El Marco Modérateur

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  • Gorges Rouges

    Hervé Moisan

    8/10 Dans un lycée parisien, on découvre les corps d'un professeur puis du proviseur, égorgés. Alex, un des élèves de l'établissement, craint qu'un de ses meilleurs amis soit inculpé. Il décide donc de mener l'enquête avec Alexandra pour comprendre les motivations de l'assassin et de le livrer à la police avant que cette dernière n'appréhende le mauvais suspect.

    Premier opus de littérature policière destinée aux jeunes écrit par Hervé Moisan, Gorges rouges constitue un bien bon roman. L'écriture est intéressante, très agréable à lire, et ménage de très grands instants de suspense grâce à des phrases verbales bien trouvées. Le cadre du lycée est bien restitué, malgré quelques poncifs inhérents au genre, et l'intrigue tient la route, et ce jusqu'aux dernières pages. Certes, l'identité du meurtrier se laissera deviner par les lecteurs avertis qui trouveront aussi que son mobile est un peu facile, mais ce livre est avant tout un ouvrage destiné aux jeunes. Pour eux, Gorges rouges composera une belle passerelle vers ce genre littéraire, avec des personnages qui leur paraitront familiers, tant par leur phrasé que par leurs psychologies. Pour ce qui est du lectorat adulte, inutile de bouder son plaisir : cet ouvrage de Hervé Moisan offre deux heures d'une lecture très distractive et atypique.

    A noter qu'en 2009, une autre enquête d'Alex et Alexandra est sortie, toujours chez Grasset Jeunesse : Samira.

    25/10/2009 à 11:43

  • Samira

    Hervé Moisan

    8/10 Dans l'établissement fréquenté par Alex et Alexandra, un comité se crée pour empêcher les frères de Samira de récupérer l'adolescente sous leur coupe. Que lui veulent-ils exactement ? Nul ne le sait. Ce qui n'empêche pas les heurts de se multiplier dans et en dehors du lycée. Quand Alex tente de trouver qui est l'espion qui renseigne la famille de la jeune fille, c'est pour être le témoin d'un assassinat en plein cœur du cimetière du Père Lachaise. Commence alors une enquête où les morts violentes vont se multiplier.

    Deuxième ouvrage de littérature jeunesse après Gorges rouges, Samira offre sous la plume d'Hervé Moisan une suite aux enquêtes des deux détectives en herbe que sont Alex et Alexandra. L'écriture y est toujours aussi agréable à lire, offrant par ailleurs un tableau très juste d'une certaine jeunesse française en proie à des problèmes complexes : rapport à la religion, rôle des familles, intégration, premiers émois amoureux... L'intrigue tient parfaitement la route, avec des rebondissements intéressants tout en restant plausibles. Le lecteur aura l'occasion d'en savoir plus quant aux personnalités des divers protagonistes, humains et attachants, et ne pourra qu'espérer un troisième opus.

    Samira est donc un roman de très bonne tenue, qui convient tout autant à un public adolescent qu'à des adultes désireux de s'ouvrir à une intrigue prenante et maîtrisée.

    24/12/2009 à 10:30

  • La marque du diable

    Moka

    6/10 Ça commence comme un polar, avec un net accent fantastique. Une plume simple et efficace pour une intrigue qui se met intelligemment en place. Je suis plus dubitatif quant à la suite donnée par l’auteur : ça navigue un peu trop entre plusieurs genres (onirique, policier, fantastique…) au point de partir dans trop de directions en même temps, et certains effets sont un peu trop appuyés selon moi. Néanmoins, je comprends parfaitement que ce type de récit puisse plaire à de jeunes lecteurs amateurs de sensations fortes.

    20/03/2013 à 17:02

  • Bienvenue à Murderland

    Frédérique Molay

    8/10 Nathan commence à vivre un véritable cauchemar : sa vie réelle se met tout à coup à se mélanger au jeu Internet auquel il participe. Rapidement, il devient à la fois le coupable d'assassinats sur le web et dans son existence quotidienne. Il semblerait qu'il soit la proie d'un mystérieux comploteur qui est fermement décidé à le rendre responsable. Qui est cet étrange corbeau ? Quelles sont ses motivations ? Il va vite se rendre compte que la réalité peut dépasser la fiction…

    Lauréate du Prix du Quai des Orfèvres en 2007 grâce à La 7e femme, Frédérique Molay a bâti un roman d'une très grande originalité, au cours duquel vies quotidiennes et sur Internet se croisent. Le récit est court, haletant, le style percutant et les chapitres enlevés. La tension croît rapidement avec des fausses pistes intéressantes. Mais là où Frédérique Molay réalise un coup d'éclat, c'est avec son épilogue : le lecteur pourra reprocher quelques facilités dans l'intrigue ainsi que des personnages assez superficiels, voire entachés de clichés, mais les deux dernières pages sont incroyables, puisqu'elles réamorcent le récit et donnent une vision de l'ensemble du roman totalement nouvelle. Si le lecteur n'aura pour autant pas à le relire entièrement, il ne pourra que refermer le livre et réfléchir aux divers éléments qu'il aura lus sans avoir pu se douter d'un tel final.

