La Confidente

(The Secretary)

  1. Madame est asservie

    Christine Butcher rentre au service de Mina Appleton, dirigeante des supermarchés anglais du même nom. D’abord simple secrétaire, Christine devient graduellement une personne incontournable, quelqu’un qui s’occupe à la fois de la vie professionnelle et privée de sa patronne, au point d’accéder au rang de bras droit. De beaux sentiments unissent les deux femmes, mais il se pourrait que cette symbiose dérape si l’une d’entre elles se laisse tenter par la trahison.

    Après Révélée, voici le deuxième roman de Renee Knight. Le pitch est alléchant et son traitement l’est tout autant. On est rapidement pris de sympathie pour Christine qui prend très à cœur son métier de secrétaire, au point d’évincer tout ce qui n’est pas purement professionnel de sa vie, entraînant un divorce douloureux et des relations tendues avec sa fille. Dans le même temps, les liens qui unissent nos deux protagonistes sont forts, faits de loyauté, de respect et de dévouement, presque une interconnexion intime. Christine va s’illustrer, au cours des dix-huit années passées à seconder Mina, par sa patience, son abnégation et sa droiture. Mais comme on pouvait s’y attendre, un grain de sable va venir enrayer cette admirable mécanique du cœur : Mina va subir un procès pour faux témoignage et entrave au cours de la justice, deux motifs qui viennent s’ajouter à ceux, bien plus liés à la morale qu’à la loi, mettant en lumière le comportement nombriliste, froid et cupide de l’employeuse. Et quelques mots prononcés à la barre vont venir détruire cette entente avec autant de violence qu’une boule de démolition. Racontée à la première personne, cette histoire est particulièrement crédible en plus d’être prenante, et Renee Knight a eu la riche idée de nous proposer un récit centré sur une femme lambda, prévenante et zélée, sans qualités ni défauts majeurs, qui va se bercer de l’illusion qu’elle est devenue l’égale de sa boss avant de brutalement tomber de son piédestal. Et le drame surviendra. Une habile mise en lumière des apparences trompeuses, des sentiments fallacieux, des comportements insidieux et de la confiance que l’on trahit pour protéger ses propres intérêts. L’écrivaine a adroitement porté un éclairage, subtil et plausible, sur les laissés-pour-compte du monde du travail, asservis sans le savoir d’un pouvoir qui les exploite.

    Un beau réquisitoire qui mêle féminisme et dénonciation de l’exploitation dans le monde de l’entreprise. Le final, poignant et intelligent, couronne l’ensemble d’une touche mémorable.

    /5