El Marco Modérateur

3582 votes

  • Aller chercher Mehdi à 14h

    Jean-Hugues Oppel

    8/10 Dix minutes d’une lecture fort divertissante. Le style de Jean-Hugues Oppel est toujours aussi appréciable, avec suspense, action et humour, sans oublier une pointe d’engagement contre le racisme. Un des meilleurs ouvrages de la collection, à mon sens, moi qui suis toujours fan de cet auteur, dans ses écrits pour les jeunes comme pour les adultes.

    09/01/2015 à 18:31

  • Les Pigeons de Godewaersvelde

    Didier Daeninckx, Mako

    7/10 Une courte BD prenante, où l’aspect social côtoie avec plaisir le policier. L’ensemble se lit facilement et rapidement, et j’aime toujours autant le style de Mako qui me fait parfois penser à du Tardi. Cependant, j’ai trouvé la fin trop rapide et optimiste alors que l’ensemble laissait plutôt augurer, à mon sens, un bel étalage de noir.

    09/01/2015 à 18:30 1

  • Les pis rennais

    Pascal Dessaint

    7/10 Jean-Baptiste Puchol vient de mourir en Ariège, visiblement massacré par un ours. Il ne faut guère plus que ce fait divers pour ébouillanter le sang de céphalopode de Gabriel Lecouvreur. Le détective libertaire se rend sur place et va vite se rendre compte que cette mort barbare cache plus d’un secret.

    Sortait en 1996 cette quatorzième enquête du Poulpe écrite par Pascal Dessaint, et déjà perçait le talent de son auteur. Celui qui ne cessera par la suite d’aligner les romans marquants et plébiscités par le public sait poser un paysage, une scène, un décor, avec un talent rare. Au gré des pérégrinations de Gabriel dans cette Ardèche sauvage et dont les habitants sont autant de taiseux, le lecteur se passionne pour cette enquête intelligemment menée et forte en rebondissements, notamment vers la fin. De nombreux personnages peuplent cet ouvrage, tous plus croustillants les uns que les autres. Jean-Baptiste Puchol est-il mort en raison de ses activités écologiques ? Sa lutte contre les usages de métaux ? Une affaire de cœur ? Le final apportera une réponse plutôt inattendue.

    Sans être le plus novateur des romans consacrés au Poulpe ni le plus mémorable, ce Pis rennais répond néanmoins largement aux attentes. Humour corsé, protagonistes épicés, intrigue savoureuse. Ajoutez à ces ingrédients le bon goût de Pascal Dessaint et vous obtiendrez un plat dont on se régale.

    09/01/2015 à 18:29 4

  • Trophée

    Steffen Jacobsen

    8/10 A la mort de son père, riche industriel ayant fait fortune dans l’écholocalisation, Elisabeth Caspersen découvre dans le coffre-fort du défunt un DVD. Ce que l’on y voit : un jeune couple être la proie d’une chasse à l’homme dans un paysage glacé. Elle contacte Michael Sander, ancien soldat devenu consultant en actions de type commando et lui demande de l’aide. Dans le même temps, un ex-militaire entend la chanson We Will Rock You de Queen et est retrouvé suicidé dans des circonstances étranges peu après. L’enquête est confiée à Lene Jansen, commissaire de police. Pour Michael comme pour Lene, c’est le début d’une longue traque qui va les mener aux confins du chaos.

    Il s’agit du premier ouvrage de Steffen Jacobsen, et le moins que l’on puisse dire est que c’est une rencontre littéraire marquante. De prime abord, l’idée de la chasse à l’homme n’est pas nouvelle et l’on pouvait craindre que ne fleurissent les clichés. Mais la plume de l’auteur ainsi que son intelligence narrative viennent battre en brèche cette idée. Le style est direct, prenant, très souvent visuel. Les personnages sont très bien dépeints et prennent vraiment vie. Michael Sanders et Lene Jansen évitent les stéréotypes du genre : le premier, en jeune père de famille, a beau être coriace, il n’en est pas moins vulnérable, sujet à la peur et conscient de ses limites. Quant à la policière qui sera doublement frappée par la cruauté des chasseurs, elle est solide tout en étant bouleversée par le sort qui sera réservée à sa fille.
    Et bien sûr, il y a face à eux deux l’escouade de pisteurs. Steffen Jacobsen sait faire naître dans l’esprit et l’âme du lecteur des sentiments de dégoût autant que de peur face à ces fanatiques de la queue de détente, prompts au combat, ayant usé leurs bottes sur bien des théâtres de guerre dans le monde, et capables des pires abominations pour défendre le terrible secret de leurs battues sauvages.

