Jacques Cavallier voit les événements se déchaîner contre lui en très peu de temps. Un inconnu dépose cent mille francs sur son compte en banque. Son ex-femme vient l’informer qu’une vieille connaissance, Chess, est de retour. Pour cet ancien policier devenu pigiste, les coïncidences ne sauraient ainsi se multiplier sans qu’il n’y ait anguille sous roche. A moins qu’il ne s’agisse carrément de requins.
Hugues Pagan fait partie de ces auteurs trop rares, et dont on ne saurait rater le moindre rendez-vous offert par la sortie de l’un de ses ouvrages. Ces Eaux mortes était d’ailleurs le premier d’entre eux, paru en 1986, et Payot Rivages a d’ailleurs eu l’excellente idée de le rééditer. On y retrouve un ton très particulier, nécessairement noir, certes, mais sachant se différencier de ses prestigieux confrères américains. Le ton y est sombre, et cette nuance déteint avec bonheur sur les personnages. Jacques Cavallier, désabusé, élimé par trop d’années au service de la police, et ayant dû quitter cette dernière suite à une exécution que la morale réprouve. Il vivote avec ce job purement alimentaire de journaliste dans un journal d’ixième catégorie, tombe sous le charme d’Anita, une jeune beauté qui œuvre elle aussi dans le canard, et voue une passion dévorante, presque addictive, à Dizzie Mae, une Ford dont les galbes et l’habitacle l’apaisent. Dans le même temps, comme dans tout bon roman noir, notre protagoniste va être submergé par des événements tous très crédibles mais dont la superposition va venir contrarier la trajectoire molle et attendue de son existence. Hugues Pagan sait alors se faire le chantre d’une langue surannée, presque morte, oscillant du côté des aphorismes détonants et des dialogues fleuris de Michel Audiard. Les répliques claquent, les situations sont décrites avec un détachement mêlé d’humour noir, et certains personnages (dont l’inénarrable Achille) valent leur pesant de croquignolesque. De petits bijoux d’une cocasserie toujours maîtrisée, jamais graveleuse ni gratuite. A côté de ces nombreuses qualités, l’intrigue ne constitue pas la plus flagrante qualité du récit : à mesure que les pages défilent, on a parfois l’impression que l’auteur délaisse certains aspects, en a oublié d’autres, voire n’y attache qu’une importance secondaire. Et quand arrivent les ultimes pages, il y a comme un goût d’inachevé, avec encore des questions qui restent en suspens, orphelines de réponses. Mais au final, on en finit par s’en contreficher éperdument : ici, la colonne vertébrale, le fil rouge, bref, ce qui compose la saveur de l’ouvrage, c’est la langue de l’auteur, sa verve, et sa façon, si particulière, de dépeindre la société et les individus qui la composent.
Probablement pas le roman le plus abouti d’Hugues Pagan, mais il serait déplacé, surtout a posteriori, de le lui reprocher puisqu’il s’agissait, rappelons-le, de son premier. Il n’en demeure pas moins que le charme opère malgré son âge. Voilà un trentenaire sacrément séduisant, et encore paré à rayonner pendant d’autres décennies.
Jacques Cavallier voit les événements se déchaîner contre lui en très peu de temps. Un inconnu dépose cent mille francs sur son compte en banque. Son ex-femme vient l’informer qu’une vieille connaissance, Chess, est de retour. Pour cet ancien policier devenu pigiste, les coïncidences ne sauraient ainsi se multiplier sans qu’il n’y ait anguille sous roche. A moins qu’il ne s’agisse carrément de requins.
Hugues Pagan fait partie de ces auteurs trop rares, et dont on ne saurait rater le moindre rendez-vous offert par la sortie de l’un de ses ouvrages. Ces Eaux mortes était d’ailleurs le premier d’entre eux, paru en 1986, et Payot Rivages a d’ailleurs eu l’excellente idée de le rééditer. On y retrouve un ton très particulier, nécessairement noir, certes, mais sachant se différencier de ses prestigieux confrères américains. Le ton y est sombre, et cette nuance déteint avec bonheur sur les personnages. Jacques Cavallier, désabusé, élimé par trop d’années au service de la police, et ayant dû quitter cette dernière suite à une exécution que la morale réprouve. Il vivote avec ce job purement alimentaire de journaliste dans un journal d’ixième catégorie, tombe sous le charme d’Anita, une jeune beauté qui œuvre elle aussi dans le canard, et voue une passion dévorante, presque addictive, à Dizzie Mae, une Ford dont les galbes et l’habitacle l’apaisent. Dans le même temps, comme dans tout bon roman noir, notre protagoniste va être submergé par des événements tous très crédibles mais dont la superposition va venir contrarier la trajectoire molle et attendue de son existence. Hugues Pagan sait alors se faire le chantre d’une langue surannée, presque morte, oscillant du côté des aphorismes détonants et des dialogues fleuris de Michel Audiard. Les répliques claquent, les situations sont décrites avec un détachement mêlé d’humour noir, et certains personnages (dont l’inénarrable Achille) valent leur pesant de croquignolesque. De petits bijoux d’une cocasserie toujours maîtrisée, jamais graveleuse ni gratuite. A côté de ces nombreuses qualités, l’intrigue ne constitue pas la plus flagrante qualité du récit : à mesure que les pages défilent, on a parfois l’impression que l’auteur délaisse certains aspects, en a oublié d’autres, voire n’y attache qu’une importance secondaire. Et quand arrivent les ultimes pages, il y a comme un goût d’inachevé, avec encore des questions qui restent en suspens, orphelines de réponses. Mais au final, on en finit par s’en contreficher éperdument : ici, la colonne vertébrale, le fil rouge, bref, ce qui compose la saveur de l’ouvrage, c’est la langue de l’auteur, sa verve, et sa façon, si particulière, de dépeindre la société et les individus qui la composent.
Probablement pas le roman le plus abouti d’Hugues Pagan, mais il serait déplacé, surtout a posteriori, de le lui reprocher puisqu’il s’agissait, rappelons-le, de son premier. Il n’en demeure pas moins que le charme opère malgré son âge. Voilà un trentenaire sacrément séduisant, et encore paré à rayonner pendant d’autres décennies.