Je m'appelle Requiem et je t'...

  1. Un curé pas chic, mais un curé de choc

    Il s’appelle Estéban Lehydeux, mais vous pouvez le désigner sous son sobriquet de « Requiem ». Un curé, oui, en effet. Du genre beau gosse, costaud et surtout, toujours prêt à dégommer du malfaisant. Un moine-soldat ? S’il n’était que bagarreur, ça pourrait éventuellement passer, mais voilà : il aime aussi l’alcool, le sexe, les gros mots, et c’est avec cette même ferveur qu’il n’hésite jamais à se fourrer dans des histoires pas possibles. Ici, c’est la belle Martine, professionnelle de la galipette, qui lui demande de l’aide, parce que des tarés lui ont demandé de tourner dans un film porno avec des enfants. Et Requiem n’est pas du genre à pardonner ce genre d’écart.

    Ce premier opus de la série consacrée à Requiem pose le ton dès le prologue : ça va être gras et dynamique. Vous aimez la finesse, le lyrisme, la subtilité ? Passez votre chemin. Requiem, ce dur en soutane, c’est un hybride : il est le fils littéraire de Stanislas Petrosky, mais il tient tout autant de Frédéric Dard, de Michel Audiard, de Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, ou encore de certains écrits de Maxime Gillio. Un individu féroce, déroutant, au verbe haut, enfiévré et licencieux, mais pour lequel on ressent rapidement de l’empathie. Et voilà que cette grenade humaine dégoupillée du goupillon en vient à se frotter à un réseau pédopornographique : imaginez bien qu’il ne va pas faire dans la dentelle. Notre lascar va se retrouver au volant de la Ford Mustang conduite par Jean-Paul Belmondo dans Le Marginal, jouer du Desert Eagle, baffer du gougnafier et même payer chèrement de sa personne. Indéniablement, voilà un ouvrage qui divise : ça claque, ça déglingue, ça s’envoie en l’air, ça multiplie les jeux de mots – parfois volontairement foireux. Stanislas Petrosky, tout à sa gouaille décomplexée, aligne aussi les notes de bas de page, s’adresse directement au lecteur, et jamais, ô grand jamais, ne se prend au sérieux. D’ailleurs, on remarque rapidement que l’intrigue a l’épaisseur d’une limande prise en étau entre deux sous-marins nucléaires, les personnages tiennent du cliché ambulant, et certains passages sont ouvertement des prétextes à galéjades, parties de jambes en l’air et autres confrontations musclées. Mais on pardonne bien volontiers à Stanislas Petrosky ces facilités pour une raison magistrale : on se marre. La forme l’emporte sur le fond, la décontraction sur l’absence de crédibilité et d’originalité, et les moins de deux cents pages passent si vite qu’on en vient presque à regretter la concision de l’ensemble. Mais pas de panique : il y a encore cinq autres tomes à cette série, le dernier, Sur des Breizh ardentes, est d’ailleurs paru chez Eaux troubles en début d’année. En revanche, un carton rouge clignotant pour les fautes d’orthographe et autres coquilles, surnuméraires comme ça n’est guère permis dans cet opus !

    Un roman sévèrement décoincé, sans réel égal dans le monde littéraire actuel, où Stanislas Petrosky fait feu de tout bois pour notre plus grand plaisir. Avec Requiem, voilà un protagoniste atypique qui, à défaut de pallier la crise des vocations dans le personnel catholique, ralliera à lui les ouailles gourmandes de boutades et de récits qui défoulent. Amen.

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