Mauvais calcul

Crime sans châtiment (Haendeligt uheld)

  1. Délit de fuite et ses suites

    Après une journée d’affaires avec ses homologues allemands, Henrik Mörk, cadre d’une grande marque automobile danoise, éprouve le besoin de décompresser. Plutôt que de rentrer chez lui, il va boire un coup dans un bar et se voit proposer par des jeunes gens d’aller poursuivre la soirée chez l’un deux. Hésitant, Mörk accepte, mais sur place, la soirée vendue comme prometteuse lui file le cafard. Seulement, la maison est isolée et Mörk n’a pas sa voiture. Un jeune homme, Hostrup, voit qu’il n’a pas bu tant que ça et lui propose de lui prêter son véhicule pour rentrer. A peine parti, dans la nuit et un épais brouillard, les freins donnent des signes de faiblesse. C’est alors que Mörk voit surgir un cycliste et ne peut l’éviter. L’homme meurt sur le coup. Paniqué, il décide de cacher le corps et jette le vélo d’une falaise. Il songe d’abord à aller se rendre au commissariat puis pense à sa femme et à sa fille et change d’avis.

    Anders Bodelsen, méconnu en France, est présenté comme l’un des principaux fondateurs de la nouvelle vague du noir scandinave. Né en 1937, il a principalement œuvré dans les années 1960-70 et vu trois de ses romans adaptés au cinéma. Paru en 1968, Hændeligt uheld a connu un certain succès, y compris en France où il a remporté le Grand Prix de Littérature Policière en 1971 dans sa première traduction, Crime sans châtiment, parue chez Stock. Après avoir publié le plus contemporain Rouge encore en 2013, les éditions Autrement décident de donner une seconde vie à ce texte. Ce sera donc Mauvais calcul, dans une nouvelle traduction signée Anne Renon.
    On comprend dès les premières pages pourquoi ce roman a connu le succès à l’époque et pourquoi l’éditeur a jugé pertinent de le retraduire. Tenant à la fois du roman noir et du thriller avant l’heure, il est efficace dès son entame, qui plonge le lecteur dans les atermoiements d’un homme ayant involontairement commis l’irréparable (le titre original signifie littéralement "accident fortuit"). Sans l’excuser, on comprend sans mal la conduite d’Henrik Mörk et on en vient à se demander avec lui, comment il va bien pouvoir se sortir de ce mauvais pas. D’autant que l’enquête de police remonte rapidement vers le propriétaire du véhicule, un certain Hostrup. Mörk évite toute sortie au grand jour et se laisse pousser cheveux et moustache, mais cela suffira-t-il ?

    Malgré quelques passages moins intéressants (sur le monde automobile ou la construction de la nouvelle maison de la famille Mörk), Mauvais calcul est un suspense encore fringant malgré sa cinquantaine bien sonnée. La psychologie des personnages est particulièrement soignée et le final livre quelques surprises mémorables.

    /5