    Si l’on ajoute, en plus de ces nombreuses qualités littéraires, un humour de bon aloi qui vient contrebalancer la noirceur du thème et une écriture qui sait emprunter ce qu’il y a de meilleur chez les auteurs américains, on obtient indéniablement un thriller de premier plan, efficace et captivant, qui sait réserver quelques jolies surprises dans les ultimes pages.

    09/01/2015 à 18:28 3

  • Le Dernier tigre rouge

    Jérémie Guez

    9/10 1946. La France n’a pas encore pansé les plaies de la Seconde Guerre mondiale que celle d’Indochine s’amorce. Parmi les troupes hétéroclites françaises se rendant sur place, il y a Charles Bareuil. Ancien étudiant en philosophie, ravagé par la mort de sa femme, il n’a pas été par le passé ce que l’on pourrait qualifier de héros. Il a néanmoins un atout : c’est un tireur d’élite, marqué par une enfance brimée par un père qui ne lui a transmis que ce talent. Cette compétence va rapidement faire écho à celle d’un mystérieux sniper, enrôlé par les forces adverses, qui lui a néanmoins un jour laissé la vie.

    Jérémie Guez s’est rapidement hissé parmi les écrivains les plus prometteurs de sa génération. Paris la nuit, Balancé dans les cordes, Du vide plein les yeux ou encore sa nouvelle La Veuve blanche ont séduit le public comme la critique. Il s’essaie ici à un genre différent, avec à la clef un voyage à la fois spatial et temporel. La Guerre d’Indochine n’est assurément pas un sujet moult fois évoqué en littérature. Trop récent, trop controversé, mal cicatrisé, ce conflit a si durablement marqué les esprits qu’il contient probablement encore trop de soufre. Aussi, le pari de l’auteur d’y plonger le lecteur était osé. Pourtant, le résultat est on ne peut plus réussi. Grâce à une plume magnifique qui sait pourtant se mettre en retrait – peu de longues descriptions, caractères dépeints rapidement, et un souci de reconstitution historique indéniable mais jamais bavard, Jérémie Guez rend avant tout un magnifique hommage aux hommes et femmes qui ont participé à cet affrontement. Sans jamais être simpliste, avec une humanité et une générosité qui transpirent à chaque page, il sait mettre en relief la fraternité d’armes, la solidarité des soldats, ainsi que les points de vue des deux belligérants. Charles Bareuil est à cet égard troublant de crédibilité. Mais c’est surtout le tireur ennemi, que l’on surnomme « Le dernier tigre rouge » qui interpelle par son profil, sa complexité intellectuelle, la subtilité des raisons de son engagement armé, avec l’ultime page du récit qui complète ce puzzle psychologique.

    Magnifique épopée humaine aux scènes marquantes, comme cet avant-dernier chapitre où l’un des tireurs va épauler son adversaire, cette adroite peinture des sentiments éblouit. Non seulement Jérémie Guez confirme tout le bien que l’on pensait de lui, mais il a en plus cette capacité d’étonner et d’envoûter. Souhaitons, autant à lui qu’à son lectorat, d’autres ouvrages de cet acabit.

    09/01/2015 à 18:28 4

  • Le machiniste

    Anne Secret

    3/10 Rien de bien marquant dans cette histoire. Des personnages à mon goût si survolés dans leur description psychologique qu’ils en deviennent assez communs voire insignifiants, une histoire d’une rare naïveté et qui m’a surtout semblé invraisemblable (je n’arrive toujours pas à croire aux motivations profondes du personnage principal quant à sa bombe tant c’est mièvre, démesuré et déjà mieux écrit/expliqué dans d’autres ouvrages). Une grande déception à titre personnel.

    15/12/2014 à 20:17

  • Armand et le commissaire Magret

    Olivier Mau

    6/10 Un polar bien gentillet, avec une insolite histoire d’amitié entre le jeune héros et un canard (qui sait parler). Rien de transcendant dans l’histoire mais le format on ne peut guère plus court et le public visé (les très jeunes lecteurs) font que l’ensemble est construit à la mesure de ses objectifs et l’on passe quelques agréables minutes.

