A bras raccourci

(Moist)

  1. Coup de foudre par tatouage interposé

    Bob végète à l’hôpital aux côtés de son collègue et ami Morris, jusqu’à ce qu’ils reçoivent un bras tatoué qui doit être remis au service de la médecine légale après qu’ils auront fait en sorte qu’il soit correctement conservé. Le hic, c’est que Bob tombe littéralement sous le charme de la femme représentée sur le membre : belle, infiniment désirable. Lorsque la mafia mexicaine enlève Bob, ce dernier accepte de les aider à fournir à la police un autre bras que celui-ci, mais à une seule condition : pouvoir passer une nuit avec Felicia, la sulfureuse personne représentée sur le dessin. Un incroyable engrenage est déjà en mouvement…

    Mark Haskell Smith livre ici un roman particulièrement flamboyant et mémorable. Il part déjà d’une idée tout bonnement hallucinante d’audace et d’humour, et l’écrivain se permet en outre de mener son récit comme un véritable conteur. Les chapitres, eux-mêmes découpés en sous-parties qui permettent à chacun des protagonistes d’agir et de s’exprimer, impriment au récit un pas cadencé au point que l’ouvrage se dévore davantage qu’il ne se lit. D’ailleurs, les personnages sont tous très réussis. Bob, en loser plombé par l’inanité de son métier, voyant dans ce tatouage une révélation à la fois licencieuse et salvatrice, ce qui va le mener à côtoyer la pègre… et à prendre goût à cette promiscuité. Maura, sa compagne, la volupté faite femme, thérapeute du sexe tellement dégoûtée par ses pratiques professionnelles que faire l’amour à son homme finit par la rebuter, et qui va être subitement attirée par l’attrait érotique des armes à feu. Esteban, le chef mafieux, qui ne demande pas mieux que de raccrocher les armes. Felicia, la bombe latina qui va tomber amoureuse de Bob en même temps que lui va s’éprendre d’elle. Don, le policer du LAPD en charge de l’enquête, fin œnologue qui va s’enticher de Maura. Amado, l’homme de main d’Esteban qui va perdre son bras tatoué à cause d’une fichue porte automatique de garage. Martin, le bras droit qui a des désirs croissants de trahison et de prise du pouvoir. Une véritable ménagerie, inénarrable, d’individus cocasses et croustillants, appelés à se croiser, se fréquenter voire se télescoper. Mais cette clique de spécimens ne serait qu’un simple étalage burlesque s’il n’y avait pas le style et surtout le talent de Mark Haskell Smith. L’auteur s’y entend à merveille pour bâtir une intrigue solide ainsi qu’une série de mécanismes scénaristiques parfaitement huilés. Vous l’aurez compris, il est souvent question d’amour, de désir et de sexe dans ce roman, mais jamais de manière gratuite, voyeuriste ou libidineuse : tout nous est raconté à travers le prisme si savoureux et détonnant que constitue la plume de l’écrivain. Un délice doublé d’un sacré délire d’un bout à l’autre de ce livre si singulier et marquant.

    Quelque part entre Elmore Leonard et Carl Hiaasen, Mark Haskell Smith nous offre une histoire explosive et hilarante. Une surprenante intrigue policière qui se double d’un ton jubilatoire. Et la magie littéraire opère : à bras cadabra !.

    /5