    Indéniablement, Bienvenue à Murderland est une réussite qui doit beaucoup à sa chute, très intelligente, réaliste et convaincante, qui fait de ce thriller un exercice de style très abouti.

    29/07/2009 à 18:34

  • La Bosse du crime

    William Mole

    8/10 Une intrigue singulière, moins dans son déroulé que son traitement. Ou comment le superintendant de police Strutt demande à son ami Casson de l’aider à coincer le tueur d’une jeune femme. Pas de traque haletante ni de scène d’action, et si l’on y réfléchit bien, pas vraiment de suspense non plus. Mais un immense talent dans les détails psychologiques, la peinture de la structure mentale du meurtrier, et une très habile confrontation intellectuelle entre l’assassin et Casson, fin profileur et victimologue (toujours brillant et en même temps surprenant, notamment dans ses requêtes auprès de Strutt). Un petit régal, de bout en bout, et dont je ne regrette finalement qu’un seul élément : la traduction du titre, qui aurait dû donner littéralement « Le Piège de la peau ».

    16/10/2016 à 17:35 3

  • Coupable idéal

    Jean Molla

    8/10 Au village de La Chapelle, Mathieu, Henri et leurs amis forment une bande d’inséparables. Mathieu et Henri ont beau être si opposés (physiques, succès auprès des filles, caractères), ils n’en demeurent pas moins de vrais camarades, même quand les jalousies amoureuses entrent en jeu. Mais quand l’un d’entre eux, Quentin, disparaît, l’ambiance change. Et lorsque l’on découvre les cadavres du père du disparu et d’Henri, massacrés à coups de marteau, Mathieu se fait l’effet d’être un coupable idéal. Son épilepsie le fait passer par des états de grande violence, sans compter des amnésies inquiétantes. Ne serait-il pas ce terrible tueur que l’on cherche ?

    En habitué de la littérature jeunesse, Jean Molla sait comment divertir son lectorat. Mais il serait cependant très réducteur de placer une simple étiquette « pour les jeunes » sur cet ouvrage tant la plume qui l’anime est sombre. Les ambiances sont lourdes, les corps retrouvés ne sont guère présentables et donc à ne pas dévoiler à des lecteurs facilement impressionnables, et certains moments réservent de délicieux instants de tension. Mathieu, en malheureux épileptique victime d’une maladie qu’il ne parvient que partiellement à museler à coups de médicaments, constitue un personnage à la fois attachant et préoccupant. Lorsqu’il se retrouve non loin de la maison de Quentin, sans son tee-shirt, et qu’il apprend le lendemain que monsieur Bédard a été assassiné, n’est-il pas le criminel ? Une version moderne du Horla ? D’ailleurs, n’a-t-il pas, dans le passé, étranglé un pauvre chaton entre ses mains au cours d’une crise ? Est-ce que les films sanglants, d’horreur ou policiers, qu’il dévore, ne seraient pas responsables de ses désordres mentaux ? Il lui faudra beaucoup de patience, de sang-froid, ainsi que l’aide de camarades et d’un policier particulièrement flegmatique, l’inspecteur Daniel Campin, pour que cette affaire soit tirée au clair.

    Un polar, certes pour les jeunes, mais singulièrement noir. Un véritable régal, de bout en bout, débouchant sur un retournement de situation mémorable. Une nouvelle pépite que l’on doit à Jean Molla.

    07/12/2017 à 20:17 3

  • La revanche de l'ombre rouge

    Jean Molla

    9/10 Un téléphone portable qui semble porter malheur à ses possesseurs. Un dessinateur au talent effroyable. Un centre aéré d'où les enfants ne reviennent pas toujours. Une armoire dénichée chez un brocanteur qu'il aurait mieux valu ne jamais acheter. Au total, huit nouvelles inquiétantes.

