Berthe Gavignol, cent deux ans, est arrêtée pour avoir tiré sur son voisin, caché un couple de jeunes meurtriers en cavale et arrosé les flics qui ont dû prendre l'assaut de sa chaumière auvergnate. Pas désolée pour un sou, la mamie à la verve fleurie et à la carabine encore fumante est accueillie dans les locaux de la police par l'inpecteur Ventura. La garde à vue, inhabituelle, vire rapidement au surréalisme lorsque Berthe se met tranquillement à avouer meurtre sur meurtre. À commencer par celui d'un nazi qu'elle a enterré dans sa cave après que ce dernier ait tenté de la violer et dont elle a gardé précieusement le Luger. On ne sait jamais...
La garde à vue est rapidement prolongée et la centenaire déroule le fil de sa vie pour le moins mouvementée devant un Ventura qui tombe des nues face à l'aplomb de cette vieille dame qui pourrait être sa grand-mère. Car Berthe, bien malgré elle, aura collectionné les salauds. Et ce n'est pas de gaieté de cœur mais plutôt par légitime défense qu'elle a parfois dû se résoudre à rendre une justice qu'on ne rendait pas alors, dans ces années où la femme devait obéissance totale à son mari, n'avait pas de compte bancaire et devait tendre l'autre joue quand le mari avait envie de passer sa frustration à l'aide de ses poings. Élevée par Nana, sa grand-mère qui ne s'en laissait pas davantage compter et préparait une eau-de-vie maison réputée dans la région, Berthe a vite eu de qui tenir. Et les horreurs de la guerre ont eu tôt fait de lui apprendre à se défendre.
Le personnage de Berthe, centenaire, féministe et serial killeuse (comme le clame le bandeau), est assez exceptionnel il est vrai. Son côté très rock & roll pour l'époque et son verbe haut en couleur achèvent de la rendre sympathique, y compris à Ventura – qu'elle prend un malin plaisir à appeler Lino –, lequel peine à ne pas éprouver d'empathie pour elle quand bien même elle risque la perpétuité – ce qui fait d'ailleurs bien rire Berthe.
L'écriture de Benoît Philippon, toute en comparaisons imagées et en figures de style bien senties (vive les zeugmas !) est parfaitement raccord avec la gouaille de Berthe. L'humour est parfois ravageur, comme lors de cette scène d'anthologie où la centenaire, partageant par la force des choses une cellule du commissariat, doit se faire traduire les propos d'un jeune dealer de cité par l'intermédiaire d'une prostituée.
S'il se lit très bien, le roman aurait peut-être gagné à être un peu plus ramassé et provoque parfois chez le lecteur un sentiment de répétition sinon de légère lassitude. Berthe était une belle femme très libérée pour l'époque, on l'aura compris, mais autant de scènes de sexe étaient-elles nécessaires ?
Après le succès de son premier roman, Cabossé, paru à la Série Noire (en 2016) et plusieurs fois récompensé, Benoît Philippon confirme avec ce vitaminé Mamie Luger qu'il sait y faire pour raconter une histoire et mettre en scène des personnages pas piqués des hannetons. On se souviendra assurément de Berthe, digne représentante du deuxième sexe sachant manier les armes et le verbe comme personne.
Berthe Gavignol, cent deux ans, est arrêtée pour avoir tiré sur son voisin, caché un couple de jeunes meurtriers en cavale et arrosé les flics qui ont dû prendre l'assaut de sa chaumière auvergnate. Pas désolée pour un sou, la mamie à la verve fleurie et à la carabine encore fumante est accueillie dans les locaux de la police par l'inpecteur Ventura. La garde à vue, inhabituelle, vire rapidement au surréalisme lorsque Berthe se met tranquillement à avouer meurtre sur meurtre. À commencer par celui d'un nazi qu'elle a enterré dans sa cave après que ce dernier ait tenté de la violer et dont elle a gardé précieusement le Luger. On ne sait jamais...
La garde à vue est rapidement prolongée et la centenaire déroule le fil de sa vie pour le moins mouvementée devant un Ventura qui tombe des nues face à l'aplomb de cette vieille dame qui pourrait être sa grand-mère. Car Berthe, bien malgré elle, aura collectionné les salauds. Et ce n'est pas de gaieté de cœur mais plutôt par légitime défense qu'elle a parfois dû se résoudre à rendre une justice qu'on ne rendait pas alors, dans ces années où la femme devait obéissance totale à son mari, n'avait pas de compte bancaire et devait tendre l'autre joue quand le mari avait envie de passer sa frustration à l'aide de ses poings. Élevée par Nana, sa grand-mère qui ne s'en laissait pas davantage compter et préparait une eau-de-vie maison réputée dans la région, Berthe a vite eu de qui tenir. Et les horreurs de la guerre ont eu tôt fait de lui apprendre à se défendre.
Le personnage de Berthe, centenaire, féministe et serial killeuse (comme le clame le bandeau), est assez exceptionnel il est vrai. Son côté très rock & roll pour l'époque et son verbe haut en couleur achèvent de la rendre sympathique, y compris à Ventura – qu'elle prend un malin plaisir à appeler Lino –, lequel peine à ne pas éprouver d'empathie pour elle quand bien même elle risque la perpétuité – ce qui fait d'ailleurs bien rire Berthe.
L'écriture de Benoît Philippon, toute en comparaisons imagées et en figures de style bien senties (vive les zeugmas !) est parfaitement raccord avec la gouaille de Berthe. L'humour est parfois ravageur, comme lors de cette scène d'anthologie où la centenaire, partageant par la force des choses une cellule du commissariat, doit se faire traduire les propos d'un jeune dealer de cité par l'intermédiaire d'une prostituée.
S'il se lit très bien, le roman aurait peut-être gagné à être un peu plus ramassé et provoque parfois chez le lecteur un sentiment de répétition sinon de légère lassitude. Berthe était une belle femme très libérée pour l'époque, on l'aura compris, mais autant de scènes de sexe étaient-elles nécessaires ?
Après le succès de son premier roman, Cabossé, paru à la Série Noire (en 2016) et plusieurs fois récompensé, Benoît Philippon confirme avec ce vitaminé Mamie Luger qu'il sait y faire pour raconter une histoire et mettre en scène des personnages pas piqués des hannetons. On se souviendra assurément de Berthe, digne représentante du deuxième sexe sachant manier les armes et le verbe comme personne.