Là où les lumières se perdent

(Where All Light Tends to Go)

  1. « C'était de vivre que j'avais peur. »

    Dans une petite bourgade des Appalaches vit Charly, tout juste dix-huit ans. Il aspire à la vie normale des jeunes de son âge. Oui mais voilà, il s'appelle McNeely. Un nom de famille qui fait peur dans les environs depuis des générations. Son père est un caïd de la drogue. Sa mère sort rarement de l'état second que lui procure la meth qu'elle consomme à longueur de temps. Et Maggie, son amie et amour d'enfance sort avec un blaireau. Il aimerait pouvoir la reconquérir et moins sécher les cours mais son père lui demande de plus en plus souvent de l'aider à mener ses affaires sordides. Et à vrai dire, il ne lui laisse pas vraiment le choix.

    Récemment auteur d'un second opus, Le Poids du monde, toujours chez Sonatine, David Joy voyait paraître Là où les lumières se perdent en France en 2016. D'un premier roman, ce texte puissant et émouvant, rappelant la plume de Ron Rash (dans Le Monde à l'endroit en particulier), entre autres, n'a pas les habituels défauts. Sans le savoir, il serait d'ailleurs bien difficile pour quiconque de deviner qu'il s'agit ici d'un galop d'essai. Et quel galop ! À partir d'une situation de départ somme toute assez classique – un amour impossible, une famille qu'on ne choisit pas... – David Joy signe un drame magnifique, tantôt atroce tantôt terriblement poignant. Difficile de ne pas s'attacher à Charly, torturé entre ses aspirations et ce destin tout tracé qui lui semble tellement inéluctable. À tel point que l'impossibilité de quitter la ville et de tracer sa propre route paraît presque physique. Difficile de ne pas tomber amoureux de Maggie, mélange de douceur et de motivation qui est quant à elle bien décidée à mettre toutes les chances de son côté pour fuir ce trou et aller étudier à l'université. Difficile de ne pas ressentir ce mélange de pitié et d'amour filial qu'éprouve le jeune homme envers sa mère décatie, sa jeunesse prématurément partie en fumée dans les volutes d'une drogue qui la consume doucement mais sûrement. Rapidement, des événements conjoints bien que sans véritable lien poussent l'indécis Charly à devoir faire des choix. Les ennuis ne font alors que commencer.

    Premier roman et première réussite pour David Joy. Là où les lumières se perdent (très beau titre qu'on comprend encore mieux ensuite) vise juste et convainc totalement. Les pages sont souvent sombres mais l'auteur laisse passer quelques rayons de soleil salvateur.
    Sonatine a récemment annoncé un prochain titre de l'auteur pour octobre 2019, Ce Lien entre nous, qu'on attend déjà avec impatience.

    /5