Place aux immortels

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  • 8/10 Ce n’est pas tant un roman sur la guerre, qu’un roman sur les hommes en période de guerre et sur leur humanité, leur sens du devoir et leur héroïsme. Une humanité belle dans sa banalité (apparente), une belle humanité ordinaire, et un héroïsme sans sirène ostentatoire, sans effet voyant, sans fioritures. Bref, l’humanité et l’héroïsme dans leur simplicité, leur sobriété. Et ce refus de tomber dans le piège sensationnaliste (alors que nous sommes dans les tranchées de la guerre de 14-18 et que l’explosion des émotions et des actes de bravoure s’y prêteraient) n’enlève rien, au contraire, à la justesse du récit. À la guerre, qu'on se le dise, il y a surtout beaucoup d’attente et beaucoup d’ennui aussi. De multiples et infimes choses qui régentent ces vies effrayées, cette belle solidarité des hommes, leur courage, mais également leurs grandes peurs, et leurs petites lâchetés. A ce titre, j’ai aussi apprécié cette autre dimension, cette espèce de lutte de classes, ces autres guerres, intestines et qui sévissaient à l’intérieur de la Grande.
    Alors oui, PLACE AUX IMMORTELS met un certain temps pour se mettre en place (150 pages), mais cela s’avère nécessaire et favorise cette immersion de par la précision des informations qui donne ce réalisme. Peu de scènes d’action en définitive, comme un refus de trop « spectaculariser » ou de surenchère (peu d’effusion de sang, les morts eux-mêmes sont annoncés avec une certaine fatalité) pour davantage insister sur le quotidien parfois routinier et la vie à l’intérieur d’un groupe. J’ai aimé cette forme d’intimité, cette proximité qui donne au lecteur ce sentiment de faire partie de cette famille de combattants. D’être à leurs côtés. Cela chagrinera peut-être des lecteurs en quête de scènes fortes en adrénaline. Moi, j’ai trouvé ça encore plus proche de la réalité (que je m’imagine). À ce titre, j’invite quiconque à regarder un film de Sam Mendes, Jarhead : La Fin de l’innocence.
    Alors, certes, lorsque l’enquête du prévôt Cognard démarre, le rythme s’accélère, mais qu’on se le dise, la découverte du ou des coupables n’est clairement pas le coeur du roman qui là encore se fixe sur les relations entre les hommes, la guerre comme l’enquête ne servent qu’à mettre en lumière leur dualité intime, intérieure et extérieure.
    Forcément, le roman doit beaucoup à son personnage principal, héros anticonformiste à souhait parce que justement idéaliste, ce Don Quichotte (son cheval Rossinante, mais les chats sont aussi à l’honneur !), féru de justice et de vérité. Au milieu de cette guerre, des humiliations, de l’autoritarisme imbécile des plus hauts gradés, Léon Cognard dénote et détonne par son optimisme, son « management » faussement permissif, ses talents oratoires, son respect pour chacun de ses subalternes, son humilité, son érudition (un amoureux des lettres), sans oublier sa délicieuse impertinence.
    L’auteur soigne aussi ses personnages secondaires (Bellec fidèle compagnon plein de panache !), et même les moins sympathiques sont traités sans caricature, avec toute leur complexité mais aussi leur vérité ce qui fait qu’on ne les déteste pas vraiment (comme Tanguy ou Testard).
    Et c’est bien là la grande force du roman : son rejet de toute forme de manichéisme.
    Je remercie l’auteur, Patrice Quélard.
    Grâce à lui, j’ai passé un bien agréable moment et pour un lecteur comme moi, c’est suffisant. Il m’a, non pas rappelé, mais conforté ce que je m’efforce à défendre depuis toujours à savoir que le classicisme et la linéarité d’un récit est mille fois préférables à celui qui va empiler les rebondissements ad nauseam mal fagotés et aux twists finaux à répétition pour (bien mal) dissimuler une écriture souvent médiocre et des personnages taillés à la serpe.
    Si je devais faire un seul véritable reproche, il ne serait pas à mettre au crédit de l’auteur, mais du choix « mercantile » de l’estampiller thriller.
    Ce serait presque offensant de le définir ainsi quand on sait combien la pauvreté formelle parsème la majeure partie des thrillers français où l’intrigue semble n’être la seule préoccupation au détriment de tout ce que doit être un roman.
    PLACE AUX IMMORTELS est donc un roman historique vaguement policier mais surtout une jolie déclaration d'amour à une corporation ; un roman d’une qualité et d'une exigence comme on n’en voit pas si fréquemment, justement récompensé « Prix du roman de la Gendarmerie Nationale ».
    Parce que, de temps en temps, il y a une justice.

    23/09/2024 à 19:15 schamak (112 votes, 6.2/10 de moyenne) 3

  • 8/10 Très bon récit de la place de la gendarmerie pendant la première guerre mondiale. Des personnages attachants, d'autres beaucoup moins, des animaux, un cheval et un chat, qui ont une belle place dans l'histoire... Et au fil des pages, cette tuerie inutile... Un très bon moment de lecture !

    18/01/2023 à 12:50 Franck 28 (726 votes, 7.7/10 de moyenne) 5