Goodis, la vie en noir et blanc

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  • 7/10 Une enquête un peu étrange sur un écrivain qui semblait s'amuser à jouer des rôles et à cloisonner sa vie. La structure adoptée peut dérouter les lecteurs qui viendraient chercher un semblant de chronologie ou un classement par thèmes : là tout est en désordre, écrit au fil des rencontres de l'auteur, des visites aux archives des studios Warner aux souvenirs embrumés des gens qui ont rencontré Goodis. En filigrane on découvre aussi le monde peu reluisant des pulps puis des paperbacks, ainsi que celui du cinéma des années 40 et 50, pas aussi glamour qu'on pouvait l'imaginer. En tout cas le périple est intéressant, et même s'il le présente comme un tâcheron tantôt falot tantôt excentrique, ce livre donne envie de lire du Goodis, ne serait-ce que pour chercher à comprendre qui il était vraiment.

    19/10/2019 à 16:28 Horatio (294 votes, 7.5/10 de moyenne) 2

  • 8/10 En 1982, Philippe Garnier se lance, un peu à reculons, sur les traces de David Goodis, obscur auteur américain, semi-inconnu au pays de l’oncle Sam (nul n’est prophète…) mais plébiscité en France où il fut notamment publié dans la mythique Série Noire (époque Marcel Duhamel) et adapté au cinéma par de grands réalisateurs comme François Truffaud avec Tirez sur le pianiste (1960), avec Charles Aznavour dans le rôle principal.
    Loin d’être une hagiographie (Garnier semblant avoir peu d’admiration pour Goodis, évoquant un « tâcheron » p. 218), Goodis, la vie en noir et blanc n’est pas non plus une biographie mais davantage une enquête.
    Une enquête qui ne respecte pas la chronologie de la vie de Goodis mais se construit au gré des rencontres de Ph. Garnier lors de son voyage aux Etats-Unis sur les traces de Goodis.
    Garnier n’hésite pas à donner régulièrement son avis sur l’œuvre de l’américain et ses (nombreuses) adaptations au cinéma, ce qui donne une certaine dynamique au récit.

    Et ce qui ressort de cette enquête, c’est d’abord la grande difficulté à cerner David Goodis, à savoir qui il était. Loin de la « légende » qui a traversé l’Atlantique, D. Goodis semble, sous la plume (très appréciable au passage) de Garnier, très banal, effacé.
    Mais surtout insaisissable.
    Ainsi très peu de personnes se souviennent de lui à Hollywood (où il a pourtant travaillé de 1946 à 1948). Difficulté à le cerner non seulement parce que l’homme est finalement quelconque (même si son ami Paul Wendhos évoque un homme « excentrique et caméléon ») mais aussi parce que les témoins vivants de cette époque sont peu nombreux.
    Par exemple, Ruth Wendhos (épouse du réalisateur Paul Wendhos) « connaissait Goodis mieux que personne » (p. 55). Hélas celle-ci est morte d’un cancer quelques années avant les recherches de Ph. Garnier.
    On a le sentiment, au fil de la lecture, que Garnier (et je pense qu’il a eu ce sentiment également) arrivait toujours trop tard et que son enquête aurait été plus aboutie, fructueuse s’il l’avait réalisé 10 ans auparavant.

    On apprend, tout de même, plusieurs choses intéressantes sur David Goodis.

    Sur sa famille : Goodis est né dans une famille juive américaine à Philadelphie et il a un frère qui souffre de schizophrénie (élément qui prendra notamment de l’importance après la mort de ses parents).
    Sur l’écriture : il a écrit beaucoup pour des pulp à ses débuts (surtout des histoires de pilotes de chasse) avant de connaître le succès très jeune grâce à ses premiers romans, puisque Goodis, à 30 ans à peine, voit ses romans adaptés à Hollywood.
    On apprend aussi que dans une société américaine encore frappée en de nombreux endroits par la ségrégation raciale, Goodis affirme sa détestation du racisme et des racistes, mais cache paradoxalement sa fascination pour les « femmes noires bien en chair » qu’il fréquente tard la nuit dans certains quartiers chauds de « Philly ».
    Cette valeur-là (l’antiracisme) est sincère mais on peut se demander, à certains moments, si Goodis n’est pas en fait un « imposteur » (p. 167), un homme sensible (les passages sur la mort de ses parents le confirment) qui se cache derrière un masque fade face au plus grand nombre mais qui peut se montrer, avec ses (rares) proches amis, volontiers mythomane, s’inventant mille vie, homme à l’imagination débordante et habitué des rodomontades.
    Fade, effacé pour les uns, excentrique, mythomane, blagueur pour les autres… Oui, décidément, David Goodis est insaisissable.

    Au-delà de ces (trop maigres) informations sur l’auteur, reste de l’enquête un tableau peu reluisant du cinéma hollywoodien des années 40 à 60.
    En bref, Goodis, la vie en noir et blanc est une enquête (plus qu’une biographie) très plaisante à suivre sur David Goodis, auteur américain des années 1940 à 1960, publié à la Série Noire. En résulte un portrait un peu flou d’un auteur attaché à sa ville Philadelphie (loin des strass et paillettes de la côte ouest) dont on ne sait, finalement et malgré 250 pages d’enquête, que peu de choses nous amenant à ressentir, comme l’auteur, une frustration de ne pas en avoir appris autant qu’espéré.

    24/11/2018 à 14:35 LeJugeW (1806 votes, 7.3/10 de moyenne) 5