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10/10 C'est avec une grande tristesse que j'ai refermé ce livre. Au dernier chapitre, j'essaie de tourner le moins rapidement possible les pages pour retenir le temps de cette histoire. Mais je veux savoir jusqu'où l'auteur va nous emmener et j'ai tendance à les tourner plus vite, trop vite. Les lettres dansent devant mes yeux. Mais ce n'est pas grave car je sais que, comme presque tous les chapitres qui ont précédés ces dernières pages, je le relirai une seconde fois, certains passages une troisième fois en prenant des notes pour garder en moi les mots, la tendresse, la poésie d'Andreï Makine! Cet auteur que je commence à bien connaître qui prend le temps de dessiner ses personnages, leur environnement. Andreï Makine est aussi un grand nostalgique, il faut profiter de ces sentiments qui débordent de chaque phrase et qui décrivent son monde d'une façon tellement belle et subtile.
Nous le retrouvons dans son pays d'origine, la Sibérie, sans doute fin 1969, début 1970 mais cette fois, ce n'est pas dans la taïga comme dans le dernier livre que j'avais lu, “L'archipel d'une autre vie” qu'il nous emmène mais dans une ville qu'il ne nomme pas, dans un quartier dit du « Bout du diable » “peuplé d'anciens prisonniers, d'aventuriers fourbus, de déracinés égarés qui n'ont pour biographie que la géographie de leurs errances." Il est accueilli là par une petite communauté de familles arméniennes venues soulager le sort de leurs proches transférés et emprisonnés en ce lieu, à 5 000 kilomètres de leur Caucase natal, en attente de jugement pour « subversion séparatiste et complot anti-soviétique » parce qu'ils avaient créé une organisation clandestine se battant pour l'indépendance de l'Arménie. C'est là qu'il fait connaissance de son ami, Vardan; sa soeur, Gulizar, "belle comme une princesse du Caucase qui enflamme tous les coeurs” mais ne vit que dans la dévotion à son mari emprisonné ; Sarven, le vieux sage de la communauté; Vardan, un adolescent ramassant sur une voie de chemin de fer une vieille prostituée enivrée qu'il protège avec délicatesse; une brute déportée couvant au camp un oiseau blessé qui finira par s'envoler au-dessus des barbelés : autant d'hommages à ces « copeaux humains, vies sacrifiées sous la hache des faiseurs de l'Histoire. » le narrateur, Andreï Makine, a à l'époque 13 ans et vit dans un orphelinat, il devient rapidement le garde du corps de son ami arménien, Vardan , qui souffre de la « maladie arménienne » qui menace de l'emporter.
J'ai lu dans une chronique que l'auteur ne serait sans doute pas devenu l'homme qu'il est sans cette rencontre avec cet ami arménien, Vardan, que je ne suis pas prête d'oublier. Possible. Mais le fait de vouloir le protéger, de prendre des coups pour le défendre, de vouloir mieux le connaitre, d'essayer de comprendre "sa vérité", sa vision (le plus bel exemple est lorsqu'il lève son bras en disant qu'il touche le ciel qui commence "sous les semelles des vagabonds"), de se retrouver en prison à l'âge de 13 ans pour protéger son ami et ses proches me font penser que le jeune Andreï était déjà un être exceptionnel, aussi sensible que l'écrivain qu'il est devenu!
J'ai donc lu ce livre deux fois, la première assez rapidement portée par ma curiosité et une seconde fois, lentement, pour savourer l'instant, les mots, par envie de rester encore en cette fin d'été aux côtés de Monsieur Makine et ses amis "du royaume d'Arménie" en Sibérie et c'est avec non pas une mais des larmes que j'ai refermé cette merveille de la littérature hier soir, touchée par cette beauté, cette humanité et ce charme innocent de ces deux adolescents.
Je n'ai qu'un conseil: LISEZ CE LIVRE!23/09/2021 à 20:19 Lucrese1 (1 vote, 10/10 de moyenne) 4