Abîmes

  1. Les malédictions du Mont-Perdu

    Janvier 1999 : un avion de tourisme s’écrase avec ses deux passagers, Viktor et Dolores Mendi. Aucun des deux membres de ce couple ne survit au crash. S’ensuit une avalanche qui tue une dizaine d’enfants. Vingt-quatre ans plus tard, le lieutenant Antoine Mendi – le fils des accidentés – intègre la gendarmerie où a eu lieu le drame. Un lieu très enclavé, tassé sur lui-même, où règne le silence et les non-dits, jusqu’à ce qu’apparaissent de petits bonshommes de neige accompagnés de messages menaçants. Et les premiers meurtres se mettent à se multiplier.

    Quiconque a déjà lu les ouvrages de Sonja Delzongle connaît la forte appétence de l’auteure pour les sujets durs et les intrigues retorses : Le Hameau des Purs, Dust, L’Homme de la plaine du Nord ou encore Le Dernier Chant pour ne citer qu’eux regorgent de fausses pistes, de personnages équivoques et d’une belle prolixité scénaristique. Cet Abîmes ne déroge en rien à cette règle, qui est presque la patte de l’écrivaine : un récit singulier, à la fois échevelé et très consistant, des rebondissements incessants et des histoires imbriquées les unes dans les autres si nombreuses qu’elles engendrent un authentique vertige littéraire. Jugez plutôt : des individus aux identités multiples, des actes pédophiles, un « Prêcheur » hantant les montagnes, un microcosme divisé entre « Ceux d’en haut » et « Ceux de la forêt », des avalanches qui n’ont rien de fortuites, des séances d’exorcisme pratiquées sur un môme inquiétant atteint de schizophrénie, la légende de Millaris, des faits d’inceste, un probable cas de gémellité, etc. Rarement une fiche descriptive sur Polars Pourpres n’aura autant été en peine de contenir tous les mots-clefs adéquats. Sonja Delzongle s’est véritablement lâchée dans cette histoire hallucinante d’exubérance et d’inventivité, et c’est peut-être cet élément – le seul – qui pourra constituer l’éventuelle faiblesse de ce roman aux yeux de certains lecteurs : une densité si gargantuesque qu’elle en vient presque à diluer la part de vraisemblance de l’ensemble. Néanmoins, pour qui apprécie les intrigues plus que solides, avec des cliffhangers à la fin de chaque chapitre, et des trames narratives enivrées de ténèbres, voilà un opus idéal.

    Sonja Delzongle continue de nous régaler avec ses œuvres sombres et retorses, parfois excessives et assourdissantes, et on préfère amplement cette démesure à la légèreté badine et superficielle. Un pur roc de jais cerclé du cadre majestueux des montagnes pyrénéennes et hanté par des spectres vengeurs.

    /5