Salut à toi ô mon frère

  1. Retour (cocasse) à Tournon

    Dans la famille Mabille-Pons, je demande la mère et le père, respectivement infirmière saugrenue et au farouche engagement politique, et clerc de notaire dont la modération vient tempérer les élans de son épouse. Ils ont six enfants, dont Rose, travaillant dans un salon de coiffure où elle lit des textes pour le grand plaisir des clientes. Mais au sein de cette progéniture, il y a également Gus, adopté, d’origine colombienne, qui vient de s’illustrer lors du braquage d’un bureau de tabac et qui a disparu juste après. Il est le coupable parfait aux yeux de tous, sauf à ceux de sa famille. Et c’est notamment Rose qui prend le sentier de la guerre pour retrouver son frangin et prouver son innocence.

    Huit ans après La Guerre des vanités, Marin Ledun revient dans la ville de Tournon, mais sur un ton bien différent de ses autres ouvrages. En effet, l’auteur, entre autres, des puissants Modus Operandi, Marketing viral, Les Visages écrasés et L’Homme qui a vu l’homme opère un virage osé dans sa bibliographie, en signant cet opus sacrément décontracté et jubilatoire. Des personnages croustillants, qui n’engendrent à aucun moment la mélancolie. Des dialogues cocasses. Des situations drolatiques. De délicieux moments d’humour, d’autant plus réussis qu’ils étaient vraiment inattendus de la part d’un écrivain aussi engagé, et aux écrits habituellement si sombres. On retiendra de nombreux moments très amusants, comme les relations tendues, même si cela n’empêche nullement un profond attachement, entre les Mabille-Pons, ou encore les échanges de SMS entre Rose et le lieutenant Personne, devenu son amant, où le policier se voit opposer à chacun de ses messages des propositions coquines. Dans le même temps, si la forme est indéniablement distractive et réjouissante, l’intrigue déçoit un peu. Elle se réduit même à une portion indigente tandis que de nombreux clichés – certes assumés et répondant toujours aux engagements politiques et sociétaux de Marin Ledun, comme le racisme, la lutte contre les inégalités, les préjugés, etc. – sont véhiculés au gré des chapitres. Mais soyons parfaitement honnêtes : quand s’achève l’ouvrage, on en retient bien plus son souffle de décontraction que son aspect purement policier, et on est sincèrement heureux d’avoir davantage mobilisé ses zygomatiques que ses cellules grises.

    Un bon moment de détente littéraire, ponctué de nombreuses références littéraires, cinématographiques et musicales, qui démontre une autre facette du talent de Marin Ledun. On retrouvera d’ailleurs bien volontiers la suite des aventures de Rose dans l’ouvrage La Vie en Rose.

    /5