El Marco Modérateur

3303 votes

  • Crim' Sur la Côte

    Bernard Deloupy

    8/10 Un homme crucifié tête en bas par les carreaux d'une arbalète en plein Nice. Le Président de la République enlevé. La menace terroriste et la guerre entre les religions planent sur la planète quand un prétendu message audiovisuel du kidnappé envahit les télévisions pour annoncer que l'heure n'est plus aux dissuasions contre l'Iran mais à la riposte. Entre allumés de Dieu, barbouzes, militaires et autres partisans de l'hécatombe, il faudra bien de la patience et du panache à Garri Gasiglia pour empêcher la Terre de virer à l'anchoïade.

    Troisième enquête du célèbre détective privé niçois après Crim' sur la Prom' et Crim' sous le tram', ce Crim' sur la Côte ravit d'entrée de jeu le lecteur. On retrouve le style si typique de Bernard Deloupy : des chapitres courts et bien cadencés, des lieux très variés qui se succèdent, et une structure intelligemment agencée. Les divers endroits visités, principalement le sud-est de la France mais aussi le Vatican, Paris et même l'Iran, sont dépeints avec bonheur, et les divers cercles du pouvoir – armée, espionnage, religion – semblent crédibles. La plume de Bernard Deloupy est toujours aussi alerte, gorgée d'humour, et le personnage central qu'est Garri Gasiglia est en soi un petit enchantement littéraire. Délicieusement attiré par la ripaille et les festins qu'offre le terroir, amoureux de la terre méditerranéenne, chantre de l'hédonisme et fiévreux partisan des plaisirs terrestres, il offre un contrepoint harmonieux au sérieux des événements décrits dans le livre. L'ensemble est assez court – à peine plus de deux-cents pages – et se lit rapidement, procurant de bien agréables heures d'une lecture détendante et décomplexée. S'il est bien un point qui retient l'attention tout au long du récit, c'est justement cette apparente contradiction entre la gravité de l'intrigue et son traitement. Des ordres religieux en lutte depuis les Croisades, des services secrets sur les dents, des escouades prêtes à en découdre avec l'ennemi, et un monde sur le point d'être désintégré dans un immense champignon atomique... Et au milieu de tout cela, Garri Gasiglia, trublion sagace, distribuant les coups au même rythme que les formules colorées, désamorçant une situation qui semblait dévolue à un énième James Bond. C'est tout le talent de Bernard Deloupy : parvenir à établir un équilibre entre sérieux et gaillardise, suspense et légèreté, vraisemblance et fantaisie.

    Crim' sur la Côte est donc un opus à nouveau réussi de la série consacrée à Garri Gasiglia. Tout en visitant des thèmes sensibles – conflit des cultes et danger nucléaire, Bernard Deloupy réussit le pari fou de livrer un ouvrage qui conjugue avec adresse nervosité et verve. Un véritable plaisir que l'on a hâte de retrouver dans la quatrième enquête du détective niçois, Crim' au Cap.

    26/07/2011 à 18:44

  • Le Secret de l'Abbaye

    Brigitte Aubert

    7/10 Quelques longueurs à mon goût, mais un style inimitable avec pas mal d'humour, et une enquête très divertissante !

    22/07/2011 à 14:25

  • Il va venir

    Marcus Malte

    8/10 Un très bon roman pour la jeunesse, court et prenant. Triple unité – de lieu, de temps et d'action – avec ce qu'il faut de tension pour passer un agréable moment. La plume de Marcus Malte est vive, adaptée à la fois au lectorat visé et aux personnages mis en scène, et l'ensemble se lit avec plaisir. Ce fut mon premier livre de l'auteur, qui plus est issu de sa bibliographie destinée à la jeunesse, et je ne doute pas un seul instant que j'en lirai d'autres de lui dans un avenir proche.

    13/07/2011 à 18:42 1

  • Je mourrai pas gibier

    Guillaume Guéraud

    9/10 Une œuvre dure et cruelle, ou comment un jeune homme bascule dans la folie meurtrière au sein d'un village parce qu'on s'en est pris à un pauvre bougre sans défense. Une écriture au cordeau, sèche et noire, pour une histoire crédible et terriblement humaine. Un livre pour les jeunes, certes, mais pas n'importe lesquels : certaines scènes sont très dures. Un roman ayant reçu le prix Sorcières 2007 à juste raison.

