El Marco Modérateur

3303 votes

  • La valse des gueules cassées

    Guillaume Prévost

    8/10 Au sortir de la Première Guerre mondiale, la France est un vaste chantier, et une nation traumatisée par les massacres. La police est également en reconstruction, et c’est dans ces circonstances troublées que François-Claudius Simon entre au service du Quai des Orfèvres. Migraineux à cause d’un éclat de métal resté dans le crâne, François-Claudius se voit confier sa première affaire : on retrouve dans Paris des cadavres aux faciès massacrés. Y a-t-il un lien avec les gueules cassées, ces malheureux soldats ayant survécu aux combats mais défigurés ?

    Premier ouvrage de la série consacrée à François-Claudius Simon, cette Valse des gueules cassées est une véritable réussite. Guillaume Prévost dispose d’une plume particulièrement talentueuse qu’il met au service de l’ambiance, des personnages et de l’intrigue. Rapidement, le lecteur est happé par l’atmosphère singulière de l’après-guerre, faite de désillusions, de douleurs indicibles et dans le même temps, d’espoirs de résurrection. Le Paris de l’époque est très bien rendu, avec une économie de mots. Les personnages sont également très bien dépeints : denses, attachants, et crédibles. D’ailleurs, il s’agissait pour l’auteur de poser les jalons des ouvrages suivants, puisque l’on retrouvera notamment Elsa et, bien sûr, François-Claudius Simon, dans Le Bal de l’équarisseur. Le scénario est tout aussi réussi, avec des fausses pistes et des rebondissements judicieux.

    Guillaume Prévost avait déjà ébloui avec ses précédents romans historiques qu’étaient L’Assassin et le prophète, Les Sept crimes de Rome et Le Mystère de la chambre obscure. Autres lieux, autres périodes, mais demeure un talent indéniable de conteur et de scénariste : Guillaume Prévost fait assurément partie de ces plumes dont on parle trop peu.

    02/02/2012 à 18:52 4

  • Aztèques freaks

    Stéphane Pajot

    8/10 Gabriel Lecouvreur lit un fait divers atypique dans le journal : un lilliputien est découvert pendu à Nantes tandis qu’un avaleur de grenouilles a disparu ! Ni une ni deux, celui que l’on surnomme « le Poulpe » file sur place et découvre un univers à part, celui du cirque, peuplé de personnages incongrus : une femme à barbe, un homme-caoutchouc, une charmeuse de serpents, etc. Ne sachant plus où donner du tentacule, Gabriel va cependant devoir se concentrer sur sa tâche, quitte à risquer de devenir la prochaine victime.

    Deux-cent-soixante-dix-septième enquête du Poulpe signée par Stéphane Pajot, cet opus adopte une intrigue très originale, remplie d’individus rendus « différents » par la nature. C’est toujours un régal de retrouver Gabriel, aussi prompt à s’envoyer des bières que d’aller chercher la vérité. Les jeux de mots pleuvent, les rencontres sont très savoureuses, et Stéphane Pajot a préservé des rebondissements intéressants, notamment sur la fin, grâce à un scénario à tiroirs. Lapidaire (environ deux-cent-dix pages), le roman est très agréable à lire, permet de passer un excellent moment, et distraie grâce aux confrontations avec ces freaks, ces phénomènes de foire exhibés comme des bêtes curieuses.
    Finalement, le seul reproche que l’on pourrait trouver à cet ouvrage est qu’il est bien moins engagé que les précédents. Ici, point de complot politique, de sévères coups de griffe contre la société de consommation, bref, ce qui constituait presque un des axes majeurs de cette série initiée par Jean-Bernard Pouy. Cette absence risque de décevoir les aficionados du Poulpe, même si, paradoxalement, on trouve ici une intrigue plus inattendue que par le passé.

    Moins empreint d’engagement politique, donc moins acide, ce roman demeure particulièrement plaisant et délicieux, prouvant, s’il en était encore besoin, que Gabriel Lecouvreur est décidément un héros à part, et capable de surprendre au gré des enquêtes que lui confient ses géniteurs littéraires successifs.

