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6/10 Margarita, perle des Caraïbes, paradis pour les héliocentriques. Mais ce n’est pas pour ses raisons qu’Edeltraud Kreutzer atterrit à La Asuncíon. Mort par immersion mécanique. Quatre mots. Quatre mots qui agissent dans son cerveau comme le pôle magnétique sur une boussole. Deux mois que Wolfgang, son fils restaurateur à la Playa el Agua a été retrouvé noyé, affaire classée. Cette explication laconique et technique ne convainc pas l’allemande d’autant plus qu’une lettre anonyme lui est parvenue. Dans une Amérique latine aux lenteurs exagérées, à l’administration pyramidale interminable, où le temps est suspendu à la volonté des autochtones, entre dilettantisme et indolence, la teutonne disciplinée, cartésienne, obstinée risque de se fourvoyer. Juan Benítez, avocat en quête de client, plus féru de littérature que de droit va tenter de la guider, de résoudre l’enquête. Entre passe-droit et archaïsme, loin des grèves enchanteresses, on découvre une autre facette, une autre vision de Margarita. Une image séculaire, violente, impétueuse, celle qui a happée, alliciée, fascinée Wolgang Kreutzer. L’île des combats de coq, des paris, de l’affrontement. Francisco Suniaga nous entraine avec nonchalance dans une enquête, une découverte de cette Caraïbe méconnue, entre sexe et cruauté, entre passion littéraire et jeunesse communiste, les personnages défilent tour à tour. Un monde obsolète, pompadour, spéculaire aux antipodes des circuits, qui met en exergue les difficultés économiques, le métissage, l’omnipotence bureaucratique, les tensions. Ces tensions qui se cristallisent autour d’une arène, d’un gallodrome, combat bref, intense où vie et mort, honneur et courage s’enchevêtrent, fascinent et parfois corrompent ou damnent les plus fragiles. L’île invisible, cette partie qui envoute, sauvage, rebelle, fière comme ses coqs de combats, prête à s’enflammer, orgueilleuse, celle qui rêve les yeux ouverts, loin de celle de Benítez qui se complait à refaire l’histoire et la politique, cherchant dans son passé les causes de son présent. Suniaga mène son lecteur dans une réflexion, une psychanalyse sur l’identité de ces iles, perdues entre tourisme et traditionalisme, entre luxe et volupté. Dans un style parfois déroutant, le roman se met en place oisivement écrasé dans un premier temps par cette chaleur oppressante, étouffante puis fiévreusement la fascination grimpe, prenant le lecteur à témoin dans ses recherches de vérité.
19/01/2016 à 11:45 LittleWing (21 votes, 7.8/10 de moyenne) 1