Road Tripes

  1. En route vers les problèmes...

    Vincent aurait pu être pianiste professionnel. Il aurait aussi pu reprendre le cabinet dentaire de son père. Il aurait pu être heureux. Sa femme et sa fille auraient pu rester avec lui. Mais le destin en a décidé autrement et il se retrouve seul, déprimé, à glisser des prospectus dans des boîtes à lettres. C'est comme ça qu'il rencontre Carell, aussi sympa d'apparence qu'il paraît bête. Le jeune homme le convainc de tout laisser tomber le temps d'une virée en voiture.

    Encore peu connu du grand public, Sébastien Gendron n'en est pas pour autant à son coup d'essai. Après avoir publié une demi-douzaine de polars chez Baleine et quelques autres éditeurs peu connus, le Bordelais débarque chez Albin Michel avec Road tripes.
    On y retrouve la patte de l'auteur : l'humour, les personnages déjantés et les situations loufoques.
    Les protagonistes, Vincent et Carell, deux pauvres types paumés à souhait, forment un duo qui fonctionne bien. L'intellectuel et le demeuré, l'indécis et l'impulsif, le calme et le bestial : ils forment une drôle de paire, plutôt complémentaire. Ensemble, entraînés l'un par l'autre dans leur délire auto et destructeur, ils vont rallier Bordeaux à Montélimar en semant le chaos sur leur passage. Pas d'intrigue à proprement parler, juste un départ, et tout plein d'embûches avant d'éventuellement rallier l'arrivée.
    L'humour est bien présent, dans les situations « abracadabrantesques » dans lesquelles l'auteur prend un malin plaisir à fourrer ses personnages (le collectionneur de voitures, la secte, etc.), mais aussi dans les dialogues, pas piqués des vers et généralement efficaces.
    La musique, via l'auto-radio, est assez présente, et une playlist récapitulant les titres écoutés figure en fin d'ouvrage. C'est éclectique, allant des pianistes jazz (Dave Brubeck, Bill Evans) au classique (Chopin, Liszt) en passant par la variété française. A signaler, une scène assez exquise où Vincent et Carell s'écharpent quant au talent (ou pas) de Johnny Hallyday.

    S'il ne s'agit peut-être pas du meilleur Gendron à ce jour, ce Road tripes a le mérite de faire passer un bon moment. A bord du bolide, on ne voit pas passer les 282 pages (ou 4006 km, la numérotation des chapitres correspondant au kilométrage effectué par les compères), qui défilent comme le paysage, à grande vitesse.
    Une bonne entrée dans l'univers déjanté de cette voix singulière du polar français qu'est Sébastien Gendron. À poursuivre avec son excellent Poulpe Mort à Denise ou sa parodie de roman d'espionnage Taxi, take off & landing, à moins que vous n'ayez déjà prévu Quelque chose pour le week-end.

    /5