Un long moment de silence

  1. Un bon moment de lecture

    New York, 1948.
    Le jeune Nathan Katz arrive à Brooklyn. Il a été recruté par « Le Chat », une organisation secrète qui traque et élimine les nazis responsables de la Shoah. En effet, comme les autres agents du réseau, Nathan a perdu une partie de sa famille dans les camps de la mort.
    Le Caire, 1954.
    Des hommes lourdement armés ouvrent le feu dans le hall de l'aéroport. Le bilan est très lourd : 21 morts, une trentaine de blessés. Des policiers de différents États ont beau collaborer, on ne connaîtra jamais l'identité des meurtriers, pas plus que les raisons de l'assaut. L'enquête est officiellement abandonnée en 1961.
    Paris, 2012.
    Stanislas Kervyn est le dynamique patron d'une entreprise spécialisée dans la sécurité informatique. Fils d'une des victimes de la « tuerie du Caire », il publie un livre proposant sa version des faits. Après avoir été invité sur le plateau d'une émission littéraire télévisée, il reçoit l'appel d'un vieil homme qui soutient avoir fait partie du commando ayant abattu son père.

    Après avoir très agréablement surpris son monde avec le superbe Back Up, le Belge Paul Colize revient, toujours à La Manufacture des livres, avec ce Long moment de silence.
    Différent par les thèmes abordés et le traitement des protagonistes, on trouve néanmoins des similitudes entre les deux romans, en particulier cette facilité qu'a l'auteur de jongler entre les personnages et les époques, les évènements réels et fictifs, sans jamais casser la dynamique du récit. C'est d'une telle fluidité que ça semble facile, quand bien même ça doit demander force travail et talent.
    Par contre, les personnages, globalement sympathiques dans Back Up, sont ici plutôt antipathiques, pour ne pas dire détestables. Le jeune Nathan Katz, aussi naïf que manipulable, est loin d'être un héros. Quant à Stanislas, odieux avec ses collègues, il entretient des relations pour le moins particulières avec la gent féminine, qu'il ne voit que sous l'angle des relations sexuelles. Il classe chaque femme selon ce critère : baisable ou pas baisable. On le savait déjà, mais Paul Colize nous le prouve à son tour : il n'est pas nécessaire de proposer des personnages sympathiques pour accrocher le lecteur.
    Ici, l'intérêt vient plutôt des quêtes des différents protagonistes, ainsi que des zones d'ombres concernant chacun. Habilement, l'auteur nous donne un peu de grain à moudre au fil des pages, avant que tout ne s'accélère dans un final aussi réussi qu'émouvant.

    À la lueur de la postface (à ne lire qu'après avoir terminé le roman !), on comprend que cet opus qui semblait de prime abord un peu « froid » (de par le caractère de ses personnages notamment) est sans doute le plus personnel de l'auteur. Une belle réussite, déjà récompensée par plusieurs prix, qui vient confirmer qu'il faut désormais compter sur Paul Colize. On peut donc résider à Waterloo et collectionner les succès !
    La Manufacture des livres a annoncé pour début mai le dixième roman de l'auteur. De nombreux lecteurs l'attendront de pied ferme, d'autant que son titre est pour le moins intrigant : L'avocat, le nain et la princesse masquée.

    /5