Le Dernier Festin des vaincus

3 votes

  • 8/10
    La critique dithyrambique de El Marco, m’a donné envie de découvrir cette histoire. Bien m’en a pris. Je partage également ce sentiment qu’il s’agit avant tout de l’exposition d’une situation scandaleuse : l’acharnement de la civilisation blanche sur les populations autochtones au Canada, leur volonté de les contrôler en détruisant leur culture originelle. Le poids du puissant écrasant le plus faible, le vaincu…
    Néanmoins, ce n’est absolument pas un réquisitoire culpabilisant. Estelle Tharreau nous dépeint une intrigue laissant une bonne place aux personnages. Parmi eux, un enquêteur au profil assez original, en effet pour une fois, nous sommes face à un fonctionnaire qui vit très bien le « pas de vagues », pas d’excès de zèle mais qui a juste envie de faire son travail de la façon la plus honnête et régulière qui soit. Il est redoutable ! on s’y attache et on aurait aimé le suivre (je ne pense pas que ce soit prévu, malheureusement).
    En somme, l’auteur a un style très fluide, plutôt épuré, les chapitres sont courts et le récit avance vite. Une lecture confortable, une histoire bien construite, un contexte dépaysant, du noir ce qu’il faut …et une lectrice captivée... elle aussi dans l’œil du caribou.

    02/04/2024 à 19:16 Alice (318 votes, 7.5/10 de moyenne) 4

  • 9/10 Nul ne sait où est passée Naomi Shehaan, seize ans, membre de la réserve indienne de Meshkanau. Sur place, la misère est endémique, l’addiction à la drogue et à l’alcool également, et l’on ne compte plus les disparitions ainsi que les cas de violences à l’égard des femmes autochtones. Cette affaire paraît presque anodine, d’autant que l’on apprend qu’un projet visant à construire une scierie alimentée par une grande route, va bientôt se concrétiser au grand dam des habitants. Pour comprendre ce qui s’est passé, trois personnages vont, à des degrés variés, remonter la piste de l’adolescente et aboutir à la révélation d’une terrible succession de faits sordides.

    Autant être honnête dès le début : à Polars Pourpres, on adore Estelle Tharreau. Ses romans tels Mon Ombre assassine, La Peine du bourreau, Les Eaux noires ou encore Il était une fois la guerre nous ont tellement plu que l’on attendait avec impatience son nouvel ouvrage, et le moins que l’on puisse dire, c’est que celui-ci est excellent. Une ambiance sombre, servie avec intelligence par une plume remarquable. Un style très réussi dans un cadre original, mettant en lumière de froides ténèbres et une belle galerie d’individus. On y trouve ainsi Logan Robertson, jeune policier un peu effacé, qui n’a strictement rien du héros et qui tient simplement à effectuer honnêtement son travail ; Nathan Lebel, fils d’un potentat local propriétaire d’un beau chalet où il semble se dérouler des événements peu reluisants ; Alice Tremblay, compagne de Nathan qui, même si elle est indienne, est en conflit avec elle-même ainsi qu’avec ses origines. L’histoire est aussitôt addictive et les chapitres très courts – rarement plus de trois pages – impriment un tempo relevé. Le récit s’avère efficace, proposant de multiples fausses pistes, au point que l’identité de l’assassin livrée à la fin du roman en surprendra plus d’un. Mais ce qui marque le plus dans cet opus, c’est finalement que les personnages paraissent presque en retrait malgré leurs belles caractérisations humaines : ils s’effacent au profit d’un tableau plus global où presque tous ont leur part de responsabilité – voire de culpabilité – dans la mort de Naomi. Pauvreté, incestes, viols, magouilles, dépendances narcotiques et alcooliques, affaires abjectes passées sous silence et autres lâchetés composent alors les mécanismes d’un ignoble engrenage.

    Une fois de plus, Estelle Tharreau signe un thriller mêlé d’éléments dignes du roman noir de haute volée. Un magnifique réquisitoire contre les veuleries et vices de l’âme humaine qui se double d’une excellente intrigue, où l’ultime phrase vient donner son titre à ce livre puissant.

    15/03/2024 à 06:56 El Marco (3432 votes, 7.2/10 de moyenne) 6

  • 7/10 En bref, le nouveau thriller d'Estelle Tharreau est arrivé ! Une plume fluide et engagée, une intrigue captivante pour un très bon moment de lecture.

    Après la peine de mort dans "La peine du bourreau" et l'abandon des vétérans de guerre dans "Il était une fois la guerre", l'auteure s'attaque au racisme et à l'assimilation culturelle.

    J'ai beaucoup aimé cette lecture dans son ensemble, mais quelques points m'ont perturbée. Tout d'abord, j'ai eu du mal à cerner le personnage masculin de Nathan, jeune blanc un peu rebelle qui se bat contre le racisme anti autochtones. Son discours envers Alice, qui est elle-même issue d'une famille de la réserve indienne, m'a semblé très culpabilisant, à la limite du mansplaining parfois...

    J'ai lu récemment "Pour l'honneur de tous les miens" de A. Skenandore. Les deux histoires ne sont pas du tout dans le même registre puisque Estelle Tharreau verse vraiment dans le thriller plus que dans le roman historique, mais traitent cependant le même sujet. Ici, il m'a manqué une certaine émotion, qui avait permis de me sentir révoltée par la situation des autochtones, par cette acculturation et ses conséquences que l'homme blanc leur inflige.

    Néanmoins, Estelle Tharreau signe une intrigue maîtrisée et vraiment captivante. On veut savoir ce qu'il est arrivé à Naomi, notre victime.
    « Au Canada, une autochtone a dix fois plus de risque de se faire assassiner qu'une autre femme. » Ce constat, asséné en guise d'ouverture de roman, est là pour nous rappeler que dans certains milieux, les femmes et d'autant plus les femmes racisées ne sont pas en sécurité, que grouillent autour d'elles des hommes violents, cupides et misérables n'attendant que le meilleur moment pour frapper...

    03/02/2024 à 09:39 Riz-Deux-ZzZ (500 votes, 6.9/10 de moyenne) 2