    13/07/2011 à 18:41 1

  • Au seuil de l'abîme

    Hake Talbot

    8/10 Un roman percutant, présentant de nombreuses intrigues dans le même récit. Pour les fans de John Dickson Carr et autres spécialistes de l'ésotérisme, une petite perle méconnue à découvrir d'urgence.

    13/07/2011 à 18:39

  • Périgord noir

    Élie Robert-Nicoud

    9/10 Un homme hanté par les mauvais traitements infligés par son frère et prêt à se porter au secours d'un garçonnet. Un mari qui retombe étrangement amoureux de son épouse. Un enfant qui vient dire qu'il a été témoin d'un meurtre... et s'adresse en fait au meurtrier. Des histoires sombres et terriblement humaines. Bienvenue dans le Périgord de Louis Sanders.

    L'auteur a signé des romans remarquables pour les adultes (par exemple, Passe-temps pour les âmes ignobles) comme pour les jeunes (Monsieur Marval est mort ou Victime Delta). Ici, dans cette collection où des écrivains reconnus ont signé des recueils de nouvelles (Brigitte Aubert, Jean-Paul Nozière, Armand Cabasson ou Colin Thibert pour ne citer qu'eux), c'est au tour de Louis Sanders de relever le défi des histoires courtes destinées à un jeune public. Le romancier s'illustre encore une fois en prenant le Périgord comme décor de ses intrigues. On retrouve donc le cadre géographique qu'il affectionne tant, mais aussi son style : peu de dialogues, des descriptions psychologiques léchées et surtout un sens rare de l'observation. Tous les personnages, des principaux aux secondaires, sont particulièrement bien décrits, crédibles, et le lecteur ne pourra qu'être impressionné par la manière si intime et affectueuse qu'a Louis Sanders de les peindre. Au fil de ces six nouvelles, on explore avec plaisir le genre noir, s'ancrant dans un réalisme placide, en suivant le fil rouge que constituent ces existences en apparence anodines et pourtant riches en enseignements. Il n'y a pas d'effusion de sang, d'action spectaculaire, de sempiternel tueur en série tapi dans l'ombre : tout est plausible, comme chuchoté tel un murmure glacé. L'aspect policier des récits s'épaissit à mesure que l'on progresse dans le recueil, jusqu'à livrer de véritables pépites de noirceur.

    Louis Sanders ravit une fois de plus ses lecteurs. Une griffe très personnelle, des destins paisibles qui dissimulent sous leurs contours sereins des fêlures et des malheurs. Une peinture naturaliste de microcosmes humains où le drame n'est jamais loin, embusqué à quelques mots de là.

    04/07/2011 à 16:06

  • Noires sont les ailes de mon ange

    Lewis Elliott Chaze

    8/10 Tim est un jeune évadé de prison. Sa route croise celle de Virginia, une femme aussi magnifique qu'énigmatique. Ils s'éprennent l'un de l'autre et décident de braquer un fourgon blindé. Ce sera pour eux l'étincelle qui embrasera leur union et les conduira aux enfers.

    Sur le thème classique et néanmoins porteur de la femme fatale, Elliott Chaze a créé un roman noir particulièrement captivant. L'ensemble est court et certains passages sont également concis, conférant au récit une allure soutenue. L'auteur sait parfaitement décrire les failles et les tourments humains, les plongeant dans des ambiances à la fois crédibles et sombres. Chaque personnage a ses zones d'ombre, son passé équivoque, ses sinistres appétits. L'histoire est très bien imaginée, et le lecteur suit l'inévitable déchéance des deux protagonistes. Sans la moindre scène échevelée, avec une retenue qui sied à la crédibilité de l'histoire, Elliott Chaze a bâti un scénario implacable, aussi obscur que la longue nuit qui guette Tim et Virginia. En fait, Noires sont les ailes de mon ange est un classique, écrit en 1953 et adapté au cinéma par Jean-Pierre Mocky sous le titre « Il gèle en enfer ». Le voir ainsi réédité est l'occasion de découvrir un livre méconnu mais très efficace, qui constitue l'un de ces petits joyaux que l'on ne se lasse pas de mirer.