    Dans la collection « Nouvelles » chez Thierry Magnier, nombre d'auteurs déjà reconnus ont signé des ouvrages très prenants : Brigitte Aubert avec Scènes de crime et Totale angoisse, Louis Sanders et Périgord noir, Armand Cabasson avec Noir américain, etc. Ici, Jean Molla signe un recueil de nouvelles davantage tournées vers le fantastique. On retrouve des ambiances étranges, des personnages louches, des phénomènes inexpliqués, des macrocosmes irréels auxquels on ne peut accéder que par le truchement d'un objet ou d'un cérémonial. Jean Molla est un très bon écrivain, usant d'une plume à la fois riche, inventive et élégante, tout en restant nettement à la portée d'un lectorat qui se veut jeune. Les huit nouvelles sont toutes très agréables à lire, à la limite du cauchemardesque, et sans la moindre touche d'espoir ou d'onirisme. Comme les contes de fées peuplés de dragons et autres monstres, ces histoires permettent de se confronter à des situations troublantes, des angoisses primitives, des atmosphères méphitiques.

    Le pari de la frayeur inspirée par des univers parallèles a été parfaitement tenu par Jean Molla : c'est à la fois très sombre et parfaitement maîtrisé. Une salve d'histoires courtes que les jeunes se plairont à dévorer sous la couette, toutes lumières éteintes.

    15/01/2014 à 13:39

  • Manchuria Opium Squad tome 1

    Tsukasa Monma, Shikako

    8/10 Mandchourie, 1937. Higata Isamu est revenu balafré de la guerre qui a permis à son pays – le Japon – de prendre le contrôle de cette partie de la Chine. Reconverti en agriculteur (un « soldat de la bouse ») afin de faire prospérer les terres de cette région conquise, il est véritablement doué dans ce domaine, notamment en raison de ses capacités olfactives. Il apprend que sa mère est atteinte de la peste mais est incapable d’acheter le « médicament de sulfate » pour la soigner et la guérir car trop cher. Isamu découvre un champ de pavots à opium et se décide à en faire le commerce. Une intrigue alléchante, un arrière-plan historique bien travaillé, un graphisme magnifique quoique classique, un solide fondement scientifique quant à cette drogue, et pas le moindre temps mort pour ce premier tome particulièrement réussi.

    01/09/2022 à 18:43 1

  • Manchuria Opium Squad tome 2

    Tsukasa Monma, Shikako

    8/10 Je replonge avec plaisir dans cette série dont j’avais beaucoup apprécié le premier tome, avec un graphisme léché, une histoire originale et un rythme prenant. On découvre Rin, une gamine japonaise qui refourgue de l’opium et que ses parents ont bradé contre cent yuans. Sa relation avec Higata Isamu, le héros, est remarquablement traitée. Un tome toujours aussi magnifique et intelligemment mené, savant également, sachant préserver émotions et force de percussion scénaristique, avec une belle incursion dans le mode de vie des Mongols.

    16/01/2023 à 18:26 2

  • Manchuria Opium Squad tome 3

    Tsukasa Monma, Shikako

    8/10 Une esthétique toujours aussi admirable tandis que notre équipe menée par Higata Isamu s’infiltre dans le milieu du cinéma. Typiquement le genre de manga qui est si beau que je pourrais le suivre même si le scénario était nul, or il se trouve que l’histoire est au moins aussi réussie que celle des deux précédents tomes. Une entame prenante avec ce personnage (qui ressemble au masque moustachu de « V pour Vendetta ») sait se montrer persuasif avec une simple aiguille. A noter que la séance de torture qu’il mène, sans être gore, est difficilement soutenable davantage par l’implicite que par l’explicite qu’elle charrie. Toujours aussi fort, entraînant, singulier et magnifique.

    17/01/2023 à 18:57 2

  • Déviances

    Richard Montanari

    8/10 Un thriller dense, avec des personnages bien fournis et aux vies éclatées, avec une intrigue classique mais très efficace.