    31/01/2012 à 20:19 3

  • L'Assassin est un fantôme

    François Charles

    7/10 Alors qu’il s’apprête à passer ses vacances dans la Creuse, l’inspecteur Eusèbe Mignard est obligé de rejoindre la bourgade de Saint-Ancel où l’on vient de retrouver le corps d’un vagabond, massacré. Il emporte dans ses bagages son neveu, Nestor, un gamin espiègle. Sur place, la population est marquée par les rumeurs ; en 1347, alors que la peste ravageait les alentours, le sieur de Fonjac a été tué avec ses deux fils parce qu’il aurait commercé avec le Diable et ainsi protégé sa vie et celles de ses enfants. Pourquoi, de nos jours, retrouve-t-on près du cadavre ce symbole ancien d’une hache et d’un glaive enchâssés ? Un spectre surgi du Moyen Âge serait-il le meurtrier ?

    En jouant sur les thèmes de la malédiction, des peurs ancestrales et du spectre incontrôlé, François Charles scelle un roman, pour jeunes lecteurs, efficace et prenant. Assez lapidaire, sans descriptions inutiles ni chapitres superflus, l’auteur plonge rapidement son lectorat dans une ambiance angoissante, où règnent terreurs irraisonnées et paranoïa croissante. Les divers personnages sont bien rendus, sans pour autant faire l’objet de profondes explorations humaines, et composent une galerie où se dissimulent autant de suspects potentiels. L’intrigue réinterprète un thème classique développé en littérature comme au cinéma – un esprit vengeur issu du passé venu terroriser les contemporains, avec cependant une maîtrise indéniable. Les lecteurs plus affirmés reconnaîtront sans mal les influences croisées d’Agatha Christie dans certaines scènes ainsi que dans sa résolution, ou encore de Paul Halter ou John Dickson Carr pour l’énigme d’un homicide en chambre close. L’ensemble est très agréable, riche en rebondissements, et rares seront ceux qui pourront deviner le dénouement du récit.

    L’Assassin est un fantôme constitue donc un bon roman policier, entraînant et bien mené. François Charles sait assurément inventer des intrigues et les mener à leur conclusion avec talent. Même si le sujet central et son interprétation sont parfois attendus, ce livre est intéressant à plus d’un titre, dont l’un, et non le moindre, est de proposer quelques heures d’une lecture distrayante et enthousiasmante.

    31/01/2012 à 20:14

  • Canicule

    Jean Vautrin

    8/10 En fuite après un braquage qui a mal tourné, Jimmy Cobb échoue en pleine Beauce. Il enterre son magot et se cache à quelques pas d’une fermette isolée, en attendant que les temps s’apaisent. Mais voilà : le domaine est habité par une famille assez particulière. Alors que le soleil se fait de plus en plus massacrant, Jimmy Cobb ne pouvait rêver pire point de chute.

    Adapté au cinéma par Yves Boisset avec Lee Marvin et Miou-Miou dans les rôles principaux, ce roman de Jean Vautrin s’apprécie encore, même trente ans après sa sortie. Rapidement, le lecteur est pris par la fluidité de la narration : des chapitres très courts, faisant alterner les points de vue des divers protagonistes, un rythme narratif soutenu, et des descriptions à peine brossées. La langue de l’auteur est saisissante : colorée, faisant souvent appel à l’argot, rappelant le phrasé de Frédéric Dard, avec également ce procédé consistant à exploiter et conjuguer des verbes qui sont issus de noms communs. L’intrigue, même si elle semble de prime abord assez classique, prend une tournure bien singulière quand apparaissent les membres de la famille de l’exploitation : perclus par la misère et le manque d’éducation, et souvent bien plus sauvages que le bandit américain qui s’est aventuré sur leurs terres. Une femme qui veut se débarrasser de son mari, une attardée qui ne pense qu’au sexe, un enfant rêvant d’être un gangster, un homme capable des pires violences… Par moments, le lecteur aura l’impression de lire le récit d’un zoologiste analysant et décrivant les comportements et tares d’animaux placés derrière des grillages. Sous la plume de Jean Vautrin, acerbe, sarcastique, se déploie un univers glaçant, et ce malgré la chaleur ambiante, peuplé d’êtres retors et désaxés, au sein desquels Jimmy Cobb, comme dans un clair-obscur, n’en apparaît que plus humain.

    Ce livre au titre lapidaire demeure un roman noir de très grande qualité, où seul le style paraît à certains égards un peu vieilli. Le jeu de massacre qui s’y met en place en devient presque jubilatoire, et aucun des multiples personnages ne sortira indemne du chaos à venir. Une œuvre saisissante qui mérite amplement d’être (re)découverte à l’occasion de cette nouvelle publication chez Rivages.