    15/12/2014 à 20:16

  • L'année des fers chauds

    Dominique Delahaye

    8/10 Un homme se fait massacrer à coups de batte de baseball à Liège. La victime, Christian Fischer, avait tout du type ordinaire, sans histoire. Quand le Poulpe a vent de l’histoire grâce à sa chère Cheryl, il décide d’aller voir de plus près cette histoire. Sur place, entre destruction industrielle et petits arrangements avec la misère, il y a de quoi lui occuper les tentacules.

    Deux-cent-quatre-vingt-cinquième enquête du Poulpe signée par Dominique Delahaye, on sent d’entrée de jeu que le noir sera de rigueur. Passant de la sombre description d’une Belgique fracassée par le chômage s’achevant sur l’exécution de la victime à une envolée en règle contre la pensée chrétienne au hasard des rencontres de Gabriel Lecouvreur, le roman sera acerbe et engagé. Grâce à une plume subtile, à la fois travaillée tout en restant naturelle, l’auteur met en exergue le fanatisme capitaliste, l’hypocrisie des grands industriels, et la mort programmée de la classe ouvrière. Ode à la condition des manœuvres belges et à leur lutte pour tout simplement survivre, c’est également une ballade qui s’orchestre au rythme des allusions directes à Georges Simenon, du plat pays qui était le sien à son œuvre. Depuis les épigraphes extraites de Lettre à mon juge et du Passage de la ligne à la lecture régulière du Charretier de la Providence en passant par L'Aîné des Ferchaux qui offre un joli jeu de mots pour le titre de l’ouvrage, Dominique Delahaye se situe fiévreusement dans la veine de cet immense auteur que l’on aurait bien tort de ne pas lire et relire à l’envi. L’intrigue est également solide, entre dénonciation de magouilles politiciennes et réquisitoire contre un libéralisme économique qui dévore ses propres enfants.

    Le ton de cet opus est donc fort, presque aussi enragé qu’engagé. Chaque lecteur est bien évidemment libre ou non d’assentir à l’idéologie du Poulpe, libertaire révolté, qui évolue toujours dans des enquêtes où son point de vue est assurément le bon. Mais ce qui fait également la force de ce livre comme de tant d’autres de la série, c’est qu’il sait argumenter, verser le sel dans des plaies béantes et apporter un éclairage caustique sur des problèmes sociétaux encore à vif.

    15/12/2014 à 20:15 1

  • Quand la menace gronde

    David Khara

    8/10 Yevgeni Volochin vient de mourir de manière étrange. Magnat de l’énergie pétrolière, il semble avoir été frappé par la foudre au beau milieu d’un complexe industriel. Son fils Ilya doit alors rentrer en Angleterre où sa grand-mère devra veiller sur son éducation. Mais Ilya n’est peut-être pas un adolescent comme les autres…

    David S. Khara avait déjà largement séduit le public avec les trois ouvrages de sa série consacrée à Eytan Morgenstern (Le Projet Bleiberg, Le Projet Shiro et Le Projet Morgenstern), et voilà qu’il s’attaque à la littérature jeunesse avec cet ouvrage publié dans le collection « Thriller » de Rageot. D’entrée de jeu, le ton est donné : ça sera énergique et mystérieux. L’auteur maîtrise indéniablement tous les codes du genre et sait happer l’attention du lecteur. Ilya est un ado très appréciable, bel orateur et doué en arts martiaux, qui va devoir, et on s’en doute vite, affronter de redoutables ennemis. Sur fond de manipulations issues de la Seconde Guerre mondiale, de complot international, de quête d’identité et de rituels initiatiques – les jalons presque typiques de ce genre de littérature, David S. Khara entraîne son lectorat jusqu’aux ultimes pages avec un grand savoir-faire, où émotion, humour et action se côtoient. Il est juste dommage que, dès la cinquante-deuxième page, le cœur de l’intrigue soit en partie révélé.

    Voilà encore une fois un ouvrage très réussi qui vient fleurir dans le catalogue Rageot. Une écriture efficace et une histoire originale qui sauront indéniablement séduire. On a déjà hâte de retrouver Ilya Volochin et ses camarades.

