Islanova

  1. La possibilité d’une île

    Julian Stark ne s’attendait pas à ça : en rentrant chez lui, il découvre sa fille, Charlie, au lit avec Leny, son beau-fils. Les deux adolescents décident de quitter le domicile et fuient vers une nouvelle ZAD, sur l’île d’Oléron. Cette enclave, naissante, est tenue sous la poigne d’un homme qui se fait appeler Vertigo, qui mène une escouade d’écologistes convaincus, les 12 – 10. Pour Charlie et Leny, le début d’une aventure humaine et citoyenne. En réalité, le début d’un cauchemar dont nul n’a entraperçu la tragédie à venir.

    Ce nouveau roman de Jérôme Camut et Nathalie Hug impressionne d’entrée de jeu par son format : on avoisine les huit cents pages ! Choral, scindé en cent soixante chapitres, cet ouvrage remue, à sa lecture, par l’énergie qui s’en dégage. Celles et ceux qui auront déjà lu les livres de la série W3 retrouveront cette écriture simple et très efficace des deux auteurs, mettant avec justesse en relief les psychologies et sentiments de personnages variés, souvent malmenés, et dont les destinées brutales vont s’entrechoquer. Ici, c’est le principe de la Zone À Défendre qui constitue le thème central. Une parcelle du territoire français, pris de force par un groupe d’activistes ayant pris comme pseudonyme la date de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb, ce qui a amorcé à leurs yeux le partage de la surface terrestre entre les grandes hégémonies nationales et capitalistes. Le roman s’attache à démontrer les dérives et atrocités pratiquées par les sociétés modernes, consuméristes, égoïstes et malveillantes. Et c’est dans cet écrin de l’île d’Oléron, proto-État, que doit naître une nouvelle patrie, pour une vision alternative de l’humanité et du partage de ses richesses. Une véritable ode à l’engagement civique et à la prise en main d’un destin mondial commun. Jérôme Camut et Nathalie Hug n’en oublient nullement de placer beaucoup d’actions et de péripéties dans leur opus : des fusillades, des trahisons, une intelligence artificielle redoutable, des scènes très visuelles, voire cinématographiques, et des événements spectaculaires qui iront également se dérouler bien au-delà de cet archipel, avec une fin suffisamment ouverte pour laisser augurer une éventuelle suite. Certes, quelques points pourront faire soupirer certains lecteurs voire les rebuter : une certaine candeur dans les idéaux exposés, des moments peut-être trop hollywoodiens et assez peu crédibles. Mais le souffle de l’aventure ne retombe jamais, du prologue à l'épilogue, mû tout autant par une volonté de distraire que de poser des questions nécessaires même si toutes les réponses ne sont pas obligatoirement adéquates.

    Encore un très bon roman de la part de l’entité CamHug.

    /5