    19/01/2012 à 18:08 1

  • Le Bal des vipères

    Horacio Castellanos Moya

    7/10 Par envie, Eduardo Sosa tue Jacinto, un mendiant vivant dans sa Chevrolet avec quatre serpents, avant d’endosser son identité. Eduardo décide de profiter de sa nouvelle existence, mais ces adorables vipères ont très envie d’user de leur venin…

    Horacio Castellanos Moya signe avec ce Bal des vipères un ouvrage atypique. Et encore, le terme semble bien insipide à la lecture de l’opus. Cent cinquante pages, une plume lapidaire, des psychologies à peine brossées, et des parties qui s’articulent autour des points de vue des divers protagonistes. En ce qui concerne le fond, l’originalité est encore plus prononcée : des reptiles doués de la parole, sachant donner du plaisir physique aux hommes ! Avec ses nouvelles compagnes, Eduardo ne va pas tarder à semer le chaos dans la ville, avec des agressions et d’autres péripéties improbables, au point que la situation de « simple » balade va tourner au chaos total. Des explosions, des mafieux terrorisés, des dirigeants politiques persuadés qu’un complot se trame, des policiers déboussolés par le chemin tracé par le tueur et ses affreuses bestioles…
    Il devient alors inutile d’en dire plus pour cerner ce roman d’Horacio Castellanos Moya : c’est loufoque, burlesque, déjanté. Le récit épouse rapidement des chemins inattendus, bien loin de la situation initiale, crédible, au point que le lecteur peinera dans un premier temps à se positionner. Ce Bal des vipères se situe quelque part entre la satire sociale, le roman policier et le saugrenu. Si ce mélange des genres peut rebuter, il n’en reste pas moins audacieux et réussi.

    Entreprendre la lecture d’un tel OVNI littéraire, c’est la promesse de délicieux instants surréalistes. Même si le ton, notamment à la fin, regagne les rivages du roman noir, il faut apprendre à reconditionner son regard, sa perception, son propre goût. On laisse de côté son rationalisme et on prend un aller-simple vers une aventure inédite et réjouissante.

    16/01/2012 à 06:47

  • Le gourou des Terres Froides

    Nicole Provence

    8/10 Dans sa jeunesse, Graziella a été la victime d’un gourou qui l’a, comme tant d’autres enfants appartenant à la secte, violée. Adulte, elle a ourdi des représailles contre le fils du monstre qui s’apprête à être jugé aux assises. Par ailleurs, un mystérieux « homme en gris » a lui aussi décidé que la justice des hommes serait insuffisante pour châtier le leader pédophile.

    Nicole Provence signe un habile roman policier chez l’éditeur Ravet-Anceau. D’entrée de jeu, le décor est posé : les personnages sont adroitement décrits et auscultés, entre enfances ravagées et espérances d’un avenir apaisé. La plume de l’auteur est belle, souvent poétique lorsqu’elle dépeint les paysages du Nord Isère, et fait la part belle aux émotions humaines. Le suspense est bien maîtrisé, et les pièces du puzzle se mettent lentement en place. Par moments, on regrette quelques faiblesses, comme le fait que la secte ne soit que lapidairement exposée et dont on n’obtient finalement que des contours alors qu’une plongée dans ces ténèbres auraient pu être mémorables, et d’autant plus efficaces qu’elles conditionnaient le désir de vengeance de Graziella.
    Cependant, dans les derniers chapitres, le livre prend une tournure remarquable, glaçante : il y a, dans l’histoire de Nicole Provence, des accents de tragédie grecque, plongeant les protagonistes en même temps que le lecteur dans un drame profond et sinistre particulièrement marquant. Viennent les ultimes pages, très touchantes, où la rédemption naîtra des flammes vengeresses.

    Le Gourou des Terres Froides est donc un ouvrage saisissant, où les dernières pages compensent sans mal les quelques modiques lacunes de l’histoire. Indéniablement, Nicole Provence a signé en 2007 un très bon roman, sans scène pétaradante ni outrancière, où le noir est une couleur.

    12/01/2012 à 19:09

  • La Disgrâce des noyés

    Yvan Robin

    8/10 Un homme, simple, mais à l’existence tumultueuse. Amours désenchantées, morts violentes, drogues… Au fil de ce livre, il se raconte, se livre.

