Guerre sale

  1. Lola et Ingrid à la recherche du meurtrier de Toussaint Kidjo

    Un corps méconnaissable est retrouvé à la piscine de Colombes. La victime a été brûlée vive, un pneu autour du cou, à la manière des pires tortures haïtiennes. L'homme est rapidement identifié. Il s'agit de Florian Vidal, un jeune et prometteur avocat parisien spécialisé dans les relations franco-africaines. Le commandant Sacha Duguin est chargé de l'enquête.
    L'information sur cette mort atroce parvient rapidement aux oreilles de Lola Jost, qui n'en revient pas. Pour l'ex-commissaire, cette affaire a incontestablement un rapport avec la mort de Toussaint Kidjo. Cinq ans plus tôt, son collègue avait subi le même sort funeste, et malgré tous les efforts déployés par Lola, l'enquête n'avait jamais abouti, provoquant même le départ anticipé à la retraite de la policière, profondément touchée par ce décès. Très proche de Toussaint, Lola va tout faire pour découvrir la vérité.

    Guerre sale marque le grand retour aux affaire du duo Jost/Diesel, le binôme récurrent et sympathique de Dominique Sylvain. Lola est une policière à la retraite au caractère bien trempé, à laquelle les habitants n'hésitent pas à demander un coup de main pour résoudre leurs problèmes. Ingrid, quant à elle, est une magnifique Américaine qui gagne sa vie de jour (en tant que masseuse) comme de nuit (en s'effeuillant sur la scène d'un cabaret parisien). A elles deux, elles forment un tandem de détectives de choc qui a résolu de nombreuses affaires, dans Passage du désir et L'absence de l'ogre notamment. On retrouve aussi le commandant Sacha Dugain, un admirateur de Sun Tzu qui cite L'Art de la Guerre dès qu'il en a l'occasion. Celui qui est par ailleurs l'ex d'Ingrid est toujours accompagné de son jeune collègue Ménard. L'auteur aime bien ses personnages, cela se sent, et ceux-ci le lui rendent bien. Chacun d'eux est unique et tous sont très bien dépeints, y compris les personnages (très) secondaires. Certains sont graves, d'autres plus comiques, comme Luce Chéreau, la policière nymphomane ou Arthur, un cousin de Ménard que Sacha a embauché pour repeindre sa maison. Les travaux s'éternisent et le pseudo-peintre, qui vide plus de packs de bière que de pots de peinture, commence sérieusement à énerver l'inspecteur, ce qui donne lieu à quelques scènes cocasses et mémorables. Ainsi, l'humour ne manque pas, en particulier dans les dialogues, très savoureux, surtout quand Ingrid essaie de comprendre les subtilités de la langue française.
    Pourtant, l'atrocité du crime et les sujets abordés ne prêtent guère à la rigolade. Vidal était le bras droit de Richard Gratien, l'avocat incontournable des relations franco-africaines, et l'enquête semble rapidement s'orienter vers les affaires de la Françafrique. Le meurtre a-t-il un rapport avec l'un de ces gros contrats sur lesquels les deux hommes travaillaient ? L'écriture caractéristique de Dominique Sylvain fait une fois de plus merveille : elle est limpide, sans fioritures, et l'auteur va même jusqu'à soigner les transitions entre les chapitres pour le plus grand plaisir du lecteur. Pour autant, cela n'est jamais fait au détriment de l'intrigue, assez complexe mais efficace, qui tient en haleine du début à la fin... et même un peu plus.

    Auteur d'une douzaine de romans, Dominique Sylvain, assurément l'une des plus belles voix du polar français actuel, signe avec Guerre sale un texte enlevé, dans la lignée des précédents, et sans doute même un ton au-dessus. Vivement la suite !

    /5