Le Frisson

(The Chill)

  1. Dolly et ses mystères

    Lew Archer est détective privé, et c’est en sortant du tribunal où il dépose qu’il est abordé par Alex Kincaid. L’épouse de ce dernier, Dorothy McGee, dite Dolly, a disparu juste après leur mariage. A-t-elle été enlevée ? L’a-t-on kidnappée ? Lew accepte cette mission sans savoir qu’elle va s’avérer beaucoup plus complexe que prévu, avec des racines s’enfouissant deux décennies plus tôt.

    Voici un pur roman noir que Ross MacDonald signait en 1963 et faisant partie de la série consacrée à Lew Archer. On se rend rapidement compte que ce limier dispose d’une personnalité bien particulière : peu porté sur la violence – même si distribuer des coups ne le choque pas, désintéressé, peu enclin à la boisson, doué d’une incroyable mémoire, il s’illustre par sa sagacité, sa morale et son humour. Il faut d’ailleurs reconnaître que Ross MacDonald nous régale avec la manière qu’il a de mener son récit : dialogues au cordeau, réparties soulignées par un bel esprit, descriptions concises et fort réussies. Dans le même temps, l’intrigue est particulièrement soignée et dédaléenne. Cela commence comme une disparition que l’on pourrait presque qualifier de banale, mais la suite des événements va rapidement contredire ce sentiment premier. Un mystérieux barbu venu à la rencontre de Dolly peu de temps avant qu’elle ne quitte la scène, des vieilles dames au-dessus de tout soupçon, le shérif Crane qui n’y va pas par quatre chemins, des personnages douteux dans le milieu universitaire, des mariages que certains auraient préféré garder secrets, un sénateur, un psychiatre, des individus connus sous plusieurs identités, des doubles vies, un suicide suspect… Et Lew Archer n’est pas au bout de ses peines dans la mesure où l’étendue de cette affaire va se complexifier avec un premier meurtre, l’obligeant à enquêter sur plusieurs assassinats, « espacés sur une période de vingt-deux ans ». Et il faudra attendre le trente-deuxième et dernier chapitre pour obtenir la résolution de cette trame serrée et vertigineuse de roublardise : après une succession de rebondissements et de fausses pistes, Ross MacDonald nous offre un dénouement de haute volée, inattendu et marquant, achevant ce livre de manière remarquable.

    Pas étonnant que des auteurs comme James Ellroy ou Michael Connelly encensent Ross MacDonald et son œuvre. Ce roman se distingue par l’excellence de son écriture, la complexité de son histoire et la finesse de ses analyses psychologiques – sobres et incisives.

    /5