La Peine du bourreau

  1. Les dernières heures d’un condamné

    Thompson, gouverneur du Texas, a trente-quatre ans et il hésite : doit-il gracier le détenu Ed 0451 ? Il ne reste à ce condamné à mort que quatre heures avant l’injection léthale. Pour affiner son opinion, il fait appel à McCoy, bourreau de l’Etat, afin d’obtenir son expertise. Le compte à rebours est lancé, mais Thompson ignore que cette nuit sera moralement l’une des plus pénibles de son existence.

    Estelle Tharreau nous a déjà régalés avec des ouvrages remarqués comme De la terre dans la bouche, Mon Ombre assassine, Les Eaux noires ou encore Il était une fois la guerre. Ce livre panache le roman noir et le thriller, sans oublier une magnifique étude psychologique. Voilà donc le gouverneur Thompson en proie au doute : que doit-il décider d’Ed 0451 ? Celui-ci a commis cinq meurtres et à l’extérieur de la prison, les défenseurs de la peine capitale comme ses pourfendeurs s’agitent et sont prêts à s’affronter. McCoy détient une partie de la vérité : si Ed est un assassin multirécidiviste ayant accepté de mourir, il n’est pas le tueur psychopathe que l’on pense. Ses victimes ? Un juge sans cœur ayant condamné à mort tant d’individus sans que cela ne lui pose le moindre problème déontologique, un avocat sans scrupule, une femme ayant épousé une brute psychopathe afin de faire parler d’elle, etc. Parallèlement, McCoy se livre : il a côtoyé des monstres qui méritaient amplement leur sort autant que des malheureux broyés par la machine judiciaire, sans véritable différenciation, avec le sentiment du devoir accompli mais avec une éthique qui a fini par s’effriter avant de tomber en morceau. On pouvait craindre un énième livre sur la peine de mort – le sujet demeure passionné et passionnant –, n’apportant aucun regard critique ni originalité dans ce débat, mais ça serait mal connaître Estelle Tharreau. Le propos est remarquable d’intelligence, d’objectivité, d’humanité et de rigueur. Les divers exemples, probablement inspirés de faits réels, autant que les multiples détails et autres éléments documentaires constellant son histoire ont permis à l’auteure de produire un brillant réquisitoire contre ce châtiment extrême sans jamais tomber dans les poncifs du genre. De nombreux passages resteront longtemps en mémoire, intelligemment mis en scène et interprétés avec tact et miséricorde, ainsi que le portrait d’Ed, ayant décidé de prendre les armes pour abattre de son Remington 870 les créatures prétendument vertueuses mais en réalité bien plus nuisibles que celles qu’elles combattaient. Et il y a ce final, habile et au moins aussi ingénieux que le reste du roman.

    Un ouvrage court et mémorable, jalonné de personnages en proie à l’incertitude, transmettant leurs légitimes perplexités et scrupules aux lecteurs. Estelle Tharreau nous offre ainsi le magnifique instantané d’une société malmenée par ses contradictions. C’est à la fois palpitant et corrosif.

    /5