Les Yeux fermés

(Ad occhi chiusi)

  1. Encaisser, rendre les coups

    Guido Guerrieri est avocat à Bari. Surviennent l'inspecteur Tancredi et une femme en blouson de cuir qu'il prend pour son binôme. Il n'en est rien, l'habit ne fait décidément pas le moine, pas plus que la sœur. Claudia est religieuse et dirige un foyer recueillant des femmes fuyant la violence, conjugale principalement. Elle et Tancredi souhaitent que Guerrieri les aide à attaquer en justice un homme violent qui semble intouchable du fait de la position stratégique de son père dans les rouages de la justice locale. Bien qu'il eût été plus simple de décliner, le sens de la justice de Guido ainsi que son goût pour les ennuis le poussent à accepter.

    Il y a quelques années, nous avions lu avec plaisir la première enquête de Guido Guerrieri, Témoin involontaire, qui n'était autre que le premier roman de l'auteur. Gianrico Carofiglio a depuis fait un sacré bonhomme de chemin, chez Rivages, puis au Seuil, bien que ses derniers romans n'aient malheureusement pas été traduits de ce côté-ci des Alpes.
    Magistrat puis procureur à Bari, élu sénateur en 2008 : c'est peu dire que l'auteur connaît bien les rouages de la justice et la vie politique – animée – du sud de l'Italie. Cette connaissance transparaît dans ses œuvres, comme ici, sans qu'on n'ait jamais le sentiment que l'auteur étale ses connaissances de manière superflue.
    Si l'on retrouve avec plaisir Guido, toujours bon avocat mais quelque peu désabusé par le système judiciaire qui condamne trop souvent les faibles pour réserver son laxisme aux plus aisés, d'autres personnages valent eux aussi le détour. C'est particulièrement le cas de sœur Claudia, qui brise tous les clichés sur les nonnes, notamment par sa pratique à haut niveau de la boxe. L'énergie brute de la jeune femme, ainsi que sa force de caractère donne envie à Guido de renfiler ses gants et de profiter d'un cours particulier. Mais peut-on décemment flirter avec une sœur ?
    L'intrigue n'offre pas des rebondissements à gogo, il est vrai, mais Gianrico Carofiglio est un très bon conteur d'histoires et l'on suit les développements de l'histoire avec plaisir, en grande partie dans le prétoire mais aussi au cours de digressions, parfois mélancoliques, qui nous éloignent de l'activité de la cour. Assez lent, le roman prend le temps et nous offre par exemple de mémorables scènes de déambulations nocturnes dans les rues de Bari.

    Après avoir abordé l'immigration et le racisme dans son premier roman, cette enquête prend à bras-le-corps le sujet peu évident des violences conjugales. Un procédural italien, très bien écrit, qui donne envie de retrouver le sympathique Guerrieri, amateur de musique et de boxe, dans ses enquêtes suivantes, Les raisons du doute et Le silence pour preuve.

    /5