Londres, 1782. Caroline Corsham retrouve dans un jardin où se jouent des parties fines son amie, Lucy Loveless, mourante. Elle a été poignardée à de multiples reprises et n’a le temps, avant de décéder, que de confier : « Il sait ». Décidée à mener l’enquête, Caro engage Peregrine Child, un « attrape-voleurs », l’équivalent d’un détective privé, afin de comprendre ce que la défunte a voulu dire et qui l’a assassinée. Mais il existe des secrets tabous, si interdits que l’on est prêt à tout pour les conserver cachés, quitte à tuer.
Après l’excellent Blood & Sugar, Laura Shepherd-Robinson nous revient avec ce deuxième roman qui est au moins aussi bon que le précédent. Bâti sur une documentation plus que solide, l’écrivaine nous offre une radioscopie sidérante de la société anglaise du XVIIIe siècle, dont les plus profondes strates, miséreuses et volontairement prostituées pour échapper à cette indigence, côtoient une noblesse et une bourgeoisie qui ne demandent qu’à s’encanailler. Usant d’une langue délicate et raffinée qui sied parfaitement à l’époque, l’auteure nous propose un large éventail de personnages, tous très contrastés et dont on finit, chapitre après chapitre, par découvrir la profondeur psychologique ainsi que des failles dont on n’aurait pas pu se douter de prime abord. Si Caro – que l’on avait déjà croisée dans le premier ouvrage de Laura Shepherd-Robinson – est une femme déterminée et courageuse, elle tente de cacher comme elle le peut qu’elle est enceinte d’un autre homme que son mari, parti en Amérique. Peregrine Child n’a rien non plus du détective intrépide et exemplaire : alcoolique, surendetté, il n’accepte cette mission confiée par la jeune femme que pour échapper au courroux de son créancier, et ce n’est d’ailleurs que vers la fin du livre que l’on apprend le sort tragique qu’ont subi son épouse et son fils. Il y a encore bien d’autres individus interlopes dans ce récit, du peintre Jacob Agnetti qui semble dissimuler des trésors de barbarie et dont la femme a disparu, au lieutenant Edward Dodd-Bellingham, séducteur patenté et ancien héros de guerre, en passant par Lucy Loveless, la victime, qui faisait croire qu’elle était d’une haute extraction italienne, et Ambrose Craven, le propre frère de Caro, qui a également un lourd secret à dissimuler. Au-delà de l’aspect purement policier, ce roman se distingue aussi par certaines ambiances, lourdes, délétères, presque asphyxiantes, de cette société que nombre d’auteurs nous ont déjà dépeinte comme exemplaire et vertueuse. Où l’âge de consentement sexuel était de douze ans. Où « une fille de quinze ans [était] vendue aux enchères comme de la viande de cheval ». Où l’on pensait encore que la syphilis pouvait être soignée par l’accouplement avec des vierges. Et ce n’est que dans les derniers chapitres que la résolution de l’affaire apparaît, venant apporter une lumineuse conclusion à cette intrigue si dense, savamment bâtie et menée avec maestria.
Un nouveau coup de maître pour Laura Shepherd-Robinson qui panache avec un succès indéniable le whodunit, le roman sombre et le genre historique. Dans le genre, un bijou. Noir, forcément.
Londres, 1782. Caroline Corsham retrouve dans un jardin où se jouent des parties fines son amie, Lucy Loveless, mourante. Elle a été poignardée à de multiples reprises et n’a le temps, avant de décéder, que de confier : « Il sait ». Décidée à mener l’enquête, Caro engage Peregrine Child, un « attrape-voleurs », l’équivalent d’un détective privé, afin de comprendre ce que la défunte a voulu dire et qui l’a assassinée. Mais il existe des secrets tabous, si interdits que l’on est prêt à tout pour les conserver cachés, quitte à tuer.
Après l’excellent Blood & Sugar, Laura Shepherd-Robinson nous revient avec ce deuxième roman qui est au moins aussi bon que le précédent. Bâti sur une documentation plus que solide, l’écrivaine nous offre une radioscopie sidérante de la société anglaise du XVIIIe siècle, dont les plus profondes strates, miséreuses et volontairement prostituées pour échapper à cette indigence, côtoient une noblesse et une bourgeoisie qui ne demandent qu’à s’encanailler. Usant d’une langue délicate et raffinée qui sied parfaitement à l’époque, l’auteure nous propose un large éventail de personnages, tous très contrastés et dont on finit, chapitre après chapitre, par découvrir la profondeur psychologique ainsi que des failles dont on n’aurait pas pu se douter de prime abord. Si Caro – que l’on avait déjà croisée dans le premier ouvrage de Laura Shepherd-Robinson – est une femme déterminée et courageuse, elle tente de cacher comme elle le peut qu’elle est enceinte d’un autre homme que son mari, parti en Amérique. Peregrine Child n’a rien non plus du détective intrépide et exemplaire : alcoolique, surendetté, il n’accepte cette mission confiée par la jeune femme que pour échapper au courroux de son créancier, et ce n’est d’ailleurs que vers la fin du livre que l’on apprend le sort tragique qu’ont subi son épouse et son fils. Il y a encore bien d’autres individus interlopes dans ce récit, du peintre Jacob Agnetti qui semble dissimuler des trésors de barbarie et dont la femme a disparu, au lieutenant Edward Dodd-Bellingham, séducteur patenté et ancien héros de guerre, en passant par Lucy Loveless, la victime, qui faisait croire qu’elle était d’une haute extraction italienne, et Ambrose Craven, le propre frère de Caro, qui a également un lourd secret à dissimuler. Au-delà de l’aspect purement policier, ce roman se distingue aussi par certaines ambiances, lourdes, délétères, presque asphyxiantes, de cette société que nombre d’auteurs nous ont déjà dépeinte comme exemplaire et vertueuse. Où l’âge de consentement sexuel était de douze ans. Où « une fille de quinze ans [était] vendue aux enchères comme de la viande de cheval ». Où l’on pensait encore que la syphilis pouvait être soignée par l’accouplement avec des vierges. Et ce n’est que dans les derniers chapitres que la résolution de l’affaire apparaît, venant apporter une lumineuse conclusion à cette intrigue si dense, savamment bâtie et menée avec maestria.
Un nouveau coup de maître pour Laura Shepherd-Robinson qui panache avec un succès indéniable le whodunit, le roman sombre et le genre historique. Dans le genre, un bijou. Noir, forcément.