Il y eut un coup de fil de l’assistante sociale pour annoncer que je sortais de prison. Mon père était à jour, au bout de son combat. Il ne cherchait qu’à vivre encore une nuit pour revoir son enfant, cet homme de trente-trois ans enfin libre. Pour assister à cette deuxième naissance.
Pendant le voyage vers Paris, je fabriquais les mots, les phrases que j’aurais aimé lui dire et ne lui dirais jamais. Et lui dans son fauteuil fabriquais les grandes envolées qu’il garderait au fond de sa gorge.
Alors, Père, je m’en souviens. J’étais dans l’entrée assez étroite et je poussais la petite grille en fer forgé, mais mon regard était déjà sur toi et tu t’es lentement levé. Si lentement. Il n’y avait plus de grillage entre nous. Tes mains fortes et soignées ont emprisonné mon visage amaigri.
J’ai entendu «Mon petit… mon gosse…» et encore autre chose que je n’ai pu définir. J’étais contre toi. J’ai voulu te remercier avec mon cœur, mon âme et mon sang, et j’ai dit seulement «Bonjour Papa». Et nous avons pleuré comme je pleure encore aujourd’hui en écrivant, comme ma voix tremble et se meurt si je parle de toi.»
José Giovanni raconte son père, ce joueur de poker international, ce dandy d’un autre âge, tout à la fois faible, colérique et généreux, qui a su brusquement trouver la force de lutter, heure par heure, pendant dix ans, pour arracher son fils à la guillotine d’abord et à la prison ensuite.
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Soumis le 23/12/2021 par LeJugeW