10 Le huis-clos est ouvert à tous les vents mais l’atmosphère insulaire est étouffante, alourdie de secrets et de non-dits. Et c’est pas le vieux squelette remonté à la surface qui va dire le contraire.
    On regrette juste encore quelques maladresses (de premier roman) dans les dialogues qui semblent parfois un peu décalés en regard de la violence des sentiments exposés.
    Un auteur à faire connaître avec cette lecture bien agréable.

    17/03/2014 à 21:11