    29/06/2011 à 17:15 1

  • Les Teutons flingueurs

    Stéphane Geffray

    7/10 Quand il apprend en ouvrant son journal qu'un pensionnat destiné à héberger des orphelins est sur le point d'être fermé dans le Lubéron, balançant ses jeunes locataires dans la rue, le sang de Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, ne fait qu'un tour. Ce qu'il découvre sur place sera encore plus abominable que prévu : des nervis semblent encore accrochés aux terribles rêves du nazisme.

    Cent-quarante-neuvième enquête du Poulpe, Les Teutons Flingueurs est placé sous la plume de Stéphane Geffray. Comme à l'accoutumée, le célèbre céphalopode se retrouve aux prises avec des personnages hideux, et il lui faudra toute sa fougue pour mettre à bas les projets de ses adversaires. Le roman s'ouvre sur la scène du suicide forcé d'un trader, histoire qui réapparaîtra par la suite dans l'intrigue. Le ton est alerte, l'humour bien présent, et il est toujours aussi plaisant de suivre Gabriel dans une nouvelle investigation. Ici, les ennemis sont clairement et rapidement identifiés : les nazis ainsi que leurs avatars contemporains. Pire : ces engeances doublent leur idéologie nauséabonde de pratiques criminelles diverses. On l'aura compris, la subtilité n'est pas la préoccupation première de Stéphane Geffray. Néanmoins, au-delà de ce trait un peu forcé, le lecteur voit Gabriel Lecouvreur se montrer particulièrement ému par l'une des femmes qu'il vient secourir, et bien moins leste que d'habitude. Par ailleurs, il en vient à se poser des questions de possible paternité en voyant s'ébattre ces jeunes orphelins. C'est toute la dynamique de cette série : respecter un cahier des charges tout en offrant à l'auteur du moment la possibilité d'imprimer des inflexions au personnage. Et là, dans ce combat contre la descendance spirituelle d'Adolf Hitler, le Poulpe s'en donne à cœur joie : poursuites, castagnes, explosions, fusillades... L'action ne manque pas, au point de permettre au lecteur d'atteindre une certaine catharsis : il est jouissif de voir Gabriel dessouder du brigand, du tortionnaire, du malfaisant.

    Même s'il ne constitue pas l'un des meilleurs opus de la série, Les Teutons flingueurs compose un agréable moment de lecture, sans le moindre complexe, au style visuel indéniable. À noter pour l'anecdote que le titre est un jeu de mots sur un film dialogué par Michel Audiard, comme le sont d'autres épisodes de la série du Poulpe tels Ataxie pour Hazebrouck de Serge Turbé ou Un singe en Isère de Marin Ledun.

    22/06/2011 à 17:09 1

  • Les pendus de la forêt de Mormal

    Mylène André

    8/10 Un cadavre découvert dans un relais de chasse par un enfant, et c'est tout un univers qui implose. Rancœurs, coupables trop évidents, sanctions judiciaires injustifiées, criminels en fuite... Il faudra au commissaire Lesauvage déployer des trésors de sagacité pour découvrir l'épicentre du drame.

    Premier roman de Mylène André, Les pendus de la forêt de Mormal constitue une remarquable entrée de la part de son auteur dans les jardins de la littérature policière. L'intrigue est prenante, et les rebondissements s'enchaînent sur la fin à une vitesse soutenue. Les chapitres courts alternent avec bonheur, offrant de multiples points de vue sur l'enquête, et l'on découvre une intéressante palette de protagonistes. Le commissaire Lesauvage est, à cet égard, un personnage attachant que l'on aimerait recroiser dans d'autres ouvrages de Mylène André : séducteur en diable grâce à un physique irrésistible, grand fumeur de joints, il détonne dans un domaine où beaucoup d'écrivains se plaisent à imaginer des personnages parfaits et lisses jusqu'à l'écœurement. Les lieux sont intelligemment décrits, et la plume de l'auteur rend honneur à la région de son enfance. D'ailleurs, s'il y a bien une qualité, parmi tant d'autres, qui mérite d'être célébrée, c'est la langue de Mylène André. Les dialogues sont assez rares, et ce fait est admirablement compensé par des descriptions géographiques et psychologiques de grande qualité. À chaque paragraphe, le lecteur gourmand de belles lettres découvrira des formules pertinentes, des expressions qui font mouche et des mots touchants.

