Les Lois du ciel

  1. Nuit d’angoisse

    Douze enfants d’une classe de CP partent en excursion dans une forêt de l’Yonne avec trois adultes accompagnateurs, leur instituteur et deux mères d’élèves. Une sortie tout ce qu’il y a de plus banal en apparence, pour retrouver les joies de la vie en communauté et le plaisir de la découverte sylvestre. Pourtant, une succession de drames inimaginables vont faire basculer la nuit en tragédie.

    Grégoire Courtois, dont on avait déjà adoré Suréquipée, signe ici un livre noir. Très noir. Peut-être l’un des plus noirs qu’il ait été donné de lire. Une plongée sans la moindre concession dans la violence, l’horreur et la sauvagerie, toutes les trois on ne peut guère plus humaines. En moins de deux cents pages, l’écrivain livre un véritable brûlot, incendiaire et incendié, un magma de brutalités et de férocités. Lors de cette sortie, tout s’annonce pourtant bien, ou au moins sans le moindre nuage d’alerte venant planer au-dessus des quinze têtes. Pourtant, dès la sixième page, l’image d’un escargot volontairement écrasé par un gamin turbulent indique la tournure à venir. Rapidement, les troubles se multiplient : une accompagnatrice atteinte de diarrhée qui doit partir, une autre qui ne retrouve pas le campement, une erreur d’inattention d’un conducteur à cause d’un geste inopportun, et un enseignant qui se lance dans la narration d’un conte à propos d’une souris, de goëlands et d’une parabole intitulée « Les Loi du ciel », et le sang jaillit. Il y sera alors question de folie, de survie, de bois enténébrés dans lesquels les gamins, livrés à la démence meurtrière de l’un d’entre eux, vont faire le terrible apprentissage de la terreur et de la souffrance. Non loin de Sa Majesté des mouches ou du film Délivrance, se tient ce roman monstrueux de Grégoire Courtois. Un opus d’autant plus sidérant qu’il n’y a ici aucun effet facile, pas de grosse ficelle ou de twist scénaristique, auxquels un auteur en mal d’inspiration aurait pu faire appel. C’est la lente désagrégation d’un groupe de mômes, éclaté par l’aliénation cruelle de l’un des leurs, et qui vont subir d’atroces répercussions, depuis des pièges vénéneux jusqu’au malheureux accident routier en passant par l’intervention d’un sanglier affamé. Indéniablement, cette histoire ne saurait plaire à tout le monde, car l’accent est posé avec force sur la bestialité humaine, la perte des valeurs les plus élémentaires et l’anomie totale, avec un trait si violent qu’il en viendrait presque à perforer le papier. Quiconque lira les pages gores concernant le sort de Fred, l’instituteur, ou le repas final du sanglier, ne pourra qu’acquiescer.

    Un ouvrage barbare, qui porte le lecteur à ressentir un flot d’émotions âcres et contraires, de la fascination au dégoût, de l’empathie à la violence. Une pépite de primitivité qui secouera indéniablement, notamment en raison de l’âge des pauvres protagonistes de cette courte et sombre mésaventure.

    /5