    De prime abord, ce roman d’Yvan Robin peut sembler ultra classique, voire anodin. Le scénario apparaît mince, et l’objet ne compte que cent-trente pages, qui plus est très aérées. Alors, cette Disgrâce des noyés est-elle un ouvrage insipide ? Oh que non. Pour son premier roman, Yvan Robin a choisi de privilégier la forme au fond. Un chapitre par page, avec un titre lui-même court. Et surtout, surtout, une prose remarquable. Les mots sont poétiques, les phrases finement ciselées. Les formules lyriques et colorées se succèdent, voire s’emboîtent à merveille, et l’on prend très souvent plaisir à relire bien des passages tant ils sont savoureux.
    Parallèlement à cette qualité narrative, le propos est en soi parfois un peu maigre. La déchéance d’un être, ses actes sanglants, la drogue, et ses amours, jalonnant son parcours chaotique, comme autant de rédemptions. Inutile de le redire, on navigue davantage dans la ballade noire que dans le polar pur. Mais, au final, cette minceur scénaristique n’handicape pas le récit.

    Cet opus d’Yvan Robin, c’est en quelque sorte une voix : tour à tour chaleureuse, envoûtante, vénéneuse, voire venimeuse. Avec son propre vocable, en lisant une simple ordonnance, elle pourrait nous ensorceler. Tirer des larmes à un escabeau. Remuer les tripes d’une salière. Et le plus incroyable, c’est qu’on est déjà impatient de lire les prochains écrits d’Yvan Robin.

    11/01/2012 à 19:29

  • La Prophétie de cristal

    Manda Scott

    3/10 Pour sceller leur récent mariage, Kit et Stella s’enfoncent dans une grotte et découvrent un crâne de cristal bleu. Ce dernier a été forgé au temps de la civilisation maya et recèlerait, avec les douze autres gemmes sculptés, un pouvoir qui dépasserait l’entendement. Mais un inconnu intervient et blesse grièvement Kit. Qui cela peut-il donc être ? Si l’on s’en réfère aux vieilles légendes, si les treize crânes ne sont pas réunis, le monde courrait à sa perte à la date du 21 décembre 2012. Le compte à rebours est déjà enclenché…

    Avec cette Prophétie de cristal, Manda Scott signe un thriller dans l’ère du temps. Millénarisme, religion, ésotérisme, voilà quelques-uns des ingrédients qui ont fait l’immense succès de Dan Brown, Raymond Khoury ou encore Steve Berry pour ne citer qu’eux. Dès le premier chapitre, le lecteur bascule dans l’action. Il faut reconnaître à Manda Scott un certain talent pour donner vie à ses personnages, les rendre humains et crédibles. Par ailleurs, l’imbrication des chapitres au présent et ceux relatant l’épopée de Cedric Owen au XVIe siècle, avec force détails quant à l’époque et aux manigances politiques et religieuses du moment, est bien écrite, et même prenante.
    Cependant, parallèlement à ces qualités, et probablement parce que l’écrivaine a fait le choix de la sobriété à l’excès plutôt que de l’action tonitruante, on se retrouve avec un récit particulièrement lénifiant, avec très peu de personnages en jeu, ce qui fait que l’identité du comploteur devient d’une évidence presque enfantine. Ces treize crânes pourraient faire sombrer l’humanité dans le chaos ? Étonnamment, les rares protagonistes présents dans ce roman semblent les seuls à croire à cette prédiction, et on a parfois un peu de peine pour eux, à les voir ainsi se débattre pour retrouver la trace des autres statues sans que cela n’inquiète ou ne motive personne d’autre. Cette impression assez déroutante est renforcée par cette absence de dangerosité de la part de celui qui essaie de retrouver les sculptures : quelques cailloux jetés sur les spéléologistes, un attentat aussi raté que risible, et une tentative de récupération finale qui frise le ridicule. À croire que même Manda Scott, en dépit de son long travail préalable de documentation et de préparation à son ouvrage, n’y croyait pas, ou n’y croyait plus. Il faut ajouter à cela de longues tirades sentimentales, parfaitement inutiles au déroulement de l’histoire, et une fin heureuse, prévisible au-delà du descriptible, pour parachever ce roman à l’eau de rose.