    Les pendus de la forêt de Mormal est donc une réussite indéniable qui doit tout autant à l'histoire qu'au verbe qui la porte. Il n'y a plus qu'à espérer d'autres livres de cette tenue de la part de Mylène André.

    15/06/2011 à 17:42

  • Panique aux urgences

    Brigitte Aubert, Gisèle Cavali

    7/10 Un roman à l'intrigue simple mais efficace, avec Brigitte Aubert et Gisèle Cavali qui se mettent à la perfection dans la peau d'un adolescent, avec suspense et humour à la clef. Un bon moment de lecture distrayante.

    06/06/2011 à 17:38

  • Colère du présent

    Jean-Bernard Pouy

    6/10 À Arras, chaque premier mai a lieu un salon qui regroupe tout ce que la région compte d'anarchistes, gauchistes, libertaires, écologistes, etc. Sauf que cette fois-ci, quand les tréteaux commencent à être rangés, des barrières se dressent et la ville devient un fortin imprenable. Il semblerait que les agitateurs veulent en faire une cité libre, autogérée. Mais les autorités ne l'entendent pas de cette oreille et c'est bientôt l'armée qui s'apprête à entrer dans la danse pour briser la rébellion.

    Auteur culte de romans policiers engagés, Jean-Bernard Pouy est un écrivain illustre, et l'on retrouve dans cet ouvrage ce qui a fait l'arôme de ses précédents opus : de fortes revendications sociales et politiques, un humour qui ne peut laisser de glace, et une imagination débordante. Le récit est très court, le rythme échevelé, et l'action ne manque pas, notamment grâce à une belle alternance des points de vue. Néanmoins, on a connu Jean-Bernard Pouy plus inspiré ; si la situation de départ est certes originale et alléchante, le déroulement de l'histoire est un peu décevant, et les motivations des séditieux ne sont que survolées. On a parfois l'impression tenace que la concision du roman lui empêche de prendre un éventuel envol lyrique et narratif. Par ailleurs, même si les protagonistes sont croustillants, ils sont un peu convenus et demeurent caricaturaux. En fait, tout dépend de la manière dont on appréhende cette histoire : si l'on veut passer un bon moment et rire des saillies humoristiques du créateur de la série consacrée au Poulpe, le service est assuré. Cependant, si le lecteur s'attendait à une forte charge politique, un ouvrage qui remue les sangs en proposant une véritable offensive contre l'ordre établi, il risque d'être déçu.

    En résumé, si Colère du présent est très agréable à lire, il constitue toutefois une petite déception. Ce livre de Jean-Bernard Pouy aurait probablement gagné à être plus profond ou noir. Il est certes amusant et atypique, mais n'atteint pas le niveau de Nous avons brûlé une sainte, Train perdu wagon mort ou Les compagnons du veau d'or.

    06/06/2011 à 17:38 1

  • Le chat de Tigali

    Didier Daeninckx

    6/10 Un roman idéal pour les très jeunes lecteurs, joliment écrit et avec une très forte résonance symbolique. Néanmoins, pour les lecteurs plus âgés, ça ne se lit qu'en un petit quart d'heure à tout casser, et risque d'être bien moins approprié.

    02/06/2011 à 08:19

  • La dernière danse des Maoris

    Caryl Férey

    7/10 Une bien jolie enquête, morale et intelligemment bâtie, qui enchantera les jeunes. Pour les plus âgés, cela peut constituer un agréable divertissement, dans lequel on ne retrouve cependant pas la patte si noire de Caryl Férey.

    02/06/2011 à 08:18

  • Le Seigneur sans visage

    Viviane Moore

    7/10 Un polar bien mené, à l'intrigue judicieusement posée en plein Moyen Âge, et à l'écriture fine et intelligente. Certes, l'ensemble se destine davantage à de jeunes lecteurs, mais certaines descriptions ainsi qu'un épilogue assez cruel permettent, selon moi, de s'adresser à un lectorat plus « adulte ».

