Drôles de frères

(Brother's keepers)

  1. Quelques Frères peu catholiques

    Le monastère des membres de l'Ordre Crépinite du Novum Mondum est installé dans un quartier huppé de New York. Mais des promoteurs ont décidé de racheter les lieux pour les raser avant d'ériger de nouveaux immeubles. Seul hic : ces Frères ont souvent vécu des existences peu reluisantes avant de prononcer leurs vœux, et l'idée de devoir quitter leur retraite les hérisse au plus haut point. Et comme si la situation n'était pas déjà assez compliquée, l'un des leurs, frère Benedict, tombe amoureux de la fille du promoteur. Autant dire qu'il va y avoir du rififi dans la Grosse Pomme...

    Publiée en 1975 par le prolifique Donald Westlake, cette comédie policière est typique de l'écrivain. Prenant appui sur une idée de départ originale et caustique, l'auteur du Couperet déploie tout son talent de conteur pour narrer une histoire déjantée qui n'engendre pas la mélancolie. Le ton, à la fois tendre pour ses personnages et cocasse dans les situations, est un véritable régal ; parmi les scènes marquantes, on notera, d'entrée de jeu, la confession désopilante de frère Benedict pour un vol de stylo, ou encore la manière peu banale dont il se porte à la rescousse de la femme pour laquelle il a le béguin. Par ailleurs, l'ordre monacal que Donald Westlake a inventé de toutes pièces est très crédible, avec ses codes et lois, et les tourments de frère Benedict, tiraillé par le désir de la chair et déchiré entre ses vœux et sa passion naissante pour Eileen, bien restitués. On regrette juste que les autres Frères, avec leurs passés troubles, n'aient pas été plus exploités et ne soient finalement pas plus présents dans l'intrigue.

    En 1975, Donald Westlake créait un roman jouissif. Sans la moindre goutte de sang ni violence, il composait une histoire à la fois décapante et atypique, de grande qualité. Un petit trésor d'humour décomplexé, idéal pour passer un bon moment.

    /5