    27/05/2007 à 10:12 1

  • Ulysse

    Hélène Montardre

    8/10 … ou l’incroyable épopée d’Ulysse, retranscrite ici par Hélène Montardre. Tous les grands événements de son existence y sont narrés : sa rencontre avec Pénélope, lorsqu’il singe la folie, le Cheval de Troie, les Lotophages, Polyphème, l’outre des vents, Calypso, les chants des sirènes, Charybde et Scylla, le retour en Ithaque, quand son chien puis sa nourrice le reconnaissent malgré les oripeaux d’un vieillard sans le sou, l’épreuve de l’arc et la reconquête de son identité, de son trône et du cœur de son épouse. Encore une fois avec les livres de cette collection, j’ai passé un très bon moment de lecture, où les épisodes foisonnent, mettant en relief l’intelligence et l’imagination des auteurs de l’Odyssée. Hélène Montardre colle parfaitement au texte originel et à l’immense légende née de ce récit, la concision ne faisant que mettre en relief la densité humaine, littéraire et aventureuse de cette destinée hors du commun, ainsi que les protagonistes incroyables et inoubliables de ces péripéties. Un grand moment de littérature, rendant hommage avec réflexion et efficacité à un pan mémorable de la mythologie grecque. En outre, le langage s’adapte à la cognition des jeunes lecteurs auxquels se destine en priorité cet ouvrage, mais les adultes peuvent bien évidemment embarquer avec l’astucieux et roublard Ulysse, au gré des mers et des influences des dieux.

    17/07/2020 à 08:29

  • Le Fantôme à la main rouge

    Hélène Montardre

    6/10 Une histoire de fantôme et de château hanté à laquelle se mêle un tournage de film. C’est intéressant mais peu marquant : seule la fin, ouverte, peut retenir l’attention.

    09/07/2016 à 08:43

  • Le Labyrinthe de Dédale

    Hélène Montardre

    6/10 … ou les épisodes combinés du labyrinthe de Dédale (bon, évidemment, le titre l’évoque), le Minotaure, Icare, et la mort de Minos. J’ai encore comme point de comparaison un livre similaire, celui de Guy Jimenes, « Icare aux ailes d’or », qui est une version très similaire du mythe, tous les deux étant destinés à la jeunesse. Indéniablement, Hélène Montardre a choisi deux éléments : concision et familiarité. Concision, car son texte, écrit trois ans avant celui de Guy Jimenes, est encore plus court (environ cinquante pages, et écrit en gros avec des illustrations), allant vraiment à l’essentiel. Familiarité, car le ton employé est très accessible : les personnages bégaient, hésitent, bafouillent, ont peur. Des sentiments, des attitudes, des comportements finalement très humains, ce qui place encore plus les protagonistes aux côtés du lectorat, comme des camarades, comme si le lecteur était l’un d’entre eux. En outre, la langue employée est très abordable, sans circonvolution ni grands effets narratifs ou littéraires. Du coup, je conseillerais plus volontiers cet ouvrage que celui de monsieur Jimenes à des gamins moins bons lecteurs, ou plus rétifs à cette activité, en raison de cette facilité d’accès. En revanche, si l’on souhaite plus de densité psychologique, de suspense ou de connexion avec le mythe originel, je préconiserais davantage « Icare aux ailes d’or ». D’ailleurs, à noter qu’Hélène Montardre prend parfois quelques raccourcis, comme le fait d’attribuer l’invention du fil salvateur à Dédale plutôt qu’à Ariane (étrange, même s’il finit par apparaître une certaine cohérence dans le texte, à sa façon, avec Dédale qui sait tout sur tout, et répond à de nombreuses reprises « Si » quand quelqu’un lui dit « Tu ne peux rien pour moi »). Et puis, puisque l’on en est aux reproches, le fait que la mort du Minotaure soit si rapidement évacuée (« Avec l’épée, Thésée tue le Minotaure et, grâce à la pelote de fil, il réussit à sortir du labyrinthe », sic) : à ce niveau, du point de vue narratif, c’est moins une ellipse qu’une réelle déception.