    02/06/2011 à 08:17 1

  • Le Jardin du Bossu

    Franz Bartelt

    9/10 Dans un village anonyme, le narrateur croise dans un bistrot un homme qui fait étalage de son argent. Aussitôt, sa décision est prise : il va suivre l'imprudent jusque chez lui et le délester d'une partie de son butin. Oui, mais voilà, le plan était trop beau pour se réaliser aussi facilement : le chasseur devient la proie. Pire : le narrateur est séquestré dans la maison de sa cible. Et c'est le début d'un longue détention...

    Dès les premières pages, le style de Franz Bartelt éclate : ce sera vif, loquace et verbalement endiablé. L'auteur traduit en une langue épicée et imagée les pensées, impressions et descriptions du protagoniste, véritable phénomène humain. Poète à ses heures perdues quand l'éthylisme l'enhardit, tenaillé par Karine, sa compagne, qui est bien vénale, il observe ses congénères, les détaille, les juge, et ne perd jamais une occasion de jouer de sa verve. La rencontre avec cet homme visiblement fortuné – Jacques – semble être ce clin d'œil du destin qu'il attendait tant. Mais puisque les contes de fées n'existent pas, la situation va très vite lui échapper et le rêve se révèlera vite contrefait. Le récit est assez court – environ deux-cent-vingt pages – et les nombreuses digressions du locuteur laissaient présager des temps morts, voire des instants d'ennui. Il n'en est rien. Franz Bartelt a un incroyable talent de conteur, avec une langue à la fois lyrique et paillarde, qui n'est pas sans rappeler celle de Michel Audiard ou de Frédéric Dard. Les réflexions hilarantes foisonnent, les aphorismes regorgent, et les multiples parenthèses ouvertes sont autant de francs éclats de rire. On se prend vite de sympathie pour le narrateur, cocasse dans ses répliques et pensées, antihéros au possible, qui se débat au beau milieu de circonstances franchement farfelues.
    Et puisqu'il s'agit d'un polar, il y a l'intrigue. Certaines scènes, inattendues, insufflent un vent de folie et de fraîcheur dans ce huis clos où l'ultime rebondissement, détonant, achève de parfaire ce roman singulier.

    Quelque part entre La bête et la belle de Thierry Jonquet et Mainmorte de Michel Steiner, c'est jubilatoire et attrayant, atypique et désaltérant. Maintes formules de Franz Bartelt restent à l'esprit une fois le livre terminé. Frôlant parfois la parodie sans jamais tomber dans le facile ou le grotesque, voilà le récit d'une captivante captivité.

    02/06/2011 à 08:16

  • Zombi la mouche

    Grégoire Forbin

    8/10 Un opus du Poulpe très dynamique et engagé, avec une situation de départ orginale et un traitement prenant.

    02/06/2011 à 08:11 2

  • Loser

    Jason Starr

    9/10 A trente-deux ans, Tommy Russo n'a pas plus de présent que d'avenir. Il se veut acteur mais sa carrière ne décolle pas. Il vivote grâce à son emploi de videur dans un bar, cumule les espoirs déçus, gaspille ses rares ressources dans des courses de chevaux sans jamais décrocher la cagnotte. Son ultime chance de s'en sortir : les dix mille dollars nécessaires à l'acquisition d'un cheval, en association avec d'autres joueurs. Cet argent, il pourrait l'obtenir grâce au contenu du coffre-fort du bar où il travaille, où sont entreposées les sommes des paris sur le Super Bowl. Tout paraît si simple...

    L'auteur de Mauvais Karma, La ville piège et Frères de Brooklyn signe ici un roman particulièrement prenant. En deux-cents-soixante pages, Jason Starr livre une intrigue d'une rare simplicité, et paradoxalement terriblement efficace. Le lecteur découvre un personnage de prime abord attachant, Tommy Russo, malheureux individu au parcours professionnel insignifiant mais croyant toujours en sa bonne étoile, sans que celle-ci ne daigne enfin illuminer le parcours du jeune homme. Dans une lente descente aux enfers, Tommy va basculer dans l'immoralité. C'est un individu pour lequel le lecteur nourrit de l'empathie, puis des sentiments et émotions complexes, au fil de ses actes et attitudes. La très grande force de ce roman de Jason Starr, c'est finalement son aspect si crédible : tous les protagonistes sont magnifiquement campés, perclus de faiblesses et contradictions, dont on se délecte à chaque page. Et la mécanique s'enclenche, inexorable, infernale, fatale. Les divers engrenages qui la composent se mettent lentement en action, et leur mouvement broiera sans la moindre faiblesse les êtres humains qui peuplent ce récit. La langue et le style de Jason Starr participent avec brio à ce mécanisme parfaitement huilé.

