Surcouf

365 votes

  • Gabacho

    Aura Xilonen

    9/10 Le style d’Aura Xilonen est d’une grande originalité, tout en coups secs, vifs et tranchants comme ceux que distribue Liborio. En même temps, il est empli d’une poésie brutale comme celle qu’à pu exprimer François Villon, poète fasciné par les bas-fonds. Les personnages sont truculents, tel ce libraire qui, derrière un langage de charretier semble cacher une certaine compassion pour le gamin qu’il emploie et exploite. On pense à une version terrestre, moderne et urbaine du Capitaine Haddock qui aurait mis à jour son chapelet de jurons chez les électeurs de Donald Trump. A chaque page, une métaphore lie l’environnement du quotidien à une image inattendue pour former un attelage percutant. Alors que le roman se passe chez les oubliés du rêve américain, émigrés latinos, petits-blancs déclassés, gosses des rues, exclus des prestations sociales, l’auteur réussi l’écriture d’un hymne à la vie, à l’espoir, à la solidarité, ce qui rend un futur meilleur envisageable. Les sentiments amoureux naissants que Liborio découvre et dont il goute les prémices arrondissent les angles aigus sur lesquels la vie le cogne. L’exploit d’Aura Xilonen est dans l'utilisation soutenue d’un langage argotique voire grossier, sans jamais tomber dans la lourdeur ou la vulgarité, ou les passages crus sont immédiatement adoucis par les constructions allégoriques savoureuses. La fréquence des figures de style, zeugmas, oxymores ou hyperboles, apporte une constante note d’humour alors que les situations vécues par Liborio sont la plupart du temps tragiques. La présence de termes issus de l’espagnol du Mexique et du nahuatl complète une écriture déjà riche. Il faut saluer le travail phénoménal de Julie Chardavoine qui a traduit le texte, restituant un écho aussi limpide que fidèle au talent de l’auteur.

    30/05/2017 à 12:15 3

  • Le Boucher de Guelma

    Francis Zamponi

    7/10 Zamponi, journaliste et écrivain aime bien écrire sur l'Algérie, pays ou il est né. Ses livres sont plus des récits historiques romancés, que des romans historiques. Le boucher de Guelma, c'est l'histoire, pas très connue, des émeutes de mai 1945 dans la région de Sétif, qui ont fait de nombreux morts (chiffres variables de 2000 à 45000 !). Zamponi rappelle le contexte, les intérêts divergents de quelques grandes puissances, et comment deux communautés ont été instrumentalisées. Ses personnages sont sans fard ni caricatures, chacun est dans son rôle et on lit ce bouquin sans concession pour personne avec plaisir.

    25/11/2021 à 10:16 3

  • Retour à Duncan's Creek

    Nicolas Zeimet

    8/10 Roman noir qui s'articule autour de 3 personnages et deux époques, leur adolescence et l'age adulte. La transition est brutale pour Sam, Jake et Ben. A tel point qu'elle marque leur avenir et devenir. Aucun ne sort vraiment indemne du drame qui les touche. L'auteur décrit avec beaucoup de sensibilité la quête de vérité mené par Jake, qui les libérera enfin du lourd secret qui les unit. Pour l'un d'entre eux qui manque à l'appel, il le doit à sa mémoire. Un livre bien écrit qui aborde cette période souvent décrite en littérature, quand un évènement ne s’efface jamais tout au long d'une vie. Un traumatisme tragique mais malheureusement assez banal dont on ne se relève pas, ou mal. On pense à la nouvelle de Stephen King, Stand by me (Le corps - Différentes saisons). Entre humour et noirceur, Nicolas Zeimet nous promène sur des chemins chaotiques et sombres avec des mots qui font mouche. S'il est libératoire, le retour vers le passé n'est pas une promenade tranquille.

    30/12/2020 à 10:16 5

  • L'Homme de Tautavel

    Jérôme Zolma

    7/10 De deux choses l'une : soit ce livre est un vibrant hommage au céphalopode Gabriel Lecouvreur dit Le Poulpe, soit l'auteur l'a écrit pensant être publié dans la collection de la pieuvre précitée. Les similitudes d'environnement, de caractères, de personnages, de lieux fréquentés et la structure générale du livre correspondent en tout aux codes des aventures du Poulpe. Ceci étant dit, on passe un assez bon moment avec Raphaël, détective privé libertaire, son copain antifranquiste Paco et sa copine (qui n'est pas coiffeuse) l'islandaise Kristgerður. A la recherche de l'assassin de leur ami à Tautavel, face à une enquête de police baclée puis au suicide de cet ami en prison, ils vont semer la pagaille chez les proxénètes de la Jonquera avant de se trouver aux prises, en deuxième partie de livre avec une secte locale. Il y a un peu de baston, de l'humour mais aussi du désenchantement dans cette ballade en Pyrénées et Corbières. On goute un peu de gastronomie traditionnelle et de bières catalanes entre autres. Contrat rempli.

    09/12/2022 à 14:59 1

  • Buffet campagnard

    Cizia Zykë

    8/10 Petit bijou de roman noir et d'humour de la même couleur. La 4e de couverture est un peu fausse dans le sens ou les orgies sont plutôt une suite quasi ininterrompue de ripailles et de banquets aux cours desquels du cochon est englouti sous toutes ses formes, du petit déjeuner au souper. Mais dans le cochon, tout est bon. Idem pour le "monde de sexe", les quelques scènes sont plutôt comiques et bon enfant. Par contre, l'auteur parvient à nous amener vers l'horreur petit à petit, avec beaucoup de subtilité. Les deux comparses, comparables à Don Quichotte et Sancho Panza vont bien mal finir, tombés dans les mains de cette famille aussi étrange qu'inquiétante, habitant une magnifique hacienda aux allures d'auberge rouge dans une région quasi désertique de l'Espagne. C'est aussi une peinture féroce de quelques défauts propres aux humains : paresse, gourmandise, luxure. Le livre est sorti en poche en 1991.

    02/09/2021 à 09:27 1