    15/12/2014 à 20:15

  • Le suivant sur la liste

    Manon Fargetton

    7/10 Des adolescents, issus de milieux différents, avec chacun une personnalité propre, vont voir leurs chemins se croiser. Une rebelle, une magnifique rousse, un déscolarisé et un dernier capable de ressentir les émotions et pensées de ceux qu’il touche. La mort en apparence accidentelle de Nathan va les conduire à une clinique où se jouent d’étranges enjeux.

    Avec ce roman à la lisière du fantastique, Manon Fargetton prend part de belle manière à la collection Thriller de chez Rageot. L’écriture est efficace, enlevée et prenante, et le suspense se mêle à l’action au gré de chapitres courts et incisifs. Le lecteur, aux côtés de ces ados si hétérogènes, va lentement remonter jusqu’à un projet scientifique angoissant mené au sein d’un service hospitalier. Tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce premier opus ainsi que des suivants de la série un succès, tant critique que public : style vif, personnages sympathiques et complot dont on pourrait presque craindre qu’il soit plausible. S’achevant sur un chapitre résolument tendu et ouvrant la voie à des développements ultérieurs, ce roman intrigue autant qu'il divertit.

    Même si certains passages et éléments sont attendus, Manon Fargetton signe indéniablement un ouvrage qui saura plaire à son jeune lectorat autant que poser de justes interrogations quant à la famille, l’amitié et l’eugénisme.

    01/12/2014 à 18:47

  • Oncle Charles s'est enfermé

    Georges Simenon

    8/10 Toujours un plaisir pour moi de (re)découvrir la plume de Georges Simenon. Une écriture dense et sombre, où la part est faite belle aux jalousies, rancœurs et autres complots familiaux. Un récit court et dans la lignée des autres ouvrages de l'auteur, dont je retiens particulièrement l'ultime phrase, cassante et impitoyable, qui achève ce roman de manière mémorable.

    30/11/2014 à 18:25 2

  • Esteban du désert rouge

    Michel Honaker

    7/10 Une bien belle écriture (il n’y avait guère à en douter de la part de Michel Honaker) pour une histoire courte et prenante. De belles images des Amérindiens, entre retour aux sources sacrées et devenir peu optimiste. Je regrette en revanche, à titre purement personnel, que le récit prenne ensuite une tournure trop ésotérique voire cultuelle.

    30/11/2014 à 18:20

  • Ava et Marilyn

    Alexandra Schwartzbrod

    7/10 Un chassé-croisé ensorcelant et une chute originale, avec cet épilogue qui obligera nécessairement à repenser l’ensemble du récit pour se le réapproprier. Une histoire où l’érotisme affleure, tant dans les mots que dans les dessins de Miles Hyman.

    30/11/2014 à 18:18 1

  • Chérie Noire

    Caryl Férey

    6/10 Un gentil petit jeu de massacre, amusant à souhait. Une série de personnages promptement assassinés, et une Miléna aussi redoutable qu’envoûtante. Ça m’a permis de passer un bon petit moment, il est vrai, mais dans le fond, la critique littéraire avec des noms d’auteurs réels parfois à peine dissimulés est assez facile, et ce personnage de femme fatale, dépassée par ses mensonges originels et la situation, ne me marquera pas longtemps. Agréable, sans plus.

    17/11/2014 à 18:47

  • Voiles de mort

    Didier Daeninckx

    7/10 Le thème de la femme fatale exploitée avec intelligence et originalité, moins au cours du récit que lors de l’épilogue, très intéressant. Une bien bonne nouvelle.

    17/11/2014 à 18:46 1

  • Nuit noire

    Phillip Gwynne

    6/10 Dom a tout pour réussir et être heureux. Adolescent beau, riche et athlétique, nul ne pourrait deviner que son existence est à mille lieues des apparences. Sa famille a contracté, il y a fort longtemps, une créance auprès de la Dette, une mystérieuse organisation mafieuse, et Dom en paie encore le prix fort. A chaque fois, des épreuves sont imposées aux membres de sa famille ; s’ils n’y parviennent pas, une livre de chair est ôtée au perdant. Le grand-père de l’ado s’en souvient encore : le cartel lui a enlevé une jambe. Nouveau contrat : plonger Gold Coast dans le noir pendant une heure. S’il veut survivre, Dom n’a pas le choix.

