Lady Elliot Island

  1. Les mystères de l’île

    Clara est une youtubeuse, influenceuse presque professionnelle, mais son jeune âge ne l’empêche pas de déjà tomber dans les travers de ce milieu : acide, cassante, entourée de sa meute de suiveurs, elle ne voit le monde que du haut de sa tour dorée. Pour son anniversaire, son père lui offre six billets d’avion pour rejoindre Lady Elliot Island, à l’est de l’Australie. Parce qu’il lui reste deux billets sur les bras après avoir confié les autres à ses proches, elle organise un jeu sur les réseaux sociaux pour dégoter les deux derniers voyageurs, qui seront deux inconnus. Mais sur place, l’île réserve de bien mauvaises rencontres et autres incidents : en voudrait-on à Clara ?

    De Christophe Guillaumot, on connaît surtout ses polars destinés aux adultes, comme Chasses à l’homme ou Abattez les grands arbres, et voilà qu’il se lance dans la littérature pour la jeunesse. On est immédiatement pris par le récit : des chapitres qui s’enchaînent brillamment, un rythme qui ne faiblit pas, et des personnages décrits avec un nécessaire vitriol. Clara est très bien croquée : imbue d’elle-même, ne se considérant qu’à l’aune de la fallacieuse et insipide « popularité » des réseaux sociaux, méprisant avec une morgue inouïe celles et ceux qui ne font pas partie de sa caste, et ce ne sont pas ses récents problèmes de vue qui la portent à plus d’humanité. Mais dès que nos jeunes débarquent sur l’île, les imprévus se multiplient : une araignée dans la chambre de Clara, les communications hors service, un incendie, un vol… Le ton policier est réussi, l’ambiance délicieusement oppressante, et la faune locale ne fait qu’accroître cette atmosphère anxiogène. Cependant, Christophe Guillaumot se perd un peu dans le dernier tiers : quelques passages existentiels et presque chamaniques, avec la présence d’un Aborigène, même s’ils sont agréables, débarquent dans le récit de manière inattendue et pas nécessairement harmonieuse. D’autre part, les motivations du saboteur, même si elles sont crédibles, sont sans réelle originalité, au point de décevoir. Mais il n’en demeure pas moins que la peinture du milieu artificiel dans lequel baigne notre héroïne est une réussite.

    A mi-chemin entre le polar et la littérature blanche pour les adolescents, une nouvelle corde à l’arc de Christophe Guillaumot, dont on espère déjà d’autres polars pour la jeunesse.

    /5