    Loser constitue donc un roman noir d'une incroyable efficacité. D'une simplicité presque élémentaire, à hauteur d'homme, à la fois plausible et machiavélique, sa construction fait office de jalon dans le genre. Une réussite éclatante et indéniable.

    22/05/2011 à 17:17 5

  • Le général Enfer

    Alec Covin

    9/10 Après les événements des Loups de Fenryder et d'États primitifs, la société secrète qui a fait trembler New York s'apprête à bouleverser les États-Unis en y instaurant le chaos sous sa forme la plus brutale. Seules trois personnes peuvent encore se dresser face à cette menace : une journaliste, un détective borgne et un peintre incarcéré dans le pénitencier de Rikers Island. Parviendront-ils à empêcher le cataclysme ?

    Ultime roman de la Trilogie des Loups, Le Général Enfer se devait d'être la clef de voûte d'une œuvre fantastique – à tous les sens du terme –, et il faut l'avouer d'entrée de jeu : Alec Covin y est parvenu. On retrouve avec plaisir les protagonistes, laissés en bien mauvaise posture à la fin des États primitifs, et prêts à en découdre pour le combat final contre Fenryder et ses séides. Alec Covin sert son récit d'une langue et d'un style inimitables, alliant la brutalité de certaines scènes à des descriptions en profondeur des personnages. Quand s'achève le récit, il reste au lecteur des images ancrées dans sa mémoire, des persistances rétiniennes, où la violence côtoie un esthétisme certain propre aux grands films américains. Les chapitres s'enchaînent à merveille, se coulant avec bonheur dans une rythmique narrative qui fait qu'il est plus que difficile de s'extraire de la lecture. Suspense, frissons, visions d'horreur, complot parfaitement orchestré, manipulations des individus comme du lecteur : Alec Covin n'a strictement rien à envier à des plumes plus illustres, et leur est même supérieur sur bien des terrains. Chaque chapitre est un tableau à lui seul, effrayant, mémorable, aussi méphitique que ces terribles Loups sur le point de dévorer le continent nord-américain. Et puisqu'il s'agit là du final du triptyque consacré aux Loups, Alec Covin avait presque l'obligation de le clore de manière marquante : c'est chose faite, avec une confrontation finale qui tient toutes ses promesses et se permet, en outre, d'offrir au lecteur une succession trépidante de rebondissements à glacer le sang pour peu que l'on ait accepté certains postulats fantastiques propres à cette œuvre.

    Les Loups de Fenryder et États primitifs étaient remarquables, et on pouvait espérer qu'Alec Covin atteigne le niveau de ces deux précédents opus, voire les surpasse. Le Général Enfer est non seulement un point final à sa série, mais également un immense point d'exclamation, qui non seulement termine le triptyque mais se paie même le luxe de le magnifier.

    08/05/2011 à 16:59

  • Démolition

    Nada

    9/10 Cordélia est une star du cinéma porno qui meurt dans un snuff movie, ce genre de films dans lesquels les protagonistes agonisent sous les yeux des spectateurs après avoir enduré mille souffrances. Verlaine, un des plus ardents fans de Cordélia, tombe sur cet ultime spectacle et décide de la venger. Se joint à lui Vulcain, son acolyte, pour une terrible équipée de sang et de rédemption au cours de laquelle tous deux croiseront Van Gogh, un policier qui leur ressemble tant.

