La Disparition de Perek

  1. Opération « Zeus Faber »

    Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, lit un fait divers tragique dans un journal. Le cadavre du jeune Philippe Perek vient d’être retrouvé, mutilé et carbonisé. Seul l’un de ses bras a survécu au massacre, et la police a retrouvé de la cocaïne au domicile du défunt. La victime étant un orphelin comme Gabriel, le sang de céphalopode de ce dernier ne fait qu’un tour et il sent déjà qu’il y a de la manipulation derrière tout cela.

    Cet ouvrage, extrait de la série consacrée au Poulpe, a été publié pour la première fois en 1997, et les éditions Gallimard ont eu la riche idée de le rééditer vingt-cinq ans plus tard dans la collection Folio policier. Depuis cette époque, Hervé Le Tellier a fait du chemin, notamment en emportant le prix Goncourt en 2020 pour L’Anomalie. Comme expliqué dans l’habile préface, Jean-Bernard Pouy avait clairement édicté le cahier des charges de la série : « Un « Poulpe », ça se pond en deux mois, ou tu oublies. » De la littérature décomplexée, accessible et divertissante, donc, et l’on retrouve ici ces caractéristiques : une histoire de prime abord simple, des personnages colorés, une intrigue policière nerveuse, et la messe est dite. Oui, mais réduire cet opus à ces seuls qualificatifs serait hautement simplificateur, voire faux. On se retrouve ici avec un scénario bien plus riche et sombre qu’habituellement, avec de sacrées ramifications dans les hautes sphères de la société, un complot médical qui fait froid dans le dos et la présence de personnages particulièrement patibulaires et criminels. Il y a bien quelques touches d’humour au gré du récit, mais Hervé Le Tellier a clairement opté pour un noir quasi intégral, que très peu de jeux de mots ou de galéjades viennent éclairer. Dans le même temps, le lecteur observera que son enquêteur libertaire préféré n’est pas seul pour mener son investigation, aidé par les amis du défunt, un légiste facétieux et ancien militant trotskyste, ainsi que par des motards capables d’agir comme un véritable commando.

    Le Poulpe, c’est la madeleine de Proust de tout amateur de littérature policière distrayante. Florian P. Dennisson avait ressuscité le personnage dans son très bon Teleski qui croyait prendre en 2016, et l’on ne peut que se réjouir que ce protagoniste nous revienne, via des rééditions ou des résurrections ponctuelles.

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