Ray Mathis, géant barbu, a pris sa retraite de l’office des forêts et mène une vie paisible jusqu’à ce qu’il reçoive un coup de téléphone : son fils, Ricky, junkie, lui indique qu’on va le tuer. Il doit dix-mille dollars à de sordides individus. Si Ray s’acquitte de la somme indiquée, le drame survient : Ricky meurt d’une overdose. Il n’y a pas plus redoutable qu’une bête blessée, et le vieil ours décide de régler lui-même ses comptes avec une société gangrénée par les drogues. Si les montagnes aux alentours sont ravagées par un monstrueux incendie, ce qu’a préparé Ray pourrait être encore plus féroce.
Après Là où les lumières meurent, Le Poids du monde et Ce Lien entre nous, David Joy nous est revenu avec cet ouvrage singulièrement noir. Si le pitch laisse augurer la vendetta d’un père psychologiquement mutilé par le décès de son fils unique, avec une croisade sanglante et force péripéties façon vigilante movies, il n’en est rien. Même s’il fera effectivement preuve de violences et secouera sacrément ces narcotrafiquants qu’il estime être responsables de la mort de son enfant, Ray n’est pas le personnage central du livre, car il s’agit plutôt de la société américaine. Une population livrée de son plein gré aux affres de l’addiction, des corps saturés de drogues aussi variées que tortionnaires et létales, des maux si répandus qu’ils paraissent incurables, sans compter d’abjects individus se repaissant de cette déchéance collective. De nombreux rôles apparaissent, de la nièce de Ray, travaillant pour la DEA, à certains drogués essayant de trouver la rédemption en passant par un policier infiltré. David Joy maîtrise autant la narration – âpre, amère, remarquable de densité – que le sujet, ajoutant en fin d’ouvrage un article brillant qu’il a lui-même signé sur la crise des opioïdes. La plume de l’auteur est extraordinaire, sombre, prenante, parfois haletante, avec des dialogues au cordeau et des scènes plus légères (comme le coup de cet homme si moche qu’il était capable de tuer des écureuils rien qu’en leur faisant des grimaces). Et c’est essoufflé que l’on achève la lecture de ce roman aussi brutal que concis, faisant se côtoyer les ténèbres d’un peuple qui se meurt dans le plus assourdissant des silences et l’espérance d’un avenir éclairci.
Un livre puissant et mémorable, à l’intrigue et à l’écriture remarquables.
Ray Mathis, géant barbu, a pris sa retraite de l’office des forêts et mène une vie paisible jusqu’à ce qu’il reçoive un coup de téléphone : son fils, Ricky, junkie, lui indique qu’on va le tuer. Il doit dix-mille dollars à de sordides individus. Si Ray s’acquitte de la somme indiquée, le drame survient : Ricky meurt d’une overdose. Il n’y a pas plus redoutable qu’une bête blessée, et le vieil ours décide de régler lui-même ses comptes avec une société gangrénée par les drogues. Si les montagnes aux alentours sont ravagées par un monstrueux incendie, ce qu’a préparé Ray pourrait être encore plus féroce.
Après Là où les lumières meurent, Le Poids du monde et Ce Lien entre nous, David Joy nous est revenu avec cet ouvrage singulièrement noir. Si le pitch laisse augurer la vendetta d’un père psychologiquement mutilé par le décès de son fils unique, avec une croisade sanglante et force péripéties façon vigilante movies, il n’en est rien. Même s’il fera effectivement preuve de violences et secouera sacrément ces narcotrafiquants qu’il estime être responsables de la mort de son enfant, Ray n’est pas le personnage central du livre, car il s’agit plutôt de la société américaine. Une population livrée de son plein gré aux affres de l’addiction, des corps saturés de drogues aussi variées que tortionnaires et létales, des maux si répandus qu’ils paraissent incurables, sans compter d’abjects individus se repaissant de cette déchéance collective. De nombreux rôles apparaissent, de la nièce de Ray, travaillant pour la DEA, à certains drogués essayant de trouver la rédemption en passant par un policier infiltré. David Joy maîtrise autant la narration – âpre, amère, remarquable de densité – que le sujet, ajoutant en fin d’ouvrage un article brillant qu’il a lui-même signé sur la crise des opioïdes. La plume de l’auteur est extraordinaire, sombre, prenante, parfois haletante, avec des dialogues au cordeau et des scènes plus légères (comme le coup de cet homme si moche qu’il était capable de tuer des écureuils rien qu’en leur faisant des grimaces). Et c’est essoufflé que l’on achève la lecture de ce roman aussi brutal que concis, faisant se côtoyer les ténèbres d’un peuple qui se meurt dans le plus assourdissant des silences et l’espérance d’un avenir éclairci.
Un livre puissant et mémorable, à l’intrigue et à l’écriture remarquables.