Memento vivere

  1. Dans un bar miteux de Vitry-sur-Seine, le cadavre d’un fœtus est découvert dans les toilettes. La piste mène les enquêteurs vers un prêtre trouvé pendu et dont le corps disparaît rapidement de la morgue. Elément sidérant : l’embryon avait deux cœurs. Parallèlement, un adolescent sème la panique, accompagné de son chien – un tamaskan –, et tue des individus sans lien apparent. Les policiers Lucien et Anaïs, pourtant diamétralement opposés dans leurs natures respectives comme dans leurs manières de procéder, vont devoir faire équipe pour dénouer ces affaires.

    Avec ce roman, Ismaël Lemonnier frappe très fort. Dès les premiers chapitres, le lecteur bascule dans une littérature très particulière qui multiplie les vents contradictoire : l’aspect sordide de certains passages est aussitôt contrebalancé par un humour noir, parfois très léger. L’intrigue est très intéressante, présente de nombreuses fausses pistes et s’avère rapidement tentaculaire, avec des rebondissements qui durent jusqu’au final. L’auteur semble avoir conçu son œuvre comme un puzzle dont il a ensuite éparpillé les pièces avec entrain. Les deux personnages centraux marquent l’attention. Anaïs, en jeune femme policière très bordeline, adepte des scarifications et d’un langage souvent leste, ne se séparant jamais de sa boule prétendument magique qui lui donne des indications à propos des pistes en cours, cohabite intelligemment avec Lucien, enquêteur obnubilé par son rythme cardiaque et à la vie aussi rangée que celle d’un moine. Ismaël Lemonnier préserve quelques habiles surprises à propos de ces protagonistes, et la totalité de leurs passés ne sera révélé qu’à la fin du livre. Même si le récit est parfois surchargé (des dialogues volontairement trop grivois ou des individus caricaturaux, comme l’influenceuse Dakota), on ne peut que saluer le talent de narrateur de l’écrivain et sa belle inventivité.

    Un thriller qui alterne verve croustillante et moments noirs, scènes d’action et passages poignants. Une réussite où l’exigence de vivre est soulignée par la pluie de cadavres et de violences qui s’abat tout autour de ce parapluie littéraire.

    /5