    Une idée de départ originale, mais complètement gâchée par un traitement sentimentaliste déplacé, un manque d’action sidérant, et l’impression, une fois le livre achevé, d’une grande vacuité littéraire. De plus, le lecteur aura l’impression tenace que cet opus n’était qu’une bluette liée à la mode des romans ésotériques ; quand cet engouement scénaristique sera passé, à part quelques lecteurs nostalgiques de cette vogue, il est malheureusement fort à craindre que ce livre de Manda Scott ne laissera aucun autre souvenir qu’une vague réminiscence caricaturale et grotesque.

    11/01/2012 à 19:28

  • Mauvais délires

    Sarah Cohen-Scali

    9/10 La patiente d'un asile psychiatrique qui ne veut pas enlever le voile qui recouvre son visage. Un enquêteur aux méthodes bien spéciales. Un adolescent obsédé par une voisine pour des raisons bien sibyllines. Au total, huit fièvres.

    Après Mauvais sangs, Sarah Cohen-Scali revient à un genre qui a fait sa réputation : la littérature de jeunesse en nouvelles. Dès le premier récit, le ton s'impose : c'est noir, oppressant, avec les dernières lignes qui claquent comme une détonation. Le style est impeccable, à la fois travaillé et largement accessible pour des adolescents, avec des personnages fouillés, riches en fêlures et en ombres, se débattant dans des univers glauques et fantastiques. Chaque histoire est réussie, sans le moindre temps mort, et l'on en vient à attendre l'épilogue, empli de sentiments mêlés : inquiétude, excitation, doute. Et le charme est au rendez-vous : retournements de situation, étincelle de folie, axe autour duquel la réalité pivote et oblige à une relecture des faits.

    Pour les lecteurs en âge d'être en fin de collège ou au lycée comme pour les adultes, Mauvais délires constitue un excellent recueil. On frissonne, on s'émerveille, on s'émeut. Des histoires qui écornent et hantent. Une belle leçon d'écriture doublée d'un brillant moment de lecture.

    11/01/2012 à 18:47

  • Black Rain S01//E1-2

    Christophe Debien

    8/10 Incontestablement, voici les deux premiers épisodes, réunis en un livre, d’une série qui remue les sangs. S’adressant aux plus de quinze ans, les lecteurs adultes pourront, sans mal, s’immerger dans ces ambiances ténébreuses où il est si facile de perdre pied. On attend donc avec impatience les prochains développements, pourvus qu’ils soient portés par la même fougue narrative, et féconds en réponses.

    05/01/2012 à 19:03

  • Big Bug

    Christian Grenier

    8/10 Voilà encore un ouvrage de Christian Grenier qui soulèvera l’enthousiasme des lecteurs, jeunes et moins jeunes, tout autant grâce à la plume expérimentée de Christian Grenier qu’à l’idée maîtresse de ce roman. Un tour de force inattendu et efficace.

    27/12/2011 à 18:17

  • Triple meurtre à Hazebrouck

    Philippe Declerck

    8/10 Après L’Écorcheur des Flandres et Le Réseau Flandres, Philippe Declerck continue d’enchanter, avec ce double mérite qui caractérise souvent les grands écrivains : une patte reconnaissable et estimable, et des histoires qui, d’opus en opus, ne perdent pas de leur souffle.

    27/12/2011 à 18:16

  • Massacre à l'espadrille

    Serge Scotto

    7/10 Massacre à l’espadrille est donc un ouvrage hors-normes, succinct – environ cent trente pages – et qui parle plus à l’intellect qu’aux tripes. Pour entreprendre cette promenade, aux lisières du bien et du mal, il faut accepter de laisser de côté une certaine perception de l’humanité, et s’offrir tout entier à cette initiation insolite. À cet égard, on pourra réfléchir au titre de cet opus qui est en soi un message clair, mettant bien en relief son apparente absurdité.

    20/12/2011 à 11:00

  • Tonton Clarinette

    Nick Stone

    9/10 Max Mingus purge une peine de prison pour un acte de justice pour le moins expéditif. Durant sa détention, un magnat le contacte pour retrouver son petit-fils, enlevé sur l’île d’Haïti. Après quelques atermoiements, Mingus accepte et se rend sur place. Il met alors ses pas dans les traces d’un monstre lié au culte vaudou et que l’on surnomme « Tonton Clarinette », version terrifiante du joueur de flûte de Hamelin.

