L'abîme qui sépare un auteur de son œuvre est souvent d'une profondeur vertigineuse. Rabelais ne présente pas grand-chose de commun avec ses créations gigantesques. Sade n'a pas accompli un pour cent des aberrations sexuelles qu'il décrit dans ses romans. De même, entre Joseph Sheridan Le Fanu et certaines parties de son œuvre, la contradiction est flagrante. La question est simple : pourquoi un homme, indéniablement religieux, a-t-il pu aborder si souvent le thème du défi à Dieu, voire de la tentation athée ? Comment est-il si bien parvenu à créer tant de personnages qui bafouent ouvertement la religion en passant un pacte avec le diable ou au contraire embrassent un scepticisme bien éloigné de toute croyance.
Les six nouvelles présentes ici, dont certaines inédites, témoignent de l'étonnante force de Le Fanu qui parvient à nous faire sentir le souffle du mal avant même l'apparition du diable. La nouvelle titre est un concentré de scènes et d'images puissantes, le malin et son envoyé sur terre vont peu à peu prendre possession des habitants d'une maison. Chaque apparition du locataire avec son abominable masque respiratoire est ponctuée par le franchissement d'un nouveau degré d'horreur. Le narrateur, maladivement sceptique, ne peut faire appel aux forces du bien auxquelles il ne croit pas. Sa femme, pieuse, ne pourra elle-même bientôt plus prier. Dans Le familier au contraire, il nous sera impossible de savoir si celui qui traque le capitaine Barton est un dément, une nouvelle incarnation du diable ou une victime qui veut se venger.
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Soumis le 14/07/2020 par LeJugeW