La Bête et la Belle

  1. Les confessions de Léon

    C'est une nouvelle enquête que doit résoudre le policier Gabelou. Face à lui, un vieux bonhomme rustre, Léon, aux manières indélicates. Il y est question de meurtres : une femme, autrefois fatale, un enfant, et bien d'autres encore. Visiblement, Léon protège un ami, le véritable criminel de l'histoire, qui est actuellement à l'hôpital. Une affaire somme toute classique, tragiquement banale. Sauf que Léon n'est pas prêt à livrer l'intégralité de la vérité. Non. Léon a beau être un sympathique péquenaud, il n'en a pas moins un sens aigu de la camaraderie. Il ne va pas dévoiler aussi vite le déroulement d'une existence qui l'a conduit à devenir le complice d'un assassin.

    Thierry Jonquet, disparu le 9 août 2009, était l'une des figures majeures de la littérature noire française. Les lecteurs conserveront de lui le souvenir d'opus ténébreux et tragiques comme Mygale ou Le manoir des immortelles. Au sein de cette riche bibliographie, La Bête et la Belle est un ouvrage typique de l'auteur. Glauque, parfois désespéré, avec des portraits au vitriol. De prime abord, l'intrigue semble classique, voire convenue : un policier, un tueur, son acolyte. Mais c'est sans compter sur l'extraordinaire talent de conteur de Thierry Jonquet : le récit lapidaire – environ cent-cinquante pages – tient en haleine en raison de son aspect dédaléen. Les propos des divers protagonistes alternent pour composer un habile puzzle. A grands renforts de flashbacks et d'aveux voilés, la vérité se fait lentement, jusqu'à un épilogue sinistre faisant écho à la noirceur de l'histoire.

    Vingt-quatre ans avant son trépas, Thierry Jonquet signait un ouvrage d'une incroyable puissance. Sobre, sans scène haletante ni action échevelée. Un roman qui remue les tripes, aussi humain qu'il est inhumain. Une pépite d'ébène.

    /5