    Deuxième ouvrage de la série Rush signée par Philip Gwynne, on y retrouve tous les ingrédients à même de plaire au public visé. En premier lieu, Dom est un personnage très sympathique, espiègle et imaginatif, particulièrement talentueux en course à pied – le nom de la série venant de sa propension à placer cette accélération lors des compétitions et qui laisse ses adversaires sur place. Une fois n’est pas coutume dans ce type de littérature, il n’affronte pas réellement le groupe criminel mais se doit de se plier aux défis qu’il lui impose. Pour s’en sortir, Dom a certes des amis qui peuvent l’aider, mais c’est également le portrait-type du héros qui a plus d’une corde à son arc, voire plusieurs arcs et carcans de secours : il sait courir, manœuvrer des véhicules, pénétrer dans des usines électriques et en hacker le réseau informatique après quelques leçons glanées sur Internet. En lisant cette dernière phrase, on se doute que la caricature du surhomme n’est guère loin, ce qui est en partie vrai : rares sont les chapitres voire moments où l’adolescent est crédible dans ses exploits. Mais Philip Gwynne axe la réussite de son roman sur un autre plan, axe central de la littérature d’action pour les jeunes : l’action. Cette dernière ne manque pas, de fusillades en courses-poursuites, de bons moments de tension – même si on ne doute jamais de la réussite du protagoniste – en adaptations rapides pour prendre le dessus sur les adversaires.

    Rarement plausible, ce livre n’en demeure pas moins efficace par sa forte teneur en adrénaline. Presque addictif par le suspense qu’il distille, on pardonne d’autant à son auteur cette distance quasi systématique qu’il met avec toute éventualité de vraisemblance. Un roman pour se divertir, rien de plus, ce qui n’est finalement pas si mal.

    17/11/2014 à 18:45

  • Blanche

    Hervé Jubert

    8/10 Vibrionnant autant que dense, aussi instructif que prenant, voilà un ouvrage qui étonne et détonne. On est impatient de lire les autres épisodes, tous deux déjà sortis.

    17/11/2014 à 18:45

  • J'avais la croix

    Dominique Chappey

    7/10 Gabriel a vent d’un jeune homme découvert abattu et ligoté à une croix surplombant l’un des sommets du massif de la Chartreuse. Son sang de céphalopode ne fait qu’un tour et il file sur place, à Saint-Pierre-d’Entremont où l’attend une population bigarrée : des anars tenant une radio, des poivrots sévèrement atteints, un gendarme aussi affable qu’une guillotine, des ascètes peu bavards, etc. Pourquoi avoir assassiné ce pauvre bougre ? Qui, depuis des décennies, s’est décidé à détruire les croix qui dominent la vallée ? Et qui est l’auteur de ces tracts découverts près de la dépouille où l’on peut lire « Stat Crux » ?

    Deux-cent-quatre-vingt-sixième enquête du Poulpe signée par Dominique Chappey, cet opus se dévore littéralement. Avec un humour caustique, l’auteur a su se couler avec intelligence et brio dans le moule imposé par Jean-Bernard Pouy lorsqu’il initia cette saga en 1995 avec La Petite écuyère a cafté. Le ton est alerte, les jeux de mots volent en escadrilles, et les scènes cocasses sont nombreuses, comme ces rencontres avec la faune du bar ou encore les anarchistes. Partant d’une histoire qui aurait pu être véridique tant elle est baroque (des crucifix mis à terre pour des raisons inconnues), Dominique Chappey a su tisser un scénario prenant et décontracté où l’on se plait, une fois de plus, à suivre un Gabriel Lecouvreur qui va mettre les pieds là où il ne fallait pas. Même si la verve politique et la critique sociale sont moins sévères que dans d’autres ouvrages de la série, le ton demeure mordant. Tout au plus pourrait-on regretter un peu que la motivation du meurtrier ne soit pas davantage creusée ; quand on apprend son identité trois pages avant la fin du roman, on ne peut alors que les supposer à partir des éléments dont on disposait.

    Un Poulpe bien tordant, comique à l’envi, et qui fait passer un très bon moment de lecture, les zygomatiques soumis à de délicieux efforts de trapézistes.