    Premier opus de la série consacrée au détective privé Max Mingus, Tonton Clarinette constitue un remarquable roman. D’entrée de jeu, Nick Stone dépeint des personnages denses, d’une rare luxuriance émotionnelle, bien lointains des clichés du genre, et l’on sent qu’une telle plume, sombre et talentueuse, mènera probablement vers des contrées angoissantes. Haïti. Pays-ghetto, subissant les violences, peuplée de gamins prêts à tous les méfaits pour manger autre chose que des galettes de boue, et encore sillonnée par d’anciens Tontons Macoute. Par ailleurs, la contrée est puissamment marquée par le vaudou, religion que nombre d’Occidentaux trouveraient subversive mais que Nick Stone restitue avec sang-froid et objectivité.

    L’intrigue est également bien bâtie, offrant notamment vers la fin des rebondissements intéressants, et l’on achève ce livre le souffle court, les tripes en feu. Longtemps après avoir refermé ce roman, le lecteur gardera en tête des images brutales, interlopes, dérangeantes. Plus certainement, il souhaitera retrouver Max Mingus dans d’autres enquêtes, car Nick Stone a disséminé de nombreuses petites pierres, comme autant de promesses de rencontres futures avec le détective. Par exemple, on entraperçoit sans mal l’énergie maléfique de Solomon Boukman, que l’on retrouvera notamment dans Voodoo Land.

    13/12/2011 à 18:23 6

  • Crim' au Cap

    Bernard Deloupy

    9/10 N’importe quel lecteur peut avouer avec sincérité que certaines séries littéraires finissent par tourner en rond, s’essouffler, s’épuiser. Ce quatrième roman des aventures de Garri Gasiglia est probablement le plus abouti : la richesse comique de l’auteur en vient presque à souligner, comme dans un clair-obscur, l’aspect dramatique du propos évoqué. Assurément, un coup de maître.

    11/12/2011 à 18:31

  • Cris de mes chats le dimanche

    Jacques Jouet

    5/10 Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, n’a plus le moral : Cheryl, sa coiffeuse adorée, batifole avec un inconnu, une maladie le prive des pieds de porc dont il raffole, et la politique actuelle de son pays le révulse jusqu’aux confins de ses tentacules. Alors il embarque sur une péniche avec Claire et Bernard, des amis d’un ami, histoire de se changer les idées. Dans l’embarcation, en plus du couple et de leurs enfants, il y a également des chats, dont Mélusine. Étrange félidé, d’ailleurs : tous les dimanches, la bestiole est la proie d’une possession qui la rend complètement enragée pendant quelques instants avant qu’elle ne recouvre son calme. Et ce qui est encore plus curieux, c’est qu’au même moment, un sinistre individu est assassiné. Serait-il possible que Mélusine soit en contact télépathique avec le meurtrier ?

    Deux cent soixante-seizième ouvrage consacré au Poulpe, et c’est à présent au tour de Jacques Jouet de relever le défi et d’animer le plus célèbre enquêteur libertaire de la littérature française. On retrouve assez vite le ton qui a fait le succès de la série : Gabriel Lecouvreur demeure le bien sympathique limier qui entreprend ses investigations en partant d’un simple fait divers. Il y a de l’humour, du cocasse, dans les dialogues comme dans les situations, et la société dans laquelle nous vivons et telle qu’il l’observe prend de sévères coups de griffes. Ici, Gabriel traverse une mauvaise passe, sentimentale et psychologique, et c’est un quasi cadavre qui embarque dans la chalande, jusqu’à découvrir une nouvelle enquête qui va le remettre d’aplomb ainsi qu’un amour naissant pour Claire, son hôte du moment.
    Cependant, ces qualités ne sauraient masquer un certain nombre d’écueils dans le récit. Jacques Jouet a de la verve et de la répartie, c’est indéniable, mais de nombreux dialogues durent, et durent, au point de perdre une bonne partie de leur saveur. Et puis il y a l’intrigue ; l’idée de départ était très excitante, avec ce phénomène inexpliqué qui se devait d’être le moteur, le propulseur du roman. Malheureusement, elle n’intervient pas assez vite dans le livre, et le lecteur trouvera probablement le temps un peu long avant que l’on entre enfin dans le vif du sujet. Cependant, cette attente pouvait être récompensée par un traitement débridé, audacieux, au moins aussi original que le postulat de cette histoire. Que nenni. Jacques Jouet n’exploite pas du tout le potentiel de la sarabande de Mélusine, s’en débarrasse assez rapidement, et le lecteur sera le spectateur frustré d’une enquête qui n’en est finalement pas une, puisque la résolution de l’énigme devient alors d’une évidence manifeste.

