L'Amitié est un cadeau à se faire

(A Friend is a Gift You Give Yourself)

  1. « L’amitié est la plus belle des histoires d’amour »

    Rena Ruggiero, sémillante sexagénaire, est la veuve de Vic le Tendre, un mafioso ayant péri dans un règlement de comptes il y a bien des années. Lorsque son voisin, Enzio, se montre trop entreprenant malgré des refus répétés, elle l’assomme d’un coup de cendrier. Le croyant mort, elle fuit avec son Impala de collection pour se rendre chez sa fille, Adrienne, avec qui elle est en froid.
    Lucia, 15 ans, n’en peut plus des interdits imposés par sa mère (Adrienne) et profite de la moindre occasion pour s’éclipser de la pesante maison familiale. Lorsque la voisine d’en face, Wolfstein, lui propose de boire une ginger ale, elle accepte avec plaisir.
    Pendant ce temps-là, Richie, l’amant d’Adrienne, décime une bande rivale et s’échappe avec un demi-million de dollars. Lorsque le mafioso débarque chez elle, les ennuis deviennent inévitables.

    Après Gravesend, le Rivages/Noir n°1000 paru en 2016, William Boyle a suivi François Guérif dans sa nouvelle aventure éditoriale chez Gallmeister. Après deux romans se déroulant à Brooklyn où le décor et l’ambiance occupaient une grande place (Tout est brisé et Le témoin solitaire), l’auteur change de registre avec ce trépidant roman choral.
    Plus on ajoute de personnages, plus l’exercice peut s’avérer délicat. Pourtant, malgré une demi-douzaine de protagonistes que l’on suit en alternance, William Boyle s’en sort comme un chef. L’histoire gravite autour des trois générations de la famille Ruggiero : Rena, Adrienne et Lucia. Pour autant, on suit de la même façon les autres personnages au gré des chapitres, ce qui permet de se mettre aisément dans la peau de chacun.
    La figure de Lucia, souhaitant ardemment s’émanciper après avoir été trop longtemps privée de quasiment tout (y compris de sa grand-mère) par une mère castratrice est intéressante. Malgré de nombreuses scènes d’action, de courses-poursuites et quelques morts pas jolies jolies, l’humour est assez présent, notamment lorsque Wolfstein et Mo racontent à Lucia de savoureuses anecdotes en lien avec leur jeunesse d’actrices dans l’industrie pornographique.
    Bien que le rythme ne retombe jamais vraiment, William Boyle ne peut s’empêcher de glisser de nombreuses références cinématographiques et littéraires. L’incipit de ce roman nous annonçait la couleur : « Aux bibliothèques et vidéoclubs où j’ai passé mon enfance. »

    On sent effectivement l’amour de William Boyle pour les histoires et pour ses personnages. Il est certain que ce roman choral survitaminé aux personnages féminins charismatiques pourrait faire un excellent film.

    /5