    22/04/2019 à 18:36 4

  • Persée et le regard de pierre

    Hélène Montardre

    7/10 … ou les aventures de Persée. Dit comme cela, c’est un pitch bien court, car la légende n’aura retenu qu’un seul affrontement mémorable, celui qui l’a opposé à Méduse et son terrible regard pétrifiant. Mais, peut-être injustement, nous avons oublié d’autres péripéties de son existence, et cet ouvrage d’Hélène Montardre permet de le remettre en lumière. Une succession de passages aventureux, où l’intrépidité de notre héros rime également avec le soutien de personnages savoureux et célèbres : la fanfaronnade face à Polydectès et son périple vers les Gorgones, la rencontre avec les Grées puis les Nymphes, ce mystérieux accompagnateur qui n’est autre qu’Hermès, Athéna, Méduse et ses sœurs, Andromède enchaînée et le combat contre le monstre marin, puis le retour et la résolution de l’identité de son père. Pour résumer, un sacré alignement d’événements que la concision du roman rend encore plus dense. La plume de l’écrivaine, finalement minimaliste quoiqu’élégante, finit par se faire toute petite pour ne faire que servir et mettre en relief cette série de conflits et rencontres. Quand on y réfléchit bien, le déroulé (mais c’est l’histoire originelle qui veut ça) est très linéaire, avec un chapelet de moments qui s’enchaînent : une rencontre en entraînant une autre, la découverte des objets magiques, puis une autre rencontre, et la boucle se referme lors du final. Pour ma part, j’ai été à la fois très heureux de lire ce livre, attendant avec impatience la confrontation entre Persée et Méduse, mais cette dernière est assez vite expédiée et n’a pas tenu à mes yeux sa promesse de tension. En revanche, j’ai été très agréablement surpris par ces autres épisodes, certes linéaires et parfois attendus, mais joliment décrits, et qui n’en ont que davantage de saveur d’être ainsi méconnus, ou alors moins fameux que le combat contre Méduse.

    16/06/2019 à 17:54

  • Terminus : Grand large

    Hélène Montardre

    6/10 … ou comment deux jeunes amies et voisines, Flora et Aurélie, se mettent en chasse d’une inconnue dont il ne dispose que du portrait disposé dans un médaillon découvert dans la rue en même temps qu’elles tentent de faire le lien avec un inconnu qui semble attendre quelqu’un en bas de chez elles. Une belle écriture, subtile, à hauteur des enfants auxquels se prédestine cet ouvrage, ainsi que des passages en italique faisant intervenir d’autres personnages, le temps de quelques paragraphes, pour entretenir le mystère (même s’il ne s’agit ici nullement d’un roman policier) et dynamiser le récit. Pas mal de suspense quant à l’identité de cette mystérieuse femme, quelques rebondissements (comme lorsque Flora entraperçoit la fameuse inconnue dans une rame de métro avec un enfant allongé sur elle à la fin du sixième chapitre), et d’autres passages fort sympathiques (la conversation avec le chauffeur de bus). Et quand la fin est tombée, avec la résolution tant attendue, je dois avouer que j’ai été déçu, presque spolié d’une explication, puisque cela n’aboutit pas à grand-chose. J’aurais admis n’importe quelle solution, même faiblarde, du moment que cette réponse répondait à la question qui constitue le fil rouge de cet opus. Immense déconvenue. Mais il y a la suite : avec des mots intelligents, adroits, Hélène Montardre déstabilise, propose une relecture, moins du livre que du raisonnement qu’elle tient quant à l’énigme, et offre au passage une jolie pirouette concernant le rôle des écrivains en général et de l’imagination des enfants en particulier. Je ne suis pas persuadé que ce choix satisfera les gamins (lecture proclamée dès 10 ans), moi-même demeure assez mitigé, mais l’exercice présente au moins l’intérêt d’être intéressant, joliment bâti et achevé, et original.

    10/03/2019 à 18:12 3

  • Le Bourreau de Portland

    Michel Montheillet

    8/10 Ce Bourreau de Portland constitue donc une relecture avantageuse du livre de Maxime Chattam. Indéniablement servie par le talent d’illustrateur de Michel Montheillet, cette bande dessinée offre une nouvelle perspective, un angle d’attaque à la fois différent, autonome et complémentaire de la bibliographie si riche de Maxime Chattam. Une réussite tant artistique que scénaristique que l’on a hâte de retrouver dans les autres épisodes.

    26/11/2012 à 15:20 1

  • La Secte tome 1

    Mook

    3/10 Franchement, j’ai été décontenancé par ce manga comme je l’ai rarement été. Un pitch très simple, pourquoi pas, mais après, j’ai eu l’impression d’être passé dans une sorte de vortex. L’auteur est-il sérieux ou plutôt ixième degré ? Joue-t-il volontairement sur les codes attendus du genre ou se paie-t-il leur tête ? Les dessins soignés côtoient d’autres volontairement simplets, le décalé (cf. la scène avec le cochon en laisse, par exemple) jouxte le prétendument sérieux, les combats d’arts martiaux se multiplient et j’en suis venu à me demander si le scénario avait encore de l’importance… Non, vraiment, je ne sais pas quoi en penser, mis à part le fait que je vais probablement tout bonnement m’arrêter là.

    08/03/2024 à 16:08 2

  • Déviances mortelles

    Chris Mooney

    8/10 Jack Casey, ancien profileur du FBI et devenu policier à Boston, enquête sur un tueur particulièrement machiavélique qui se fait appeler "Le Marchand de Sable". Ce dernier vient de l'inviter sur l'une de ses scènes de crime : ce sera pour Casey le début d'une longue traque vers un ennemi très efficace, qui l'obligera à affronter le drame atroce qu'il a vécu dans passé pas si lointain...

