La Constance de la louve

  1. Le pacte des louves

    Hiver 1835, à Saint-Alban, en Lozère : le corps du jeune Anatole Bousquet est retrouvé dans la neige, probablement mort de froid, non loin de l’asile psychiatrique où il officiait. Si un témoignage met en cause la présence d’un hypothétique dragon, les constatations font plutôt état d’un suicide ou d’une cruelle mise en scène. Victor Chastel, lieutenant de louveterie – il est d’ailleurs le petit-fils d’un homme lié à la Bête du Gévaudan – et juge de paix se met à enquêter avec l’aide de Marianne, une infirmière, et de Constance. Ce qu’ils vont découvrir fera ressurgir de sordides tractations du passé.

    Ce livre de Cécile Baudin séduit dès les premières pages. L’ambiance est particulièrement bien rendue, la langue est à la fois ciselée et enchanteresse, et c’est un pur régal littéraire que de sillonner ces terres glacées. Les décors sont rendus avec bonheur, les descriptions sont envoûtantes, et les personnages sont tous travaillés. Parallèlement, l’intrigue est d’une belle efficacité, faisant lentement remonter un passé datant des années 1810 au gré d’une langue riche et captivante. Victor Chastel, accompagné de son animal Auro, né du croisement d’une louve et d’un chien, compose un protagoniste prompt à l’action, à l’esprit éclairé et capable de belles déductions, tourmenté par sa jeunesse au cours de laquelle il a été confronté à des loups mais surtout à la sotte hostilité des Hommes. Cécile Baudin a construit une histoire redoutable, et le dénouement est amplement à la hauteur des attentes : cette résolution brille par son intelligence, sa crédibilité, et permet enfin de relier les décès suspects d’Anatole Bousquet, de Léopold de Rozasse et d’Albert Guérin, pourtant tous de prime abord de simples et tragiques accidents. Et même si l’écrivaine a parfois tendance à se laisser emporter par la maestria de sa plume – les personnages pensent et s’expriment tous comme des lettrés éclairés quels que soient leur rang ou l’éducation qu’ils ont reçue –, voilà un ouvrage indéniablement lumineux malgré les ténèbres qui s’y dissimulent.

    Un roman historique très réussi, à l’intrigue tortueuse et plausible, et l’on ne peut désormais attendre les prochains opus de Cécile Baudin qu’avec appétit.

    /5