La forme de l'eau

(La forma dell'acqua)

  1. ... ou la première enquête de Montalbano

    Vigàta, Sicile.
    Un homme est retrouvé mort dans une belle voiture, sur un terrain vague connu pour la prostitution. Tout semble indiquer qu’il est décédé pendant un acte charnel et pour la police, l’enquête est déjà close ou presque. La victime est Luparello, un parrain local, et seul un homme n’est pas entièrement convaincu par ce scénario. Pris d’une intuition, le commissaire Montalbano trouve cette mort un peu curieuse. Et lorsqu’on navigue dans les eaux troubles de la politique et de la mafia, on n’est jamais à l’abri d’avoir des ennemis prêts à tout.

    On a appris cet été la mort d’Andrea Camilleri qui s’est éteint à l’âge canonique de 93 ans après avoir écrit une centaine de romans dont une trentaine mettant en scène le seul commissaire Salvo Montalbano. L’auteur sicilien était une star en Italie où il a vendu plus de 35 millions de livres et vu son personnage fétiche incarné par des acteurs renommés dans plusieurs séries et films à grand succès.
    La forme de l’eau, paru initialement en 1994 (et au Fleuve Noir en 1998 pour la version française), est la première enquête du fameux Montalbano. Derrière une apparence bougonne et nonchalante, Montalbano a d’emblée quelque chose d’attachant qui le fait se rapprocher d’autres commissaires atypiques comme Erlendur, Adamsberg ou encore Soneri, pour revenir en Italie.
    Courir ne l’intéresse absolument pas, et pour bien faire les choses il lui faut prendre son temps. Cela est valable pour les enquêtes, au grand dam de ses supérieurs, mais aussi pour la gastronomie ou l’amour. On entre assez vite dans l’intimité du commissaire qui mène sa vie entre boulot, les bras de la belle Livia et les spécialités siciliennes.
    C’est que sicilien, Montalbano l’est jusqu’au bout des ongles, et il est d’un naturel méfiant envers les « étrangers ». La langue de l’auteur, mélange d’italien et de parler sicilien est traduite avec talent par Serge Quadruppani, qui nous explique son judicieux parti pris littéraire en introduction de l’ouvrage.
    Pour ceux qui ne le sauraient pas, difficile de croire que Vigàta n’existe pas tant sa réalité semble tangible. En réalité, la ville de Montalbano est imaginée d’après plusieurs lieux bien connus de l’auteur et notamment de Porto Empedocle, sa ville natale, petit port du sud de l’île.
    L’intrigue de La forme de l’eau n’est pas exceptionnelle en soi mais elle réserve néanmoins quelques surprises et se laisse suivre avec grand plaisir tant les à-côtés sont intéressants.

    S’il n’a pas écrit que des Montalbano, loin de là – voir notamment les nombreux romans de l’auteur parus en France chez Métailié – La forme de l’eau est tout indiqué pour découvrir l’univers de l’auteur… et avoir envie de retourner en Sicile sans trop tarder.

    /5