Colère du présent

  1. Les barricades d'Arras

    À Arras, chaque premier mai a lieu un salon qui regroupe tout ce que la région compte d'anarchistes, gauchistes, libertaires, écologistes, etc. Sauf que cette fois-ci, quand les tréteaux commencent à être rangés, des barrières se dressent et la ville devient un fortin imprenable. Il semblerait que les agitateurs veulent en faire une cité libre, autogérée. Mais les autorités ne l'entendent pas de cette oreille et c'est bientôt l'armée qui s'apprête à entrer dans la danse pour briser la rébellion.

    Auteur culte de romans policiers engagés, Jean-Bernard Pouy est un écrivain illustre, et l'on retrouve dans cet ouvrage ce qui a fait l'arôme de ses précédents opus : de fortes revendications sociales et politiques, un humour qui ne peut laisser de glace, et une imagination débordante. Le récit est très court, le rythme échevelé, et l'action ne manque pas, notamment grâce à une belle alternance des points de vue. Néanmoins, on a connu Jean-Bernard Pouy plus inspiré ; si la situation de départ est certes originale et alléchante, le déroulement de l'histoire est un peu décevant, et les motivations des séditieux ne sont que survolées. On a parfois l'impression tenace que la concision du roman lui empêche de prendre un éventuel envol lyrique et narratif. Par ailleurs, même si les protagonistes sont croustillants, ils sont un peu convenus et demeurent caricaturaux. En fait, tout dépend de la manière dont on appréhende cette histoire : si l'on veut passer un bon moment et rire des saillies humoristiques du créateur de la série consacrée au Poulpe, le service est assuré. Cependant, si le lecteur s'attendait à une forte charge politique, un ouvrage qui remue les sangs en proposant une véritable offensive contre l'ordre établi, il risque d'être déçu.

    En résumé, si Colère du présent est très agréable à lire, il constitue toutefois une petite déception. Ce livre de Jean-Bernard Pouy aurait probablement gagné à être plus profond ou noir. Il est certes amusant et atypique, mais n'atteint pas le niveau de Nous avons brûlé une sainte, Train perdu wagon mort ou Les compagnons du veau d'or.

    /5