Les Démons des temps immobiles

  1. Prise de crâne

    Le commissaire Marac vit reclus du monde, dans un chalet de montagne, lorsqu’il est appelé par ses collègues. Un de ses amis d’enfance a disparu. Son domicile a été mis à sac, et on découvre dans le jardin deux cercueils, l’un avec un squelette, l’autre avec un simple mot énonçant la date présumée de la mort de Marac. L’enquête va le mener vers des vérités inavouables que de nombreux individus souhaitent garder secrètes.

    L’auteur du très bon The One signait en 2007 un thriller mâtiné de roman d’aventures et d’ésotérisme dans l’air du temps. Le personnage fétiche de Dan Chartier pénétrait les arcanes de la religion et de mystères anciens, l’amenant à affronter des adversaires nombreux et retors. La plume de l’écrivain se montrait particulièrement fluide et assez efficace, notamment dans les descriptions géographiques. Le lecteur voyage au gré des investigations du commissaire, de la France à Venise en passant par l’Arizona et le désert saharien. Les fans de l’occultisme et autres complots, à la manière de Dan Brown ou Raymond Khoury y trouveront probablement de quoi nourrir leur imagination et passer un bon moment.
    Néanmoins, pour les autres, la sauce ne prendra certainement pas. Dan Chartier a imaginé une intrigue complexe, certes très documentée, mais dont les ramifications, la pléthore d’intervenants et l’aspect dédaléen finissent par lasser. Car les thèmes évoqués, et tous finissant par avoir de l’importance dans ce scénario luxuriant, abondent : le nazisme et l’Ordre Noir, le rôle de Jésus-Christ, les Amérindiens, les crânes de cristal, les sociétés mayas, le Vatican, les manuscrits de la Mer Morte, les origines extraterrestres de l’humanité… Entrez tous et que le dernier ferme la porte ! Tout ce beau petit monde se retrouve dans une série magmatique d’interactions, se combat, s’entraide, ou exerce un troc. De ce méli-mélo d’idées si souvent évoquées au cinéma et en littérature, il fallait un angle d’approche puissant, simple et cohérent, mais ce n’est clairement pas cette voie qu’a choisie Dan Chartier. Tout y est touffu, abscons, et finit malheureusement par sombrer dans le ridicule. Par ailleurs, Marac devient crispant : qu’il doit être flatteur, au quotidien, d’être si instruit en combat, minéralogie, histoire, géographie, religion, etc. Rien n’échappe à ce surhomme de l’intellect, et l’on en vient, dans certains passages, à plaindre les pathétiques ennemis qui se mettent sur son chemin. Ajoutons à cela une fin bien trop abrupte et l’identité du commanditaire trop aisée à deviner.

    Il en va de la littérature comme de la cuisine : certains plats souffrent de complications inutiles, d’ingrédients trop multiples, et de saveurs qui s’entremêlent au point de gâcher complètement le mets final. Cet opus en est la parfaite illustration : simplicité et volonté de rendre l’ensemble plus crédible et homogène auraient certainement servi le récit. Dan Chartier, décédé en 2007, en était capable.

    /5