    Cris de mes chats le dimanche est donc un écrit décevant : quand Jacques Jouet cesse d’être bavard, malgré d’avérées qualités narratives, et qu’on en vient au cœur du sujet, l’auteur court-circuite sa propre fiction et laisse une immense impression de gâchis, comme si lui-même n’avait pas été en mesure de trouver une résolution solide à l’histoire qu’il avait bâtie, ou, pire, comme s’il n’y avait jamais cru. C’est comme un feu d’artifice sans bouquet final, un espoir déçu. Un opus qui fait malheureusement pschitt.

    03/12/2011 à 09:03 1

  • Souviens-toi de Titus

    Jean-Paul Nozière

    8/10 Une œuvre assez courte, bien écrite, et au scénario prenant. L'ambiance provinciale est bien restituée, les personnages sont crédibles et ont suffisamment de profondeur. Si l'identité du tueur ainsi que ses motivations apparaissent rapidement, demeure le rebondissement final quant à l'identité actuelle du criminel. Par ailleurs, les deux dernières pages du livre réservent une « chute », au propre comme au figuré, assez mystérieuse et totalement inattendue. Un très bon polar pour les jeunes et moins jeunes.

    03/12/2011 à 08:51

  • Le Rituel de l'ogre rouge

    Michel Honaker

    8/10 Après ses exploits du Châtiment des hommes-tonnerre, le jeune agent de l’Agence Pinkerton reçoit une nouvelle mission : appréhender un membre de la Brigade Pâle, par ailleurs ancienne recrue de l’Agence Pinkerton. Mais rien ne se déroule comme prévu, et Neil est désormais aux prises avec un nouveau mystère : il est sur la piste d’une tribu d’Amérindiens et d’un cérémonial où œuvrent d’étranges papillons…

    Il est assez difficile d’en dire plus sans dévoiler la suite des péripéties présentes dans ce roman. À l’instar du précédent, Le Châtiment des hommes-tonnerre, il coule dans les lignes de ce livre une étonnante et prenante fusion entre plusieurs genres : western, policier, aventures et fantastique. Michel Honaker n’a guère son pareil pour insuffler une réelle dimension à ses personnages, les rendant rapidement et durablement, selon les cas, attachants ou angoissants. Dans la mesure où il s’agit d’une saga, on retrouve les protagonistes du précédent opus, ainsi que des nouveaux. Indéniablement, cette série, destinée en priorité aux jeunes mais également très accessible pour les adultes, dispose d’un nombre impressionnant de qualités, et on ne peut qu’attendre le troisième épisode avec impatience. Les scènes sont très visuelles, les rebondissements savamment coordonnés, et le scénario est toujours autant palpitant. Michel Honaker parvient à accaparer l’attention de son lectorat, sans jamais le délaisser, à grands coups de chevauchées dans l’ouest sauvage, de complots ésotériques et de moments particulièrement nerveux.

    Cette série réussit cette performance littéraire, pour sa seconde charge, de confirmer tout le bien que l’on pouvait penser de sa première aventure tout en posant les jalons pour la suite. C’est original, prenant, imaginatif, et empli de promesses pour l’avenir : autant d’excellentes raisons pour être présent au prochain rendez-vous donné par Michel Honaker.

    03/12/2011 à 08:49 1

  • Béthune, 2 minutes d'arrêt

    Patrick S. Vast

    8/10 Après être sortie du train, Charline Wartel se rend compte qu’elle a oublié dans son wagon ses effets personnels, parmi lesquels ses papiers, son téléphone et ses clefs. Elle tente de regagner sa place, mais le train vient de repartir. Ce qu’elle ignore, c’est que quelqu’un, Marc Jamet, a déjà tout récupéré. Pour en faire quoi ? Il ne sait pas précisément. Il a juste envie de s’amuser un peu. Juste un tout petit peu. Mais certains divertissements d’adultes peuvent rapidement tourner au drame…

