Une Confession

(Cul-de-sac)

  1. Une affaire d’hommes

    John Duxbury est un citoyen tout ce qu’il y a de plus insoupçonnable. Marié, un enfant, il dirige une imprimerie. Une vie sans le moindre accroc, la respectabilité à l’état pur. En réalité, son couple bat de l’aile. Quand son épouse, Maude, chute du haut d’une falaise alors qu’ils sont tous les deux en vacances, l’accident apparaît évident. Sauf qu’un témoin, Raymond Foster, affirme avoir vu l’époux pousser sa femme. Alors, meurtre ou malheureuse glissade ? L’inspecteur Harry Harker enquête.

    De John Wainwright, on connaît déjà l’immense Bois de justice ainsi qu’A table !, adapté au cinéma sous le titre Garde à vue avec Michel Serrault et Lino Ventura, et dialogué par Michel Audiard. Ce roman, datant de 1984, a été encensé par Georges Simenon, et l’on comprend rapidement pourquoi le grand auteur l’avait tant apprécié. Une écriture remarquable, râclée jusqu’à l’os, simple sans jamais être simpliste. Des portraits particulièrement denses et humains, où les écarts, l’hypocrisie et les non-dits s’expriment parfois en quelques formules lapidaires bien senties. Et il y a ces portraits psychologiques, remarquables. Le policier Harker, boiteux, doué d’une immense mémoire, obstiné jusqu’à éclater en colères volcaniques. Maude, harpie aux allures de parfaite épouse lorsqu’elle se trouve en société. John, pauvre bougre parfois trop poli ou complaisant, même lorsque l’un de ses employés le vole. On apprend à saisir toutes les subtilités de ces personnages au gré d’un récit atypique, entre fractions du journal intime du mari et les points de vue des autres protagonistes, jusqu’à la révélation finale, qui est un pur joyau. On saisit à ce moment-là, avec encore plus d’acuité, pourquoi Georges Simenon a qualifié ce livre de « roman inoubliable ». Ce que Harker va dévoiler est d’une incroyable justesse, faisant jaillir le pus du furoncle marital. Quelques pages, pourtant d’une rare sécheresse stylistique, suffisent à divulguer l’ampleur de la tragédie sous-jacente. Un rebondissement, sans surenchère stérile ni effet de mauvais aloi, que l’on retrouve d’ailleurs dans certains des ouvrages du maître belge.

    Un opus magistral, dont l’efficacité est d’ailleurs inversement proportionnelle aux moyens mis en œuvre. Quelques individus, une intrigue de prime abord fluette, et pourtant, à l’arrivée, un grand moment de littérature noire et humaine. Tout simplement.

    /5