André Leguidel effectue des traductions inintéressantes dans un bureau à Fribourg. La tuile pour ce jeune officier polyglotte qui, en entrant dans l'armée sur les traces de son père, pilote de chasse abattu pendant la Seconde Guerre mondiale, rêvait du front et de devenir un héros de guerre. Alors qu'il a rangé ses rêves de gloire au vestiaire, on vient le convoquer. Il va être muté illico en Algérie pour une mission d'infiltration de haute importance. Le chef d'une section de commando, Mohammed Guelab, est suspecté d'avoir joué un rôle dans la mort du sous-lieutenant Maillard, et de vouloir retourner sa veste. De fortes suspicions pèsent sur les conditions de la mort de l'officier, au cours d'une embuscade. L'a-t-on vraiment abattu d'une balle dans le dos ? Et si oui, qui a tiré cette balle ? C'est ce que Leguidel, avec une nouvelle identité de simple soldat en charge des liaisons radio, va devoir déterminer.
Tu dormiras quand tu seras mort, c'est ce que le sergent-chef Guellab hurle à ses subordonnés si ceux-ci ont le malheur de s'assoupir pendant une opération. Guellab n'est pas un tendre, Leguidel s'en rend vite compte, mais dans ces conditions, il n'y a pas de place pour la tendresse. Dans l'enfer du djebel, les sentiments, c'est ce qui peut vous coûter la peau.
Prix du Premier Polar SNCF 1999 dès son premier roman, Le Pied-Rouge, François Muratet avait encore écrit deux romans, Stoppez les machines (2001) et La Révolte des rats (2003) avant de se consacrer à son métier de professeur d'histoire-géographie et à son engagement dans la vie politique locale.
C'est donc avec un roman noir à la thématique rare en littérature qu'il revient aux affaires. Les fictions ayant pour cadre la guerre d'Algérie ne sont pas légion, bien qu'on en trouve quelques-unes désormais, qui tantôt l'évoquent ou, plus rarement, l'abordent de front (La Grande peur du petit blanc ou Djebel par exemple).
Le premier chapitre nous voit embarquer depuis Marseille sur un paquebot rempli d'appelés : ça braille, ça boit, ça joue aux cartes. Dès le second, nous y sommes : Alger. Malgré la présence nombreuse des soldats, c'est encore un air de vacances, qui sent bon les orangers et les pâtisseries au miel. Mais une fois dans l'arrière-pays, c'est une autre vie qui commence. L'on doit être toujours sur le qui-vive tant le danger est permanent, et quand la mort ne vient pas d'une embuscade ou d'une mine, elle peut arriver aussi soudainement de tirs amis ou d'un animal au poison létal.
À l'instar de Patrick Pécherot ou de Dominique Manotti (d'ailleurs remerciée en fin d'ouvrage), François Muratet parvient à nous plonger directement dans le lieu et l'époque grâce au vocabulaire d'alors, mais aussi à l'aide de tous ces petits détails surannés et parfois cocasses aujourd'hui (comme la découverte à la radio du jeune Johnny Hallyday). L'auteur fait la part belle au quotidien des soldats, troufions ou officiers : atrocité de la guerre, stress permanent, difficulté à vivre avec ce qu'on a dû faire malgré soi... Les problèmes de commandement – aux conséquences parfois dramatiques – ou même le doute des appelés quant au bien-fondé de ces opérations et de leur présence ici sont aussi au rendez-vous.
Joliment écrit, très visuel (on entrevoit immédiatement le potentiel pour une adaptation cinématographique), Tu dormiras quand tu seras mort est un très bon roman de guerre plus qu'une véritable enquête policière – la mission de Leguidel paraît vite secondaire quand les camarades tombent à ses côtés sous le feu des balles ennemies. Ce texte est un peu à la guerre d'Algérie ce qu'est Tranchecaille à la Première Guerre mondiale. Espérons qu'il ne faille pas attendre quinze ans pour relire François Muratet !
