Jim Thompson. Coucher avec le diable

(Jim Thompson. Sleep with the Devil)

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  • 8/10 Cette biographie d'un des plus grands auteurs du roman noir tient toutes ses promesses, s'attardant sur la vie de famille de Thompson, les petits métiers qu'il a été contraint d'accepter pour parvenir à joindre les deux bouts, ses désillusions de romancier et de scénariste, et surtout les obsessions qui hantent ses histoires. Chaque livre est décortiqué, longues citations à l'appui, et replacé dans son contexte tant du point de vue de son œuvre dans sa globalité que des thématiques abordées.
    L'accent est mis sur ce que l'auteur considère comme les causes profondes du mal-être de Thompson : ses rapports difficiles avec un père qu'il plaçait sur un piédestal, mais qui le rabaissait à chaque occasion quand il était jeune, la rupture avec la femme qu'il aimait (et qui semblait être l'une des seules personnes à pouvoir le comprendre), et enfin le traumatisme causé par la mort dans un hospice sordide de son père, alors qu'il lui avait promis de revenir le chercher dès qu'il aurait un peu d'argent. De là viendraient son complexe d'infériorité, ses hantises, son sentiment d'échec inévitable quoi qu'il fasse, qui vont être à l'origine de quelques-uns des romans noirs les plus percutants et les plus subversifs qui soient. Malgré cette réussite littéraire posthume, le livre se referme sur une impression de gâchis pour un écrivain qui a toujours couru le cachet pour survivre, obligé de porter un masque parce que les autres ne pouvaient pas le comprendre, parce que la société dans laquelle il vivait et qu'il incendie à longueur de pages ne lui permettait pas d'être lui-même. Un écrivain qui s'est aussi appliqué avec constance à se torpiller tout seul, à la fois ambitieux et convaincu qu'il ne réussirait jamais.
    Seuls petits défauts du livre : quelques longueurs lors du décorticage de certains romans et le sentiment de parfois passer du coq à l'âne sans transition, en particulier dans la deuxième partie. Dommage aussi que les renseignements sur la vie personnelle de Thompson soient concentrés sur ses premières années d'auteur (Ici et maintenant, Avant l'orage) et qu'ils se limitent souvent par la suite à son alcoolisme notoire. Mais ce ne sont au final que des petites frustrations, rien qui ne vienne gâcher la lecture. Attention tout de même, mieux vaut connaître quelques romans de Thompson avant d'entamer cette biographie - en particulier Le démon dans ma peau - au risque de s'y perdre.

    10/04/2011 à 11:21 Horatio (294 votes, 7.5/10 de moyenne)