    17/11/2014 à 18:45 1

  • Père des mensonges

    Brian Evenson

    7/10 Alexander Feshtig est un homme sous pression. Ce psychanalyste s’intéresse de trop près à Eldon Fochs, doyen laïc au sein de la Corporation du Sang de l’Agneau, une secte religieuse particulièrement conservatrice. Fochs est la proie de troubles du sommeil, hantés par des apparitions inquiétantes, raison pour laquelle son épouse lui a conseillé de se tourner vers la psychanalyse. Mais voilà que les supérieurs de Fochs pressent Feshtig de leur communiquer les comptes rendus de ses séances. Tenterait-on de dissimuler quelque chose ?

    Brian Evenson n’est pas un auteur angélique ; quiconque ayant déjà lu La Confrérie des mutilés ou Baby Leg pourra le certifier. Et ce n’est pas cet ouvrage qui viendra démentir sa réputation sulfureuse. Commençant de manière épistolaire, l’histoire se creuse lentement, entre révélations fiévreuses et volonté des Sanguistes d’escamoter toute révélation quant à leur si bienveillant coreligionnaire. Car Fochs n’est pas un ange, et les cauchemars qui sont censés le brutaliser pourraient bien être concrets. Si l’on peut reprocher à Brian Evenson de n’avoir jamais vraiment approfondi la psychologie du monstre, à chercher les raisons de son comportement, et donc ce qui en a fait la genèse, l’écrivain est très fort pour dépeindre les lâchetés et les rapports de force. Tandis que le loup continue de rôder, ses responsables vont tout faire pour nier les évidences, discréditer Feshtig et bâillonner les familles des plaignants.

    Nerveux et méphitique, ce récit jouit indéniablement de la plume décomplexée et venimeuse de Brian Evenson. Restant trop allusif quant à la psyché de Fochs, l’ouvrage n’en demeure pas moins brutal, impertinent, ouvertement amoral et mémorable.

    03/11/2014 à 18:51 1

  • Le mystère du fort de Bondues

    Bernard Thilie

    6/10 Fin août 1944. Deux nazis peu scrupuleux enterrent vivants quelques-uns de leurs soldats ainsi qu’un trésor dans un fort. Dix-sept ans plus tard, un adolescent découvre par hasard un pan de ce bunker oublié. Et s’il contenait encore un magot ? Le môme prévient ses amis les Bricoleux, une bande de joyeux drilles toujours prêts à mettre du beurre dans les épinards, et c’est le début d’une nouvelle quête pas piquée des hannetons.

    Voici donc le troisième ouvrage consacré aux Bricoleux, après Nuit de Chine et L’Attaque du casino de Malo, et qui ne déroge pas à la règle établie par Bernard Thilie. On retrouve donc nos inséparables lurons, toujours aussi dégourdis et friands de bons mots. Là où l’auteur aurait pu céder aux sirènes commerciales d’une énième course trépidante au trésor, avec force explosions, pétarades et autres complots internationaux, il a eu la bonne et saine idée de la jouer de manière très décontractée, voire franchement décomplexée et franchouillarde. On assiste en effet à une série de contreperformances de la part de nos pieds nickelés, quand un surhomme surgi de la plume d’un adepte de Raymond Khoury aurait résisté à toutes les épreuves sans une égratignure. En cela, c’est un véritable bon point. Notons également des passages très drôles, comme ce chant grégorien qui se convertit en chant nazi, ou encore ce chien si imbu de lui-même qu’il prend des poses de Sphinx. Parallèlement, les digressions sont très nombreuses et les temps morts fleurissent. Assurément, Bernard Thilie assume sa prose et son rythme, et les amateurs du genre verront dans la lecture de ce roman un très agréable rafraîchissement. Quant à celles et ceux qui préfèrent un style plus direct et tonitruant, ils pourront passer leur chemin.

    Même si cet opus ne ralliera pas tous les suffrages, il faut reconnaître à Bernard Thilie une immense qualité : celle de la cohérence. Ses fans retrouveront avec un plaisir total ses Bricoleux pour cette nouvelle équipée, même si, au-delà des considérations littéraires, les coquilles et fautes d’orthographe pullulent.

    03/11/2014 à 18:46