André Leguidel effectue des traductions inintéressantes dans un bureau à Fribourg. La tuile pour ce jeune officier polyglotte qui, en entrant dans l'armée sur les traces de son père, pilote de chasse abattu pendant la Seconde Guerre mondiale, rêvait du front et de devenir un héros de guerre. Alors qu'il a rangé ses rêves de gloire au vestiaire, on vient le convoquer. Il va être muté illico en Algérie pour une mission d'infiltration de haute importance. Le chef d'une section de commando, Mohammed Guelab, est suspecté d'avoir joué un rôle dans la mort du sous-lieutenant Maillard, et de vouloir retourner sa veste. De fortes suspicions pèsent sur les conditions de la mort de l'officier, au cours d'une embuscade. L'a-t-on vraiment abattu d'une balle dans le dos ? Et si oui, qui a tiré cette balle ? C'est ce que Leguidel, avec une nouvelle identité de simple soldat en charge des liaisons radio, va devoir déterminer.
Tu dormiras quand tu seras mort, c'est ce que le sergent-chef Guellab hurle à ses subordonnés si ceux-ci ont le malheur de s'assoupir pendant une opération. Guellab n'est pas un tendre, Leguidel s'en rend vite compte, mais dans ces conditions, il n'y a pas de place pour la tendresse. Dans l'enfer du djebel, les sentiments, c'est ce qui peut vous coûter la peau.
Prix du Premier Polar SNCF 1999 dès son premier roman, Le Pied-Rouge, François Muratet avait encore écrit deux romans, Stoppez les machines (2001) et La Révolte des rats (2003) avant de se consacrer à son métier de professeur d'histoire-géographie et à son engagement dans la vie politique locale.
C'est donc avec un roman noir à la thématique rare en littérature qu'il revient aux affaires. Les fictions ayant pour cadre la guerre d'Algérie ne sont pas légion, bien qu'on en trouve quelques-unes désormais, qui tantôt l'évoquent ou, plus rarement, l'abordent de front (La Grande peur du petit blanc ou Djebel par exemple).
Le premier chapitre nous voit embarquer depuis Marseille sur un paquebot rempli d'appelés : ça braille, ça boit, ça joue aux cartes. Dès le second, nous y sommes : Alger. Malgré la présence nombreuse des soldats, c'est encore un air de vacances, qui sent bon les orangers et les pâtisseries au miel. Mais une fois dans l'arrière-pays, c'est une autre vie qui commence. L'on doit être toujours sur le qui-vive tant le danger est permanent, et quand la mort ne vient pas d'une embuscade ou d'une mine, elle peut arriver aussi soudainement de tirs amis ou d'un animal au poison létal.
À l'instar de Patrick Pécherot ou de Dominique Manotti (d'ailleurs remerciée en fin d'ouvrage), François Muratet parvient à nous plonger directement dans le lieu et l'époque grâce au vocabulaire d'alors, mais aussi à l'aide de tous ces petits détails surannés et parfois cocasses aujourd'hui (comme la découverte à la radio du jeune Johnny Hallyday). L'auteur fait la part belle au quotidien des soldats, troufions ou officiers : atrocité de la guerre, stress permanent, difficulté à vivre avec ce qu'on a dû faire malgré soi... Les problèmes de commandement – aux conséquences parfois dramatiques – ou même le doute des appelés quant au bien-fondé de ces opérations et de leur présence ici sont aussi au rendez-vous.
Joliment écrit, très visuel (on entrevoit immédiatement le potentiel pour une adaptation cinématographique), Tu dormiras quand tu seras mort est un très bon roman de guerre plus qu'une véritable enquête policière – la mission de Leguidel paraît vite secondaire quand les camarades tombent à ses côtés sous le feu des balles ennemies. Ce texte est un peu à la guerre d'Algérie ce qu'est Tranchecaille à la Première Guerre mondiale. Espérons qu'il ne faille pas attendre quinze ans pour relire François Muratet !