La Fracture de Coxyde

  1. Wallons enfants de la patrie

    Rien ne va plus en Belgique. En plus des dissensions politiques et linguistiques qui déchirent le pays, on vient de découvrir un membre des « Reculistes », un groupuscule d'artistes férus du peintre Jacques Delvaux, épluché dans une usine qui fabrique des frites. En France, Jacques Bower, surnommé « le Goret » en raison de sa propension à aller fouiner un peu partout, découvre l'information et décide de partir en Belgique pour enquêter. Ce qu'il y découvrira ne l'enchantera pas, lui qui ne peut pas voir l'extrême droite en peinture, mais ça va rapidement devenir une affaire personnelle. Jacques Bower, ou lard et la manière de fouiller les sols, même les plus impurs.

    Il ne faut pas être un grand connaisseur en littérature policière pour se rendre compte que Jacques Bower est un avatar de Gabriel Lecouvreur, alias « le Poulpe », le personnage créé par Jean-Bernard Pouy et devenu le personnage central d'une longue série. Maxime Gillio assume parfaitement cette source d'inspiration, et invente un protagoniste ainsi que quelques acolytes crédibles et sympathiques que l'on se plait déjà à imaginer dans de prochaines enquêtes. Comme d'habitude chez Maxime Gillio, l'intrigue est excellente, les propos sonnent juste, et l'on parcourt avidement ce roman de moins de deux-cents pages. L'histoire a été intelligemment bâtie, permettant au lecteur de côtoyer les milieux artistiques et les émanations fascisantes d'une Belgique en plein désarroi. En fait, La fracture de Coxyde se situe à la croisée des chemins tracés par l'auteur, mêlant le côté policier de L'abattoir dans la dune ou Le cimetière des morts qui chantent et l'humour débridé présent dans Les disparus de l'A16. Jacques Bower est un personnage savoureux, au verbe haut et leste, et étant donné le talent incontestable de son géniteur littéraire, on ne peut que croiser les doigts pour le retrouver dans d'autres investigations. Certes, il ne bénéficie pas encore du capital sympathie de son illustre modèle, mais ce fait est compréhensible dans la mesure où c'est la première fois qu'il apparaît.

    Le pari était osé : le Poulpe est unique. Le Goret en est une transfiguration habile, succulente et au potentiel littéraire indéniable. Maxime Gillio le fera-t-il à nouveau fureter du groin dans un futur proche ? Confiera-t-il ce rôle à d'autres auteurs de la maison d'édition Ravet-Anceau, comme Jean-Bernard Pouy l'a fait avec Gabriel Lecouvreur ? Il est encore trop tôt pour y apporter une réponse, mais il est presque acquis que le lecteur, après avoir achevé cette Fracture de Coxyde, se posera ces questions rendues légitimes par la qualité de ce livre.

    /5