    Nada avait déjà marqué les esprits avec Hécatombe, un ouvrage dur et haletant. Autant le dire d'entrée de jeu : en noirceur, Démolition lui est bien supérieur. Exactions multiples, scènes de sexe particulièrement trash, violences décrites par le menu, coprophagie, pédophilie, inceste : Nada est décidément un auteur qui se permet de dépeindre bien des horreurs que nombre de ses pairs laissent dans l'ombre. Si ce roman est d'une incroyable férocité, l'aspect poétique qui s'en dégage paradoxalement est très fort : la langue est emprunte d'une prose élégante, et le choix des noms des protagonistes – Verlaine, Vulcain, Van Gogh – mettent en relief ce constitutif. Ce trio est incroyablement marquant : des anciens légionnaires devenus mercenaires, ogres brutaux en des terres inhospitalières, des homosexuels sachant préserver leur amitié par la chasteté, et un policier dévoré par la maladie, enclin à tous les excès, cherchant le rachat de ses fautes dans une dernière mission aux accents religieux. D'autres individus peuplent ce livre éprouvant, où le noir est une couleur, comme ces bourreaux d'enfants, organisateurs de parties fines où le sexe appelle le sang, vedettes du show-business perverties, politiciens laissant libre cours à leur perversion, et autres êtres cauchemardesques. Au fil du livre, la vendetta impulsée par Verlaine massacrera sans scrupules, fera éclater des trafics sans nom, brutalisera la morale, et balaiera bien des certitudes quant à l'humanisme de la société. Le récit est féroce, implacable, heurtera à n'en pas douter bien des âmes sensibles, jusqu'à l'écœurement, et s'achèvera au bout de trois-cents pages dans un chaos de sentiments et d'émotions lapidés.

    Démolition est une œuvre exigeante et singulière, à mille lieues des productions littéraires habituelles. Nada ne s'est plié à aucune règle – morale ou commerciale – en signant cet écrit intransigeant, aussi dérangeant que monstrueux. En écho à la barbarie de nombreux passages, vient l'éclat poétique de ces trois (anti)héros que sont Verlaine, Vulcain et Van Gogh, cette trinité d'individus liés par une initiale et une quête communes. Si le titre semble de prime abord bien lapidaire et passe-partout, il renvoie parfaitement à la lente entreprise de destruction de ces êtres qui se consument au fil des pages, jusqu'au stade terminal de leurs possibilités physiques et morales. Hécatombe, puis Démolition : il y a bien un fil conducteur dans l'œuvre de Nada, et cette nouvelle réussite littéraire, à la fois amère et éclatante, ne peut, le souhaite-t-on, qu'en appeler d'autres.

    02/05/2011 à 19:12 2

  • Un Nid de crotales

    Jim Thompson

    8/10 Le shérif adjoint Tom Lord officie dans un coin perdu du Texas. Son existence est bien calme, jusqu'à ce qu'il tue, en état de légitime défense. Le cours de sa vie s'emballe : une veuve qui réclame justice, une fille de joie un peu collante, des nervis, un consortium pétrolifère pugnace, un collègue de Lord aux abois... Personne n'empêchera l'orage d'éclater.

    Auteur culte de romans noirs, Jim Thompson est une des plumes les plus adulées du genre : Le démon dans ma peau ou 1275 âmes sont autant de charmantes pépites laissées dans le sillage de ce grand écrivain décédé en 1977. Un nid de crotales est un de ces textes rares, à (re)découvrir sans attendre. On retrouve l'écriture si typique de Jim Thompson, mêlant noirceur et humour, au moyen de laquelle il s'attache à croquer des personnages marquants. Les divers protagonistes se croisent, se côtoient, puis se percutent, au gré d'une intrigue plus dédaléenne que ne le laisse augurer le résumé de l'œuvre. A peine plus de deux-cents pages, et quelques parenthèses ouvertes pour mieux cerner les (anti-)héros de ce roman noir, avalées cul-sec comme un alcool dont le parfum aurait gagné en intensité avec l'âge. L'ensemble se lit très rapidement, procurant une joie proche de celle que ressentirait un enfant redécouvrant dans le grenier un jouet oublié.

    Peut-être sans atteindre la puissance de percussion du Démon dans ma peau ou de 1275 âmes, Un nid de crotales est un régal. Son titre est aussi métaphorique que celui du roman d'Harry Crews, La foire aux serpents : plonger dans ses pages laissera le lecteur perclus de délicieuses morsures à l'âme.

    28/04/2011 à 09:55 2