Le signal

(The Signal)

  1. Sur la même longueur d'onde ?

    Lorsqu'elle était encore une jeune fille, Vonnie passait ses étés au ranch tenu par le père de Mack. Sa famille, aisée et citadine, y venait pour décompresser et profiter du grand air. Mack lui a appris à découvrir la beauté du Wyoming. Peu à peu, une complicité est née, puis l'amour, concrétisé par le mariage. Tous les ans en septembre, ils randonnaient quelques jours, entre montagnes, lacs et forêts. Mack a ensuite connu des problèmes d'argent et d'alcool, et leur amour s'est abîmé. A force d'accepter des jobs douteux, il a fini par aller en prison et Vonnie a demandé le divorce avant de refaire sa vie. Fidèles à leur promesse de jeunesse, ils décident de se retrouver, une dernière fois, le temps de leur randonnée annuelle.
    Pour ne pas avoir à vendre le ranch, Mack accepte une mission quelque peu suspecte. Armé d'un récepteur de signal GPS, il doit retrouver une mystérieuse balise, perdue de vue après un survol, dans l'immensité de la région. Il est alors loin de se douter que ses ennuis – et ceux de Vonnie, à qui il a caché la chose – ne font que commencer.

    La quatrième de couverture prévient le lecteur qu'il sera mené « au paroxysme de l'angoisse » et promet, bandeau à l'appui, « un suspense à couper le souffle ». Disons-le clairement, de suspense, il n'y en a pas (ou très peu) pendant une bonne moitié du roman. Ensuite, il est vrai, les évènements s'accélèrent, l'action est beaucoup plus présente et le lecteur se prend à tourner les pages plus rapidement, pressé de savoir ce qu'il va advenir des personnages et avide de connaître le fin mot de l'histoire.
    Si le suspense tant annoncé met du temps à se faire jour, le roman n'en est pas moins intéressant auparavant. Ron Carlson prend le temps d'installer ses personnages et campe le décor dans lequel ceux-ci vont eux-mêmes camper. Paru dans la collection « Nature Writing » de Gallmeister au même titre que Sukkwan Island de David Vann, Le signal est avant tout un superbe roman sur la nature. Les descriptions des grands espaces du Wyoming sont magnifiques et invitent au voyage. La plume de l'auteur fait mouche et lorsque Mack et Vonnie se posent sur le bord d'un lac de montagne pour taquiner la truite, difficile pour le lecteur de ne pas ressentir une soudaine envie de pêcher, quand bien même il n'aurait jamais touché une canne à pêche de sa vie.
    Le signal est aussi un très beau roman d'amour. Celui d'un amour un jour brûlant dont il ne reste plus aujourd'hui que des braises, quelque peu ravivées par le vent de septembre. Au cours de cette dernière randonnée, Mack et Vonnie vont se retrouver mais aussi se détester. Leur relation demeure en tout cas très sincère et touche le lecteur. De ce fait peut-être, il se dégage de ce roman une grande douceur alors même que les protagonistes – et donc le lecteur – sont parfois confrontés à une violence certaine.

    On regrettera au final la mise en avant excessive d'un suspense somme toute assez relatif, qui ne peut que desservir le livre et décevoir le lecteur. Pour autant, Le signal est un très beau roman mariant la pureté des sentiments à la majesté de la nature. En ce sens, l'écriture de Ron Carlson n'est pas sans rappeler celle de Gerard Donovan dans Julius Winsome.

    /5