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9/10 1941. La France est occupée par l’armée allemande, du moins sa partie nord. Une ligne de démarcation est instaurée. Moulins et la ville jouxtant celle-ci, Yzeure, voient cette frontière invisible à leur porte d’entrée, délimitée par ce Pont Régemortes enjambant la rivière Allier. Alors que le Régime de Vichy s’est installé dans la ville ayant baptisé le Gouvernement collaborationniste de Pétain, située à une cinquantaine de kilomètre, la Préfecture de l’Allier, au surnom évocateur de « Belle Endormie », tente de survivre. En son sein, Yzeure accueille un hôpital psychiatrique Sainte-Catherine.
Il accueille les malades atteints de troubles psychiatriques mais aussi depuis la guerre, des personnes d’origine hébraïque et des Résistants que l’on cache dans les greniers, parmi le personnel soignant ou les malades eux-mêmes : une forme de résistance comme une autre. Et sont également internées les personnes « normaux » mais dont les familles n’ont plus les moyens d’entretenir ou de simplement alimenter. Or, Sainte-Catherine est aussi touchée par ce problème alimentaire. Même si on arrive à troquer avec les agriculteurs locaux, le ravitaillement pose un énorme problème et le Gouvernement a d’autres préoccupations humaines que celui des malades psychiatriques. Si on mesure la grandeur d’un pays à la qualité des politiques sociales menées à destination des plus faibles, laisser mourir de faim les plus faibles montre toutes les valeurs humanistes de celui en place à l’époque.
Carlos Noguès, interne en médecine psychiatrique à Barcelone, ayant fui l’Espagne et la guerre, exerçant depuis peu à Sainte-Catherine, propose de déplacer une partie (celui qui est possible) des patients. Il suggère d’aller à Saint-Alban, où exerce un des compatriotes.
Inspiré de faits réels, Robert de Rosa raconte de façon romancée ce périple. Cet exode des fous offre une lecture émouvante, car les protagonistes ont été confrontés à l’horreur, dont seul l’homme en sait être le responsable. On découvre quelques patients, leur pathologie, leur histoire. On rentre dans leur vie. L’auteur a su donner une vie à ses hommes et femmes : on est tellement absorbé par cette histoire que l’on fait partie intégrante de ce voyage. On partage la vie, les troubles et les inquiétudes des membres de cette épopée : Désiré, un ancien combattant et traumatisé de 14-18, Suzanne qui a perdu tragiquement son petit Antoine, ... On est à côté de Carlos et du médecin Georges, échangeant avec eux sur les conceptions de la vie et des valeurs humaines. On prend fait et cause pour ce curé, le Père Vincent, dont la conception du religieux est celle d’une vocation auprès de tous les nécessiteux. On devient résistant le temps de ces 230 pages. Un très beau et inoubliable moment de lecture21/08/2024 à 14:56 JohnSteed (624 votes, 7.7/10 de moyenne) 2