    Il s'agit d'un roman assez étonnant ; alors que l'intrigue apparaît de prime abord assez classique (l'ancien profileur qui se projette dans l'esprit du tueur, l'assassin qui se confie à lui, etc.), elle n'en demeure pas moins très efficace, avec de nombreuses scènes d'action explosives, au sens propre comme au sens figuré, des dialogues justes et réalistes, des personnages multiples aux caractères tranchés et une sorte de double intrigue qui permet, au-delà de la traque menée contre le Marchand de Sable, de comprendre comment et pourquoi ce dernier commet ces crimes.

    Au final, Déviances Mortelles dépasse les clichés que l'on pouvait craindre - même s'il n'en est pas tout à fait exempt -, et atteint avec une adresse certaine ses objectifs: offrir au lecteur une intrigue solide et bien noire, avec un tueur très habile et malin affrontant des policiers dont les parts d'ombre sont certainement tout aussi inquiétantes que celles de l'assassin qu'ils poursuivent.

    20/08/2007 à 18:39

  • Le lézard lubrique de Melancholy Cove

    Christopher Moore

    9/10 Melancholy Cove, une petite station balnéaire des Etats-Unis. En apparence, une commune sans fièvre aucune, où le banal mois de septembre commence à apparaître. Mais cette fois-ci, il va y avoir du changement en ville.

    De ce roman complètement barré de Christopher Moore, il est vraiment difficile d’en dire plus sans dévoiler la série de catastrophes imaginées par l’auteur. Sur un ton absolument foutraque et enthousiasmant, le lecteur va aller de surprises en surprises, et la faune – humaine – locale est irrésistible. Jugez plutôt. Bess, une femme pendue à qui on a peut-être donné un petit coup de main final. Théo, le policier local, fumeur invétéré de marijuana. Une tenancière de bar dont le corps a été patiemment complété de pièces de métal jusqu’à devenir une femelle Terminator. Valérie, la psychiatre du patelin, qui décide de faire remplacer tous les antidépresseurs prescrits à ses patients par des placebos. Winston, le pharmacien qui ne peut avoir des érections qu’en pensant à des dauphins. Molly, une ancienne actrice de films de série Z, entendant une voix intérieure et vivant dans une caravane. Catfish, un joueur de blues qui cache un bien étrange secret. Cette arche de Noé vous paraît-elle déjà saturée ? Eh bien non, pas tout à fait. Vous auriez bien encore un peu de place pour un lézard géant, rendu mutant par les radiations, particulièrement fâché que Catfish ait un jour tué l’un de ses petits ? Christopher Moore n’est pas seulement un écrivain, c’est également une aventure à lui tout seul. Une imagination débridée, aussi imaginative et corrosive que celle d’un sale gosse qui couche sur le papier ses plus incroyables délires et fantasmes. Le risque était immense, voire presque inéluctable, que cette abondance d’idées décalées devienne une fange stérile, un pathétique bordel, du grand-guignol. Pourtant, l’auteur, par on ne sait trop quel enchantement, nous rend l’ensemble non seulement hilarant mais aussi terriblement efficace. Sur les quelque quatre-cents pages de ce capharnaüm littéraire, tout s’emboîte, au gré des relations interpersonnelles, des conséquences imprévues du moindre geste anodin, et des mécanismes désopilants mis en œuvre par Christopher Moore. On retiendra de nombreuses scènes réjouissantes, comme la tentative ratée d’accouplement entre le lézard géant et le camion-citerne, les pèlerins venus rendre hommage au monstre dans la grotte, son intolérance au lait des vaches qu’il aura dévorées, ou encore ces dialogues burlesques (comme ceux du premier chapitres, où les policiers tentent de savoir si la victime était amish ou mennonite en vertu du fait qu’elle possédait un mixer et des fermeture Éclair sur ses vêtements).

    Un roman sidérant, presque sidéral, assumant la plus saugrenue des déviances, de bout en bout. Une magnifique tranche d’un immense n’importe quoi, porté par le style et la plume décomplexés d’un Christopher Moore en état de grâce… ou sous l’emprise de puissants psychotropes, sachant que le lecteur n’est nullement obligé de consommer les mêmes stupéfiants pour prendre à son tour son pied.

    01/04/2017 à 09:53 3