    Après le très bon La Veuve de Béthune, Patrick S. Vast signe un nouveau roman à suspense de qualité. On y retrouve les ingrédients qu’il avait employés dans son précédent ouvrage : situation simple, personnages dépassés par les événements, et une mécanique scénaristique implacable. Dès les premières pages, le ton est donné : les phrases sont sèches, les protagonistes décrits rapidement, et les multiples drames en puissance sont déjà sur le point de surgir. En moins de cent trente pages, l’écrivain est parvenu à donner vie à des individus crédibles, auxquels on s’attache ou on s’identifie sans difficulté. Des êtres lambda, parfois hachés par la vie, mais toujours avec ce qu’il faut de vraisemblance pour s’imaginer que ce récit est inspiré d’un fait divers. Patrick S. Vast exploite à nouveau les thèmes de l’usurpation d’identité, des complexes relations avec autrui, et maîtrise avec brio cette intrigue qui commence comme un événement si anodin pour rapidement devenir une tragédie en plusieurs actes. Ici, ce qui frappe encore plus que dans La Veuve de Béthune, c’est l’apparente banalité des personnages, pour ne finalement retenir que le mécanisme de leur lente destruction. Des créatures fragiles, persuadées que les catastrophes n’arrivent qu’aux autres, et qui se retrouvent confrontées à des épreuves qui dépassent leur malheureux entendement. À n’en pas douter, Patrick S. Vast a orchestré une remarquable machination, terrible escalier au nombre de marches encore inconnu au fur et à mesure que les personnages les dégringolent. Une lente annihilation, qui éclate à la fois par son originalité et sa crédibilité, au point que le lecteur ne pourra que fermer le livre et se demander ce qu’il aurait fait si cela lui était arrivé.
    Une narration impeccable, un récit lapidaire et maîtrisé, et encore une fois, cette aptitude si naturelle à croquer des êtres humains dans des situations singulières. Inutile d’en écrire plus : Patrick S. Vast parvient, en ce qui le concerne, à faire très bien avec peu de mots.

    03/12/2011 à 08:44

  • Le Feu de Dieu

    Pierre Bordage

    9/10 François-Xavier, surnommé Franx, avait tout prévu en cas de catastrophe mondiale, et notamment ce fortin isolé dans le Périgord, le Feu de Dieu. Et quand ce gigantesque cataclysme survient, Franx n'est pas aux côtés de sa famille mais à Paris, pour une histoire de succession. Il doit alors rejoindre le bastion mais la France, à l'instar du monde tel que l'humanité le connaissait, est complètement bouleversée : paysages ravagés, hordes de pillards, animaux maîtrisant certaines parties du territoire. Et Franx ignore encore que sa famille, confinée entre les murs de la citadelle retranchée, est sous la coupe d'un dangereux psychopathe.

    Avec ce thriller crépusculaire, l'auteur bouscule indéniablement le lecteur, notamment en choisissant de le plonger dans un univers en pleine implosion, et ce dès le premier chapitre. A la manière d'un Cormac McCarthy dans La route, Pierre Bordage peint un décor terrifiant, avec un climat détruit, des paysages désolés, en proie à la furie d'une nature incontrôlable. Dans le même temps, le comportement des êtres humains est particulièrement saisissant, devenant des prédateurs d'une rare férocité. On suit donc, parallèlement, le périple de Franx, accompagné d'une jeune orpheline, dans cet univers effrayant, et la survie de son épouse et de ses enfants aux prises avec un redoutable individu, que les circonstances vont transformer en nuisible. Indéniablement, le récit est crédible, et Pierre Bordage dépeint avec une plume d'une rare efficacité une population en pleine effervescence, cherchant de nouveaux jalons moraux, hésitant entre solidarité et égoïsme. Certains tableaux sont époustouflants, des descriptions des horizons balayés par la catastrophe à la barbarie d'individus revenus à une sauvagerie primitive. Cependant, dans cette histoire lugubre subsistent des éclats de vie, des fragments d'optimisme, comme l'espoir en cette jeunesse qui se réinvente et croit en des lendemains meilleurs : Surya, la jeune fille qu'escorte Franx vers le Feu de Dieu, ou encore ses enfants. Des étincelles de lumière dans un monde qui semble avoir inéluctablement basculé dans le néant.

    Le Feu de Dieu est assurément un livre percutant, aux images incandescentes qui marquent l'esprit du lecteur. Une histoire où la bestialité côtoie la promesse d'un avenir possible, avec de belles réflexions quant à la jeunesse et la famille. Un roman catastrophe d'autant plus envoûtant qu'il renvoie à des craintes tout à fait plausibles.

    20/11/2011 à 16:01 2