Treize jours

(An Untamed State)

2 votes

  • 7/10 Un roman dur et très marquant. Le récit des violences subies par cette femme semble très réaliste. Son long cheminement pour sa reconstruction aussi. Il y a néanmoins quelques longueurs et l'héroïne de cette histoire a fini par m'agacer en fin de récit.

    31/05/2022 à 16:04 calimero13 (1012 votes, 7.4/10 de moyenne) 2

  • 7/10 C’est un retour aux sources qui se brise sur des scories d’une société affichant dans un même temps le beau du laid, les sourires des pleurs, de l’accueillant au rejet brut. L’expatriée vit sur ses souvenirs, sur un inconscient idéalisé et reçoit de plein fouet la rage, la rancœur d’un peuple révolté, d’une société exsangue. Dans ce contexte du kidnapping de motivation pécuniaire, une femme Haïtienne qui écrit son histoire dans une Floride aux antipodes d’un pays déstructuré, structurant, se voit brisée dans sa chair et sa psyché. C’est le récit d’une déconstruction et d’une reconstruction pavées de remises en causes, de désillusions, de profondes déceptions et de viscérales souffrances.

    « Fille de l’un des hommes les plus riches d’Haïti, Mireille Duval Jameson mène une vie confortable aux États-Unis. Mais alors qu’elle est en vacances à Port-au-Prince avec son mari Michael et leur bébé Christophe, Mireille est kidnappée. Ses ravisseurs réclament un million de dollars à son père. Pourtant, ce dernier refuse de payer la rançon, convaincu que toutes les femmes de sa famille seraient alors enlevées les unes après les autres. Pendant treize jours, Mireille vit un cauchemar. Son ravisseur, dit le commandant, est d’une cruauté sans nom. Comment survivre dans de telles conditions et, une fois libérée, comment surmonter le traumatisme, pardonner à son père et recréer une intimité avec son mari ?
    Mireille et les siens vont pourtant réussir à reprendre pied et découvrir que la rédemption peut revêtir les formes les plus inattendues. »

    L’auteure possède une envergure sociétale dans son écriture et de par sa reconnaissance. Née à Omaha en 1974, dans le Nebraska, enseignant l’écriture dans l’université de l’Illinois, elle aime aborder dans ses ouvrages ses thématiques électives telles le racisme, les conflits de classe et l’identité sexuelle.

    Elsa, une amie jamaïcaine, m’a parlé une fois d’une berceuse populaire dans son pays, sur une mère avec treize enfants. La mère en tue un pour nourrir les douze autres, puis un pour nourrir onze, puis un pour en nourrir dix, jusqu’à ce qu’il ne lui en reste plus qu’un, qu’elle tue également parce qu’elle a aussi faim. Finalement, elle retourne dans le champ où elle a assassiné ses enfants, où reposent les os de leur treize corps. Elle se tranche la gorge parce qu’elle ne supporte pas d’avoir fait ce qui devait être fait. « Aux Caraïbes, une femme doit toujours affronter de tels choix », a conclu Elsa après m’avoir raconté son histoire .

    Paragraphe symptomatique d’un peuple et de vies basées sur le sacrifice et la souffrance de choix lacérants mais vitaux. (l’analogie entre les deux pays restant probablement juste)

    Dans un premier temps la description de l’enlèvement et des Treize jours de tortures morales et physiques est directe, sans ambages. Les coups ne sont pas éludés ni contournés sans pour autant plonger dans un pathos surligné. On est dans un « document » du quotidien par les prismes de la détenue, des ravisseurs et de la famille. Notre propre regard sur ces entités va tour à tour être marqué par l’empathie, la révolte, l’incompréhension, le questionnement. Car apparaît dans ce temps une surprise, une « incongruité », que l’on pourrait avoir du mal à s’expliquer, à en trouver le sens, UN sens. Cette dissonance aura une terrible résonance dans le récit mais aussi une prépondérance dans l’écriture.

    Et c’est sans nul doute que notre appétence littéraire revêt un caractère « viral ». Le prodrome de cette première partie nous plonge dans la seconde avec les symptômes de la fébrilité. Enclin à découvrir les voies de la résilience, de la reconstruction on est réellement happé par la portée de l’écriture et la transcription d’une équation à plusieurs inconnues. Les souffrances sont multiples et s’agrègent en une pelote où la trame s’entrecroise, s’emmêle, qui aboutit à des incompréhensions, des dissensions.

    « Treize Jours » est donc un roman riche d’enseignement sur une culture, sur la filiation, sur la famille, sur les tentatives de retrouver une voie et sa voix sans pouvoir effacer les stigmates d’un trauma violent et inscrit dans une chair fibrosée. Et sous une plume incisive sachant imprimer un style, un regard laissant la place à la réflexion personnelle du lecteur, on est embarqué dans ce roman magnétique, profond.

    03/09/2017 à 18:43 chouchou (595 votes, 7.6/10 de moyenne) 4